The Truman Show est sur un paradoxe : il met en scène un « réality show » fictif qu'il renie en le détournant. Le film ne commence qu'au début de la révolte de Truman. C'est à dire, quand il le remet en cause. L'intrigue du film The Truman Show repose sur la négation du principe même de l'émission télévisuelle fictive mettant en scène la vie de Truman. L'intérêt du film est de voir s'écrouler la série sur laquelle il se base. Truman rejette toute sa vie en découvrant peu à peu la duperie dont il a été la victime. Il se révolte dans le sens où l'explique Albert Camus dans L'homme révolté : « Qu'est qu'un homme qui se révolte ? Un homme qui dit non. » Ainsi, Truman en pressentant la fin, prononce dés la première minute du film : « No way [...] ».

Une mythologie des temps modernes

En choisissant la réalité contre le factice - de la même façon que dans le mythe de la Caverne de Platon - rétablit l'égalité maître-esclave que lui avait imposé Christof. « Pour être l'homme doit se révolter » explique Albert Camus. C'est ce que fait Truman en préférant la dure vérité aux faux-semblants. En ce sens, Peter Weir met en scène le mythe de Prométhée qui a outrepassé les droits que lui avait accordé Zeus en donnant le feu sacré aux humains. Truman a lui aussi dépassé le cadre que le réalisateur lui avait imposé en cherchant la vérité qu'il n'aurait pas du connaître.
Dans la dernière scène, alors que Christof s'est accordé littéralement le droit de vie et de mort sur Truman, celui-ci apparaît enchaîné dans les cordages du bateau, comme Prométhée est enchaîné au Caucase. Truman se sacrifie pour la vérité et contre les lois injustes. Cette vision symbolique démontre la puissance tyrannique du réalisateur qui est mise à mal par la révolte de Truman.

Par cet acte, en quittant l'émission, il tue socialement le père car plus encore que celle de Truman, la vie de Christof est fondée sur l'émission. Il accomplit ainsi le complexe d'Oedipe par sa révolte.
Au delà de l'acte personnel qu'il réalise, la révolte de Truman est - comme toutes les révoltes - un acte sociétal. Il correspond à la théorie d'Albert Camus: « Je me révolte donc nous sommes. Et nous sommes seuls. » Truman en se révoltant, non seulement se libère de l'emprise de l'émission et de son réalisateur, mais aussi libère les millions de téléspectateurs en mettant en avant la perversion du concept de l'émission et leur addiction. Cette idée est démontrée par leurs cris de joie après le départ de Truman. Alors qu'il a socialement et publiquement tué Christof, le monde entier se retrouve seul mais libéré. Pourtant, le film conclue sur le caractère éphémère de la télévision en montrant deux téléspectateurs changer de programme : « We change?what else is on?where is the tv guide? ».

The Truman Show, une œuvre existentialiste.


Le Truman Show est un film de réflexion sur la condition humaine contemporaine. Il porte d'ailleurs les marques de l'existentialisme. La vie de Truman représente parfaitement la fameuse théorie de Jean-Paul Sartre « l'existence précède l'essence ». L'homme vient au monde, existe puis se définit peu à peu par les actions et les choix qu'il fait. Truman, de la même façon, ne se définit en tant que personne que lorsqu'il fait son premier choix, celui de se rebeller. Sa mort symbolique dans la tempête est avant tout sa renaissance, sa naissance en tant qu'être humain conscient. Il se détache radicalement de l'ancienne vie dans laquelle les scénaristes avaient tout choisi. Il crée son essence après avoir existé lorsque, dans la scène finale, il passe la porte.

Dans cette scène, Truman prend conscience de l'existence des autres, et, en particulier de celle de Christof lorsqu'il tourne son regard vers le soleil. En portant son regard sur autrui, il comprend en même temps qu'il était le centre d'un monde télévisuel créé pour lui (Christof lui dit « The world i create for you ») et qu'il n'est plus le centre du monde car le système égocentré qu'on avait construit pour lui -et qu'il avait également construit mentalement- s'écroule à la perception d'autrui.
Ainsi, selon la théorie existentialiste, Truman au moment même où il devient un homme libre en rejetant l'état d'objet auquel le show l'avait résigné, redevient un objet au travers du regard de l'autre qu'il vient de découvrir. Autrui le juge, fait de lui l'objet de sa pensée mais cette réification est à double sens.
C'est à dire que, non seulement par l'ironie de ses paroles mais plus encore par l'acte ultime du passage de la porte, Truman a le dernier mot, il juge tous ces autres qu'il a découvert et les soumet à sa volonté. Il n'est plus seulement l'objet du regard d'autrui et de la société mais il devient sujet en réifiant tous ces autres inconnus. Ainsi, le conflit insolvable entre les libertés de chacun - tel que Sartre nous le montre dans Huis Clos - est à son apogée. Il se résout pourtant dans la joie des téléspectateurs du show. Par ce sentiment unanime, ils se soumettent à Truman, à sa volonté et se réjouissent de son acte.

Peter Weir vit-il à Fééritopia ?

Alors que le show était devenu leur raison de vivre depuis des années, que la télé était devenue leur maître à penser qui leur montrait comment vivre « comme il faut ». Ils se réjouissent que leur quotidien s'écroule. Cette relation de soumission à l'autorité cathodique nous rappelle l'expérience de Milgram reprise à propos de la télévision en 2010 par Jean-Léon Beauvois et Christophe Nick. Dans le Truman Show, le petit écran est déifié par les téléspectateurs du show. Il est au centre de leur vie, il leur dicte leurs sentiments, leurs envies... Par son acte de rébellion, Truman non seulement s'impose en homme libre mais aussi libère ces millions de téléspectateurs de leur soumission. On peut reprocher à Peter Weir sa naïveté et son manque de cynisme. Mais tout bon spectateur de The Truman Show est heureux de ce happy end.
Pamiel
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le 7 févr. 2011

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