J’attendais beaucoup de ce film. Peut-être un peu trop. Prix du Jury à Cannes, un bouche-à-oreille positif, une bande-annonce intéressante. Néanmoins, même si le film est correct, il ne mérite pas l’attente qu’il a suscité. Déception.


Alors j’admets malgré tout de bonnes choses comme l’originalité du fameux synopsis - qui est vraiment très bon -. Dans un futur proche, David, notre personnage principal se fait plaquer in medias res par sa femme après une relation de 12 ans de vie commune. À partir de là, selon les règles de la société dystopique, David a un délai de 45 jours enfermé dans un hôtel pour trouver sa nouvelle moitié au risque d’être transformé en l’animal de son choix : un homard en l’occurence. Les 45 premières minutes qui développent ce synopsis sont excellentes, l’absurde est de bon goût : hilarant et détonnant. Les personnages des camarades célibataires de David sont géniaux et assez rares dans un film, sans que leur psychologie se mettent en valeur au cours du métrage. Les acteurs comme Colin Farrell sont parfaits dans la mesure où ils sont justes, sans aller plus loin. La gêne constante de ce personnage est bien partagée au spectateur. La sobriété est de mise dans ce film « théâtral » dans lequel le geste et l’utilisation de l’espace sont à l’honneur mais l’univers se révèle plus intéressant que l’histoire. Le monde de l’hôtel, celui de la ville pseudo futuriste, et celui de la forêt des solitaires sont plus alléchants que la quête piétinante de David à trouver le vrai amour et donc son bonheur.


Le rythme du film est toutefois beaucoup trop lent. L’histoire devient de moins en moins intéressante au profit d’une image qui ne repose que sur le visuel, ce qui lasse au bout d’un moment. Un peu comme l’excès du nombre de jump scares dans un film d’horreur, l’excès de surprises visuelles, d’actes watefeuquesques ne finit par plus nous faire réagir. L’ambiance devient de plus en plus lourde. Dans la même idée, la candeur dont fait preuve notre personnage principal ne marche plus et s’enraye à mesure qu’il continue son jeu de soumission aux univers auxquels il fait face.
Concernant la technique, le plan fixe et la symétrie dans la construction de plan sont efficaces pour nous faire paraître bizarre l’environnement diégétique néanmoins au bout de deux heures ça tourne en rond sans jamais s’arrêter (surtout quand dans la deuxième partie du film, l’histoire se passe dans la forêt). Par ailleurs, la voix de la narratrice, synchronisée au violon (musique répétitive), devient énervante au bout de 5 minutes (c’est la manière avec laquelle elle articule et son accent qui veulent ça mais c’est totalement personnel). Les personnages qui arrivent de plus en plus ne sont malheureusement pas traités de manière approfondie. Il y aussi à mon goût un peu trop de mutilations et de violences volontaires à donner des nausées sans aucun lien véritable avec l’histoire.


Ce film teinté d’absurde choisit de s’attaquer à la notion de relation de couples. Le film défend une idée ultra-méliorative du couple au sein d’une société futuriste que l’on juge exagérée mais qui sûrement n’est pas éloignée de celle que l’on a aujourd’hui. C’est vrai que dans les dîners de famille ou dans les discussions familiales, les couples sont mis en avant comme ayant réussis tandis que les célibataires sont à la ramasse. Ce qui est bien retranscrit par le film. En mettant en valeur les couples, ces derniers sont perçus comme les anormaux qui se trouvent des points communs pour finir ensemble et ainsi échapper à la transformation animale. Car l’Amour tel que le présente le film, avant qu’il ne soit exprimé par David face à nous, ne repose plus sur les sentiments et les émotions mais se fonde uniquement sur des similitudes, des ressemblances factuelles (comme les nouveaux moyens de rencontres 2.0 avec Meetic dans lequel les profils ne se résument qu’à leurs goûts ne donnant aucune chance à la véritable rencontre fortuite amoureuse et le coup de foudre). Il s'agit de l'instrumentalisation de l'acte d'aimer. Et notre sympathique héros combat cela avec pour seules armes ses émotions et sa personnalité maladroite.
Le fameux Hotel représente la société « idéale » pour un bon fonctionnement prôné par un Etat omniscient et omnipotent dans lequel les couples restent ensembles (et peuvent faire appel à des enfants s’ils rencontrent des problèmes d’harmonie - détail assez drôle d’ailleurs -) tandis que les célibataires doivent s’exiler dans leur coin consacré, en tachant de trouver l’âme sœur. La morale c'est que pour satisfaire l’image que les autres ont de nous, nous sommes toujours à la recherche de l’Autre, ou plutôt la personne avec qui nous partageons le plus de ressemblances sans prendre en compte les vrais sentiments, pointés du doigt par les mœurs et autres codes.

Irénée_B__Markovic
6

Créée

le 3 nov. 2015

Critique lue 431 fois

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Ikarovic

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