Thomasin à l'école des sorcières

Attention. Cette critique possède beaucoup de spoiler et parlera ouvertement de religion. L'auteur prévient aussi que cela aura pour but d'analyser en profondeur le film et les symboliques qu'il y a autour de lui. Vous voilà prévenus

The Witch ! Les films de sorcières ont pris divers formes (comme les versions Disney, la version Harry Potter, la version Dangereuse Alliance, les versions Magical Girl etc etc). Mais, c'est rare de voir des films qui mettent en avant la première vision que l'humanité avait des sorcières ; à savoir des femmes le plus souvent innocentes accusées d'être des disciples de Satan. Ce film réalisé et écrit par Robert Eggers dont il s'agit de son premier film (il sera au commande de l'attendu Lighthouse avec Willem Dafoe et Robert Pattinson) et avec pour son premier rôle crédité et en tête d'affiche, l'actrice Anya Taylor-Joy, qui a été révélée par ce film et par Split (avant elle avait un rôle non crédité dans cette bouse oubliable de Vampire Academy). Le résultat de ce premier tour de piste pour le réalisateur et l'actrice est un film d'horreur vraiment prenant et efficace.

Une réalisation vraiment prenante malgré des longueurs

Ce film n'est pas exempt de défauts. En même temps, très rares sont les réalisateurs dont leur premier film est un chef d'oeuvre de bout en bout. Cela dit, le réalisateur nous livre un film d'horreur de l'époque de la colonisation vraiment efficace. L'imagerie sombre sied bien avec l'ambiance d'une famille vivant recluse de la société, croyante et voulant vivre leur vie de manière simple et dans la piété. De même, la mise en scène bien que peu inventive a quelques moments que je trouve bien trouvés. Premièrement, l'utilisation du hors champ. Ces derniers temps, je trouve que les réalisateurs ont tendance à utiliser le hors-champ bien plus comme cache misère que comme un élément de mise en scène (n'est-ce pas Mélanie Laurent ? Oui, ton Galveston et tes scènes d'actions hors champs, ça je m'en souviens !). Ce n'est pas du tout le cas ici. Le hors champ a du sens et va avec le propos du film, en plus d'augmenter le potentiel horrifique qui fait qu'on a ici 0 jump-scare. Il permet aussi d'ajouter un aura de mystère sur la figure du Malin. De la même manière, les plans sont parfois rapprochés au niveau du visage des personnages afin de montrer leur état d'esprit mais aussi le symbolisme du Mal. De plus, le film laisse planer le mystère autour des événements surnaturels : es-ce qu'il y a vraiment une sorcière dans les bois ? Es-ce que toute cette histoire fictive à cause des croyances de la famille ? Ou bien es-ce qu'un des membres de la famille veut vraiment du mal ? Tout est suggéré par la mise en scène qui fait que cet aura de doute peut s'estomper à tout moment contrairement aux protagonistes qui deviennent leurs propres pires ennemis. Il va s'en dire que les personnages ont aussi une symbolique et sont tous bien interprétés.

Leur nom ne les sauvera pas.

Déjà parlons de l' "héroïne" Thomasin jouée par Anya Taylor-Joy. Elle porte parfaitement bien son personnage qui est bien plus complexe et développé que dans Split (attention, son personnage dans Split est tout de même un très bon personnage). D'une part, tous les prénoms des protagonistes ont un sens dans ce film. Thomasin est la transcription féminine de Thomas, le prénom du 11e apôtre de Jésus. Un prénom bien choisi et qui fait sens pour son personnage. Saint Thomas est principalement connu pour ne pas avoir voulu croire que Jésus soit ressuscité après sa crucifixion à moins qu'il ne voit les marques des clous dans ses mains et la plaie de son coté (oui , je vous avais prévenu; attendez-vous à que je parle religion dans cette critique, car les liens sont bien présents). Ici Thomasin est un Saint Thomas inversé. Littéralement (et pas par le faite qu'elle soit une adolescente). Dans les grandes lignes, il s'agit de l'aînée qui à le poids de veiller sur ses frères et sœur depuis que sa mère s'est retrouvée alitée à la "disparition" de Samuel. Cependant, elle va progressivement souffrir d'un léger complexe de Cassandre. Si Saint Thomas avait douté du faite que Jésus était vivant, Thomasin ici est parfaitement conscience de la présence d'une sorcière et du mal dans la forêt depuis la perte de son petit frère Samuel dont elle avait la charge (chose que bizarrement, la famille ne la reproche pas trop). Elle est témoin que des phénomènes démoniaques existent dans la forêt au point qu'elle est persuadée qu'une sorcière existe. Mais elle finira pas se rendre compte qu'il n'y a pas de sorcière mais que le Diable lui-même leur fait du mal.

Les parents William et Katherine (joué par Ralph Ineson connu pour être un des mange-morts des derniers Harry Potter et le beau-père de Wade/Parzival de Ready Player One et Kate Dickie alias Lisa Arryn de Game of Throne). Niveau prénom, pas la peine de chercher une signification philosophique; ce sont des prénoms communs et répandus. Et c'est là que cela devient intéressant : le film nous les présente comme mari et femme dans le sens patriarcal du terme. A savoir, William le père de famille protecteur et dévot et Katherine la mère au foyer dévote, mais ici meurtrie par la "mort" de son fils Samuel. Cela dit, on se rend compte bien vite que les rôles sont quelques peu inversés : William malgré sa bonne volonté et sa foi peine à se montrer digne d'être un père dévot, au point qu'il se sent obligé de faire des concessions et de trahir sa femme. Quant à Katherine, le sort de Samuel l'a rendu de plus en plus sévère et dure au point qu'à la fin du film elle devenue encore plus psychopathe et folle que son personnage de Game of Thrones ! (limite que c'est elle la sorcière). Bref, un dualité entre les apparences et la réalité vraiment bien exploitée pour ses personnages.

Caleb (Harvey Scrimshaw ) qui est là une référence à l'un des héritiers de Moïse dans le livre des Nombres. Et comme son homologue il veut se montrer digne de son père. A savoir un homme courageux et pieu veillant sur sa famille. Mais non seulement son père ne l'estime pas prêt et veut le protéger, mais c'est aussi un garçon qui grandit. Du coup, il est soumis à des tentations et des désirs inavouables, chose que lui même essaye de combattre

Les 2 autres enfants, les jumeaux Mercy et Jonas (Ellie Grainger et Lucas Dawson) ont des non qui sont à l'opposé de ceux qu'ils représentent (Mercy étant un prénom dérivé de miséricorde et Jonas le prophète qui a été avalé par une baleine...ou un autre monstre aquatique). Ils représentent tous deux la part d'innocence corrompue par la présence démoniaque de la forêt et de la maison (on va y revenir)

Ils seront de fait de plus en plus hostiles à Thomasin au fur et à mesure que les événements vont s'enchaîner au point que cela leur causera leur pertes.

Les sorcières. Bien qu'on en voit plusieurs dans le film, seulement 2 sont identifiables (à moins que ce soit une seule et même sorcière à des âges différentes).

La première et la vieille jouée par Bathsheba Garnett n'apparaît officiellement que 2 fois dans tout le film. Toujours nue et elle semble responsable de l'enlèvement de Samuel

C'est l'image qu'on se fait tous d'une sorcière typique (à savoir très vieille et effrayante)

La seconde jouée par la top modèle qui a posé nu dans Playboy en 2018 Sarah Stephens (voilà, c'est posé) n'apparaît officiellement qu'une fois et dans une version sorcière du Petit Chaperon Rouge. Mais on va y revenir.

Parlons maintenant de Black Phillip. Black Phillip et le nom du bouc noir de la famille et gros spoiler, c'est lui le Diable. Niveau référence, c'est assez évident : Les boucs ont presque toujours eu une connotation maléfique dans le christianisme, par opposition aux montons. Du coup, quand on a un bouc noir, la référence est ici plus manifeste. De plus, le prénom Black Philip. Philippe étant. le 7e apôtre de Jésus et l'un des plus proches avec Pierre et André (il a même eu un martyr à peu prêt similaire à Pierre). Tout comme Thomasin, il s'agit d'un Philippe inversé. Mais j'en parlerai plus bas.

Il y a aussi le gouverneur au début (Julian Richings). Voilà

Ne nous laisse pas entrer en tentation

Au niveau de l'histoire, il s'agit d'une famille de colons puritains qui suite à un bannissement à cause de leur communauté, ils vont vivre dans une ferme à l'écart et qui seront soumis par des attaques d'une sorcière. Le film est très bien écrit malgré quelques longueurs et jouent beaucoup sur la suggestion. On voit bien la famille progressivement se décomposer à cause des attaques qu'au début on pourrait attribuer à la sorcière. Cela dit, si on analyse de plus prêt, il ne s'agit de mise à l'épreuve par le Diable et qu'ils ont tous échoué. Mais d'une part , dès le début, on pourrait se demander pourquoi cette famille si pieuse a été condamnée par le village de colons. Cet élément scénaristique jamais explicité permet de nous demander les raisons de ce bannissement. Peut-être qu'ils ont été mal vu des colons, peut-être ont-ils commis un crime. Peut-être le père a fait quelque chose de terrible pour être bannis. Et puis après tout s'enchaîne car chacun des membres vont être confronté à la sorcière (en apparence) dans un affrontement qu'ils vont tous perdre

Si on regarde bien : Il y a 3 éléments qui reviennent : D'une part, chacun est soumis à un désir (sauf Samuel vu que c'est un bébé) et d'autre part , Thomasin est plus ou moins directement témoin des événements clefs et de leur mort. Mon hypothèse est que toutes ses attaques sont des tentations auxquels chacun y étaient confrontés. Tentations qu'ils ont hélas tous échoué à résister. Mais en spoiler, je n'ai pas parlé de Thomasin et quelles sont les attaques qu'elle a subies. En réalité, elles les a tous subites, ou plutôt elle en a subit les conséquences et le fait que la famille à l'exception de Caleb a finit par croire que c'était elle la sorcière. Et du coup, elle les a vus tous glisser dans la folie et en a déduit que le vrai responsable est le bouc. Et 3e élément, les tentations ont révélé la vérité à chacun sur chacun d'eux

Bref, le film est une véritable descente aux enfers pour la famille où la scène finale et le ricanement de Thomasin est très ambiguë. On ne sait pas si elle rigole de satisfaction ou de désespoir.

Délivrez-les du mal...ou pas

Bref, ce premier film est un film de sorcellerie vraiment efficace mais qui traîne assez en longueur sur la durée. Il est vrai que ce choix est totalement voulu afin d'installer un malaise et malgré le faite que les effets spéciaux (en tout cas à la fin) ne sont pas toujours bons, la mise en scène est vraiment classe et l'histoire est effrayante bien comme il faut. Du coup, maintenant méfiez-vous du lapin noir...préféré le blanc d'Alice Au Pays des Merveilles