La cinéaste protéiforme Marjane Satrapi s’était un peu perdue après l’impressionnante réussite de l’adaptation de son roman graphique Persepolis. Avec l’ambitieux et réussi The Voices, elle nous plonge dans la tête d’un serial killer schizophrène. Parti pris audacieux, surprenant et hautement casse gueule que d’adopter le point de vue de son anti-héros. Il fallait un certain style, beaucoup de second degré, d’humour et de hauteur pour faire adhérer à cette histoire sinistre tout en lui conférant un ton léger et acidulé. Et du style, Satrapi en a. En filmant à travers le prisme de la maladie de son héros naïf et peu benêt qui voit la vie en rose bonbon, tombe niaisement amoureux, et disserte du bien et du mal avec son chat et son chien, elle crée un univers pop et décalé, un décor propret, coloré et acidulé , proche de celui d’un conte de fée. Mais un conte de fée qui s’avère lugubre à souhait dès qu’on sort du cerveau malade de Jerry. La réalisation chiadée et sophistiquée de Sartapi prend tout son sens lorsque, par un habile procédé, on se prend le monde réel en plein visage. Et l’intrigue de The Voices de commencer à dérailler et d’aller franchement sur le terrain de l’horreur. Tout ce joli petit monde sympathique devient alors vraiment flippant.
En opposant délires schizophrènes (actes dictés par des animaux de compagnie, monde idéalisé) et réalité (meurtre sordide), le film se montre à la fois drôle, intriguant, et effrayant
L’artifice d’une vision fantasmée du monde où Jerry refuse de voir sa vraie nature, sert complètement le projet, parfaitement cohérent. On pourrait penser que la violence s’en verrait amoindrie, mais au contraire, elle est d’autant plus frappante qu’on s’y attend peu.
La mise en scène confère donc un onirisme sanglant et macabre au film, par ailleurs balayé par la performance délicieuse de Ryan Reynolds, parfait d’autodérision et de tics enfantins, qui parvient à défendre un personnage des plus complexes et à rendre Jerry à la fois attachant et effroyablement terrifiant.
Marjane Satrapi s’empare avec The Voices d’un créneau laissé vacant par un Tim Burton incapable de se réinventer. Elle le fait avec talent et enthousiasme, et nous offre une brillante fantaisie macabre.
Thibault_du_Verne
7

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Créée

le 18 mars 2015

Critique lue 239 fois

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