Hier passait à nouveau à la téloche le The Queen de Stephen Frears et j'avoue que la curiosité m'a titillé.
Elle m'a titillé d'une part parce que je n'arriverais jamais à bouder un film de Stephen Frears, mais elle m'a aussi et surtout titillé d'autre part parce qu'alors que j'étais en train de regarder la série The Crown sur le même sujet, je m'étonnais de plus en plus de cette manière quasiment canonique qu'avaient les œuvres britanniques de quasiment toutes traiter les Windsor de la même manière.


A chaque fois c'est la même chose.
A chaque fois on retrouve cette représentation factice qui ne cesse d'osciller entre d'un côté l'image hagiographique qu'on ne veut surtout pas écorner et de l'autre ces détails qui aspirent à maladroitement l'humaniser.
Alors j'entends qu'au fond on ne sait rien de ces têtes couronnées et qu'ainsi toute œuvre de fiction se retrouve contrainte de reproduire le mythe affiché en public (et cela presque malgré lui), mais dans le cas présent, ça tournerait presque à la farce, voire au téléfilm.


D'accord il n'est pas si inintéressant que cela que le film sache opérer cet espèce de champ/contrechamp permanent entre ce que le peuple perçoit et ce que la Reine conçoit. S'opposent là deux représentations de la fonction, deux tempéraments, voire même deux époques qui peinent désormais à cohabiter ensemble...
...Malgré tout, je trouve que la manière de faire est tout de même assez fade et creuse, pour ne pas dire quasiment enfantine. Et s'il y a bien un élément de l'intrigue qui parvient à souligner ce caractère là de manière grinçante c'est bien la manière avec laquelle est dépeint Tony Blair.


Dans ce film, Tony Blair est un pur personnage de romance ; un politicien digne du Journal de Bridget Jones. Il est jeune, beau, drôle, amoureux de sa femme, proche du peuple, il porte des maillots de foot à la maison, fait la vaisselle, mange des bâtonnets de poisson avec ses gamins sur la petite table de la petite cuisine de son petit appart...
...Et quant tout son entourage ne sait parler que de politique politicienne lui il sait garder le cœur pur. Il pense au royaume, il pense à la Reine, et c'est d'ailleurs lui qui va clamer toutes les tirades traduisant sans subtilité aucune la grille de lecture que Frears entendait nous imposer depuis le début.


Non mais c'est quoi ce Tony Blair de château Disney ?
C'est quoi ce Tony Blair qu'on nous présente comme sincère protecteur du peuple alors que ses mandats ont justement été marqués par une politique très libérale ?
C'est en regardant ce Blair qu'on comprend comment est finalement dépeint tout l'ensemble du jeu politique dans ce type de film le monarque... C'est dépeint de manière totalement romancée, aseptisée et surtout totalement biaisée.


Car pour qui avait suivi les événements en 1997, ce film ne lui apprendra rien que ce qu'il avait suivi à la télévision.
D'ailleurs c'est bien de cela dont il s'agit finalement avec ce The Queen : d'un film de télévision.
Film de télévision dans la manière très infantilisante de traiter le sujet donc, mais aussi film de télévision dans la forme tant la réalisation de Frears est plate quand ses dialogues se révèlent démonstratifs et convenus, comme peuvent l'être d'ailleurs toutes ces fables du même genre.


Dès lors on pourrait s'étonner.
Dès lors pourrait s'imposer la question du pourquoi ?
Pourquoi cette incapacité à traiter le quid de la Reine ?
Pourquoi rester en permanence derrière cette image d’Épinal digne d'un vieux conte de Noël ?


Eh bien je crois tout simplement parce que nos voisins britanniques ne savent pas faire autrement.
Vouloir faire autrement c'est vouloir s'engager en terra incognita. Mais surtout pire que ça : faire autrement c'est surtout s'engager en plein No Man's Land entre d'un côté le public conservateur bon teint et de l'autre le public acheteur de mugs de Lady Di.
Stephen Frears étant coincé dès le départ, il n'a donc même pas cherché à essayer.
Ainsi, au manque de recul sur la question s'est associée dans ce The Queen un manque d'audace et de personnalité.


Alors après oui, pourquoi pas, on pourra se satisfaire des jeux de mimétismes des uns et des autres, d'Helen Mirren en Elisabeth en passant par Michael Sheen en Tony Blair, pourquoi pas...
Mais le fait est que ce truc ressemble trop à des dizaines d'autres documentaires et docu-fictions sur la question pour vraiment marquer les esprits ; du moins des esprits comme le mien.


D'ailleurs - tout un symbole - après avoir revu ce film à la téloche lors de ce soir de 6 février 2022, j'ai pris la peine de penser aux quelques mots que vous lisez en ce moment, et au moment de venir les taper sur SensCritique j'ai découvert... que j'avais déjà posté une critique en 2014 à son sujet...
...Et que je ne m'en souvenais même pas.


Alors bref voilà : avec ça tout est dit.
Tenons-nous en là et passons à autre chose.
Laissons cet énième fiction royale prendre la poussière.
Et sachons logiquement oublier ce qui ne mérite guère d'être distingué.
En tout cas moi c'est ce que je vais faire, avec cette petite Queen de misère.

Créée

le 30 nov. 2017

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