Sur le papier, le dernier grand vainqueur du festival de Sundance, Me and Earl and the Dying Girl (je ne citerai que titre anglais pour des raisons explicité plus bas) peut s’apparenter à ce que j’appelle une « Dying’s romance ». En gros, c’est un peu une sorte de tragédie romantique mais au lieu que cela soit un autre personnage qui sépare le couple, c’est une maladie bien moche, type cancer. Le film a l’origine du genre est "Love Story" d’Arthur Miller. Ce dernier est un peu comme "Nos étoiles contraires" en plus sobre (sauf la musique bien mélodramatique), plus fouillé au niveau des personnages, un peu moins Nian-Nian, Cul-Cul, larmoyant et il faut attendre les 20 dernières minutes avant que le mot hôpital ne soit prononcé.


D’ailleurs, Me and Earl and the Dying girl commence de la même manière que "Love story", c’est-à-dire par l’une des dernières images du film et la voix off du personnage principal et narrateur, Greg, qui va introduire l’histoire, racontée de manière analepse. Si les références au film d’Arthur Miller ne s’arrêtent pas là, on s’aperçoit très vite qu’il a la volonté de jouer avec les codes instaurés par le genre.


En fait, dès la deuxième scène, l’intrigue se dessine, on s’aperçoit que Greg est en fait un adolescent banal, introverti qui use de l’ironie et de l’autodérision au point d’en devenir presque antipathique. Il considère le lycée comme une véritable guerre de gangs et il a réussi à survivre jusqu’ici en ayant une sympathie hypocrite pour chacun d’entre eux. Bref, il est assez loin des héros habituels, bellâtres et sûrs d’eux. Mais sa vie va basculer le jour où sa mère lui apprend qu’une camarade de classe mais aussi ancienne copine de maternelle, Rachel, est atteinte d’une leucémie et qu’elle l’oblige à aller passer du temps avec elle. La Dying gril et l’adolescent vont s’apprivoiser. Il va la faire rentrer dans sa vie en allant même jusqu’à la présenter à son seul pote Earl. Elle va bouleverser sa vie bien rangée et sans risque.


Pour autant, ce que je viens de vous présenter n’est que la face visible de l’iceberg car ce que je ne vous ai pas dit c’est que Greg et Earl ont une passion et une activité commune. La première est le cinéma et la seconde est de faire des mini-détournements de grands classiques avec deux trois bouts de ficelles (comme dans "Soyez sympa, rembobinez" de Michel Gondry). Ce qui fait que Me andEarl and the Dying gril devient très vite une véritable lettre d’amour au 7ème art, se référençant aussi bien aux œuvres d’ Herzog et de Kurosawa, tout en passant par Godard, Truffaut, Coppola, Hitchcock (la Bo de Sueurs Froides de Bernard Hermann) et aussi, Wes Anderson ( le réalisateur du film a engagé son chef décorateur).


Après vous pensez peut être qu’à ce stade, je vous en ai un peut être trop dit, mais rassurez-vous ce n’est pas le cas. Le scénario de Jesse Andrews, adapté de son roman éponyme, est dense, bourré de rebondissements. Il est très bien écrit que ce soit au niveau de ses personnages mais aussi au niveau de ses dialogues, remplis d’un humour qui fait souvent mouche, un peu plus ironique, noir et loufoque qu’à l’accoutumée mais assez loin du délire Pipi/Caca/ vomi habituel des derniers "Teen-movies" américains. Bon, je reconnais qu’il y a quand même certains personnages un peu clichés, tel un prof cool qui fait ami ami avec ses élèves ou encore la bombe du lycée qui se révèle être pas si superficielle que cela. Mais, ils sont assez bien exploités. Après, le ton du film est globalement assez léger. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un Feel Good movie car il tombe assez brutalement dans l’émotion dans ses 10 dernières minutes mais il évite l’écueil du cul-cul et offre des moments bien funs.​


En ce qui concerne les acteurs, si Thomas Mann et RJ Cyler sont bons dans leur rôles respectifs et le reste du casting parfaitement crédible, on retient surtout la belle Olivia Cooke qui amène une grâce et une présence au personnage de Rachel qui nous séduit dès sa première apparition.


Et enfin, parlons d’Alfonso Gomez-Rejon, le réalisateur du film. Si vous cherchez sa biographie sur l’Imdb, vous retiendrez surement que le réalisateur américano-mexicain a surtout joué les Yes-man sur les séries Glee et American Horror Story et que son premier long est le remake d’un slasher des années 70, assez mal noté. Mais, moi j’ai retenu qu’il était l’assistant-réalisateur de Scorsese et d’Iñárritu. Et qu’est-ce que le grand maitre New-Yorkais et le cinéaste mexicain ont bien pu lui apprendre? Leur science des plans, la beauté de leurs travelling, leur capacité de sublimer les moments intimistes, rendre renversantes certaines scènes banales et de filmer de manière sobre les séquences d’émotion. Il y a tout cela dans sa mise en scène mais aussi une vraie patte, peut être encore sous influence, mais qui se révèle être très intéressante quand elle n’est pas jouissive.


Beaucoup de cinéphiles français ont bien ri, quand ils ont vu que le grand vainqueur du dernier festival de Sundance était un Teen-movie. Mais, malgré ces quelques petits défauts, Me and Earl and the Dying girl est un grand moment de cinéma aussi beau qu’intelligent et divertissant.


Bon, je vous mens un peu; le film a quand même un gros écueil: en effet, le distributeur semble avoir chargé le préposé au café de la boîte de vendre le film sur le sol français car il n’est distribué que dans 13 salles (8 au moment où je publie cet article) et il est affligé d’un des titres français les plus stupides de l’histoire, mais bon on ne peut s’en rendre compte qu’après avoir vu le film.


Willard


Critique issue de: http://cinematogrill.e-monsite.com/articles/sorties/me-and-earl-and-the-dying-girl-this-is-not-a-love-story.html#Wt6uQJcCXErFJ1eL.99

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le 26 nov. 2015

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