The Young Lady s'inspire du roman de Nikolai Leskov Lady Macbeth du district de Mtsensk abordant différents thèmes : la soumission des femmes dans la société européenne du XIXème siècle, le mariage, l’adultère et la vie provinciale.


Le film s'ouvre sur le visage d'une jeune femme recouvert d'un voile blanc. Elle est en plein chant religieux, mais sa voix est recouverte par celle des hommes. Elle se tait, regarde autour d'elle et on sent le malaise dans ses yeux. Elle semble apeurée et va se retrouver dans une chambre avec un homme lui ordonnant sur un ton brutal de se déshabiller. Il la regarde puis s'allonge dans un lit en lui tournant le dos. Il ne veut pas d'elle, elle ne veut pas de lui, mais le beau-père en a décidé autrement. Les hommes décident et les femmes se soumettent à leurs décisions, du moins en apparence.


L'atmosphère est austère, sec et d'une surprenante noirceur. Ce n'est pas une oeuvre dramatique historique, mais sur une femme amoureuse s'émancipant au point de se transformer en une mante religieuse. Pourtant, rien ne laisser présager un tel changement de ton. Cette jeune femme est enfermée dans une immense demeure, entourée de son mari, beau-père et une servante. Sa vie se résume à être belle en subissant le douloureux brossage de ses cheveux, en étant engoncé dans un corset la compressant et la rudesse du pain de savon sur sa délicate peau. Elle souffre en silence pour être belle aux yeux d'un mari ne la désirant pas. Elle reste assise sur le canapé, luttant contre ses paupières et le temps qui passe lentement au son de l'horloge du salon. Elle est comme un objet, posée dans un coin avec le regard fuyant à l'horizon dès qu'elle en a la possibilité. Son mari va s'absenter, elle va en prendre le relais auprès du personnel et devenir aussi exigeante que celui-ci.


La cruauté des rapports de classe dans une société patriarcale. L'homme façonne le monde à sa manière. Il traite la femme comme un trophée, en l'exposant aux yeux d'autres hommes. De par sa beauté et apparence, elle fait sa fierté. Parfois, les règles sont différentes et le jeu en devient plus alléchant. L'homme ne désire pas cette jeune femme et s'absente longuement pour ne pas devoir partager sa couche avec elle. Elle en est heureuse et va s'amouracher du palefrenier sous le regard de sa servante. Elle se sent libérée et peut vivre sa vie selon ses envies. La passion est dévorante, elle tisse sa toile en s'appropriant les lieux et le personnel. Sa désinvolture est agréable, on sourit face à son insouciance, à sa transgression des diktats sociaux. On est avec elle, on est sous le charme de Katherine en prenant du plaisir à la voir jouir de son corps et de ses pensées selon son bon vouloir. Mais la femme est au fond, un homme comme les autres.


Le huis clos est fascinant. On suit l'émancipation de cette jeune femme avec passion. Florence Pugh illumine l'écran de son charme et talent. Il fallait une actrice capable de séduire le spectateur, d'en faire son prétendant, voir son valet. On est acquis à sa cause, en la dévorant de nos yeux brillants face à son sourire et l'intonation de sa voix. Elle prend de plus en plus de présence au cours du récit, en se montrant amoureuse avant que cela l'aveugle et en fasse une veuve noire. La servante observe les changements et en subit les conséquences. C'est parfois insoutenable, on est mal à l'aise face aux châtiments que l'homme inflige à la jeune femme et à la servante. Ce malaise va s'accentuer au fil des événements, avant qu'un acte impardonnable scelle le film et la destinée de la jeune dame.


C'est un régal. Sa perversion est séduisante et on apprécie son humour noir. La réalisation se met au service de la révélation Florence Pugh et ne donne pas le sentiment d'être au sein d'un huis clos. Au fil des minutes, on comprend l'attitude de chacun ce qui permet de percevoir différemment les faits. Son style épuré, aux dialogues minimalistes, permet d'aller à l'essentiel, tout en empruntant des chemins sinueux. The Young Lady ne me laisse pas de marbre et me donne envie de périr sous le dard vénéneux de son envoûtant regard.

easy2fly
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le 23 avr. 2017

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Laurent Doe

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