Un nombre incalculable de livres et d'articles ont été écrits sur la brûlante question des adaptations au cinéma. Comment faire une bonne adaptation ? Comment juger une adaptation ? Etc. Pour ma part, je crois que la question est beaucoup plus simple qu'il n'y paraît, et qu'on se creuse trop la tête. Quel que soit le livre, que ce soit un chef d'oeuvre, un classique (ce n'est pas la même chose, loin de là), un simple produit de consommation, voire du grand n'importe quoi, que ce soit un roman complexe ou, au contraire, une oeuvre d'une grande simplicité, le film qui en est l'adaptation dépendra de la qualité du cinéaste, comme n'importe quel autre film. Un roman prodigieusement compliqué, profond, philosophique peut faire un film sublime (voir Mort à Venise, de Visconti, d'après le court roman de Thomas Mann). A l'inverse, un roman qui est un simple divertissement et qui paraît enfantin à adapter peut donner une grosse merde (voir la catastrophe produite par Ron Howard d'après les romans de Dan Brown).
[Fin de l'introduction, certes un peu longue, je le concède]
Voilà déjà quelques mois que j'ai vu ce film, mais j'attendais de relire la nouvelle de Stephen King, Brume, pour faire la critique de l'adaptation. Oh ! non pas que j'eusse besoin [Subjonctif imparfait : la classe !] de cela pour savoir que le film de Darabont était une merde [je m'excuse pour la répétition de ce mot grossier, mais je me refuse à employer le terme "daube", ayant trop de respect pour ce plat qui peut être succulent], non, loin de là ! Mais je ne me souvenais plus trop de la nouvelle, et ça me donnait une bonne excuse. J'avoue avoir ressenti une petite surprise : The Mist est une adaptation qu'on pourrait qualifier de fidèle, dans le sens où elle reproduit les événements du texte, dans l'ordre.
Et pourtant, le livre est une réussite là où le film est un échec.
N'ayons pas peur de le dire : The Mist aurait pu être un film formidable, s'il y avait eu un réalisateur digne de ce nom aux commandes.
Mais Darabont se révèle, très vite, strictement incapable d'implanter l'ambiance angoissante qui règne dans le livre. Les scènes s'enchaînent, elles servent de prétexte à montrer des monstres numériques de la plus grande laideur, et on s'en fout. Car jamais des trucages numériques ne peuvent faire peur. Jamais on ne peut trembler pour des personnages menacés par un fond vert. Et c'est toute l'excuse du film (montrer un déluge de bestioles pour faire frémir le spectateur) qui s'effondre lamentablement.
Mais, me dirait-on, le film ne se résume pas à cela. Il y a aussi les réactions des personnages face à la menace inconnue.
Là encore, je dirais : certes, mais il aurait fallu un scénariste digne de ce nom pour réussir ce que King avait monté. Là où, dans le texte, les naufragés du supermarché représentaient l'ensemble des Américains pris dans la panique d'une attaque nucléaire (ou d'un autre péril inconnu), le film réduit tout cela à de vagues caricatures d'une absolue bêtise.
Et la fin. Parlons-en, de cette fin. Au lieu de la fin ouverte du texte, qui donnait libre cours à toutes les possibilités présentes dans l'imagination des lecteurs, Darabont préfère une véritable horreur, dégoûtante de voyeurisme et de complaisance.
Un film prétentieux qui n'aboutit qu'à une stupidité, une ambition qui tombe à plat.
