En métronome du cinéma d’action qui a de la gueule, ce grand créateur d’icônes absolues qu’est John McTiernan remake le Thomas Crown de Norman Jewison, et en détourne les conventions pour réussir le véritable tour de force d’apporter à la romance le même traitement qu’il a amené au cinéma de genre, et ainsi la réinventer en quelques sortes.


Moyennement reçu par la critique à sa sortie, ce film possède pourtant toutes les ficelles d’un bon vieux McT. Une direction d’acteurs au-dessus de la moyenne, des audaces visuelles, avec des plongées-contre-plongées vertigineuses, que certains considèreront comme de l’esbroufe, une absolue maitrise de l’espace occupée donnant vie à tous les éléments en présence, sauf qu’aucune arme n’est sorti dans ce film, et que son principal intérêt réside dans ce jeu sublime de séduction entre les deux personnages principaux.


Contrairement au personnage interprété par Steve McQueen, excusez-moi du peu, qui interprétait un cambrioleur de banques, celui interprété par le James Bond d’alors, Pierce Brosnan, est un dandy qui pour briser l’ennui passe son temps à cramer sa fortune dans des délires de nabab aventureux et prend un malin plaisir à commettre des larcins pour le simple plaisir d’en commettre. Son but est non pas de réussir sa tâche, mais c’est d’y mettre les formes. Une forme classieuse en l’occurrence.


Dans cette vision qu’apporte le cinéaste à sa cette version, on peut y voir sa propre façon d’aborder son art. Adoubé comme cinéaste de génie à qui les exécutifs n’hésitent pas à allouer des budgets conséquents, il est l’homme qui a réussi deux des plus importants films d’action de son époque, avec Predator et Die Hard, quand même… il donne un reflet de sa propre personne que l’on élève au rang de génie pour son art d’élever le cinéma de genre et de parvenir à le rendre regardable dans les sphères sérieuses, alors que son cinéma s’élève dans un formalisme intimiste évident. C’est d’ailleurs ce qui en fait sa principale force.


Se déroulant dans le milieu des œuvres d’art, par ailleurs, son film met sans cesse en avant les velléités démesurées d’un milliardaire qui s’amuse comme un enfant, jusqu’à ce qu’il croise cet objet insaisissable avec lequel il est difficile de badiner, en l’occurrence : l’amour.


Alors commence un incroyable jeu de séduction entre deux êtres qui jouent une espèce de cache-cache sensuel et sensoriel qui atteindra de nouveau ces élans qu’un homme lassé de tout tente de mettre en branle dans la démesure. Alors on assistera à l’une des romances les plus endiablées et audacieuses visuellement jamais vu sur un écran.


Et oui, c’est ça le cinéma de McT., l’art de transformer le plomb en or par une sorte de jeu de dupes dilué dans son art de l’impressionnisme. Un peintre de l'absolutisme.

philippequevillart
8

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le 11 oct. 2019

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