Si « The Yards » fait aussi authentique c’est que James Gray, co scénariste et réalisateur du film, a grandi dans le Queens et qu’un scandale identique éclaboussa sa famille car son père y fut mêlé. Quelque par renié par son fils, car dans cette galerie de personnages le père est évidemment le grand absent et Léo, le héros, devient le couple central avec la mère, offrant un grand rôle à Helen Burstyn qui l’assume par une performance admirable. Car dans ces lumières aussi vacillantes que les âmes qu’elles éclairent, se débat un jeune homme tout juste libéré sur parole, suite à un vol de voiture presque banal, dont le seul but est de se réinsérer le plus normalement possible. Ce possible n’existera pas car voilà que commence une tragédie implacable qui détruira l’amitié, la vie de sa cousine plus adorée qu’une sœur (et qui le lui rend bien), d’une famille minée dès le départ par le patriarche, maître corrupteur, chanteur et pire encore. Durant les presque deux heures que dure le film, la trop grande lenteur maîtrisée de la mise en scène rend par moment la tension irrespirable, mais aussi paradoxalement, trépignante, nous embarquant dans une furieuse mais angoisse envie d’accélérer. Avec ses décors, ses plans, sa musique impeccable (d’Howard Shore) et un casting exceptionnel ce grand film est avant tout un film d’acteur comme Hollywood ressort la recette qu’en de trop rares occasions, les effets spéciaux et la surenchère étant devenue la règle majoritaire depuis plus d’un quart de siècle. Que ce soit la sobriété de Mark Wahlberg, pris dans l’engrangement du délit de sale gueule, la douceur souvent muette d’Ellen Burstyn, oscillant entre l’espoir et le désespoir d’une mère perdue entre faiblesse et déception, la composition complexe de Joaquin Phoenix l’ami de toujours, déchiré car paralysé devant un choix impossible car il ne veut renoncer, ni à l’argent, ni à la femme qu’il aime, ni à l’amitié, ni à la liberté et qui finira par tout perdre, Charlize Theron (mmm !) la cousine fragile, innocente sacrifiée découvrant la lâcheté coupable de l’homme qu’elle aime, demandant pardon à son ignoble beau-père, James Caan faux derche sans morale aucune, dont aucun meurtre, aussi proche soit-il, n’entame la résolution et enfin Faye Dunaway, sa femme, tante du héros malheureux qui assiste impuissante à l’agonie cardiaque et mentale de sa sœur et qui sent dans quelle tragédie s’est enfermée sa fille à l’insu de son plein gré. Le cinéaste avec une force descriptive évidente, réussit l’exploit de ne jamais se fourvoyer dans le lacrymal, tout en gardant des moments d’émotions très fort, comme lorsque sa tante tend la main à son neveu lors du deuil de sa fille. Tout est juste, tout serait parfait, mais la fin semble escamotée, la tragédie devait être plus complète à mon sens. Après « Little Odessa », James Gray a fait le deuxième film qu’il souhaitait et non l’habituelle déception alimentaire dans laquelle trop de ses collègues se sont fourvoyés (lire son interview dans LES INROCKS).