Alonzo est une de mes ordures préférées. Il réussit l’exploit de me rendre la police de Los Angeles sympathique. Se sont tous des ordures et des corrompus à LA. Et ça passe tellement bien au cinéma qu’on aimerait que se soit comme ça. Et Alonzo qui donne à Denzel Washington un de ses meilleurs rôles, oscar à la clé. Tout simplement brillant du début à la fin. 24 heures dans les rues chaudes de LA, un polar divertissant, techniquement parfait, rythmé par un rap plus clinquant qu’un pare-choc grillé au soleil. Nous sommes dedans, bien assis à l’intérieur de la grosse cylindrée, en compagnie des deux gars, au contact physique des corps. Avec l’expérimenté sergent chef Alonzo Harris, et le jeune stagiaire Jake Hoyt (Ethan Hawke), celui qui veut intégrer les forces spéciales et devenir inspecteur. C’est une mise à l’essai de 24H top chrono.
Et c’est quoi ce Jake Hoyt ? C’est qui ce mec ? C’est pas possible d’être aussi naïf ! Le sergent chef Alonzo s’en donne à cœur joie. Le petit en voit de toutes les couleurs. Répliques cultes, scènes cultes, retournements de situations miraculeux. Fuqua se donne pas mal de liberté avec le « réalisme », mais ça passe tout seul. Certains plans sont virtuoses de beauté. Et puis comme disait je-ne-sais-plus-qui : « Plus c’est gros, mieux ça passe ». Á Los Angeles, les flics roulent en Chevrolet™, dégainent dans la rue comme des cowboys, font du trafic devant tout le monde(?).
C’est franchement bien mené, il faut dire. Au train d’une Chevrolet sport criblée de balles qui roule sans temps morts qu’on voudrait que ça dure des heures, tellement c’est jouissif. Mais voilà qu’un problème se pose. Pourquoi Alonzo a t’il prit en charge ce petit con qui ne comprend rien ? Il le dit tout le temps. « Idiot. Bon à rien. » Alors pourquoi ? Le sergent chef a un plan en tête. Machiavélique quand on voit le pot aux roses, désespéré quand on comprend le fin mot de l’histoire.
Et le climax, où les rôles s’inversent c’est classique, mais ça fonctionne encore et toujours. Un régal. Jake est trop bon, trop con. Pourtant c’est ça qui va le sauver. Il a la tête dure, mais aussi des principes que 20 ans de métier n’ont pas encore émoussées, effacées, pas comme Alonzo. Il a des illusions, il croit au système. Prêt à sauver la veuve et l’orphelin, ou une fille en train de se faire violer par deux drogués dans les rues de LA. Jake Hoyt, une bête curieuse dans la jungle, il ne tiendra pas longtemps. Pas si curieuse que ça. Á un moment, un des personnages dit à Alonzo : « Quand tu étais plus jeune, tu lui ressemblais. »
Que s’est-il passé entretemps, Alonzo ? C’est la question que je me pose.
Une tête brûlée ce Jake. Il suffisait d’appuyer sur le bon bouton. Que s’est-il passé, Alonzo ? En peu de temps, il passe de roi du pétrole à fugitif. Tout va très vite dans les rues de LA. Et ton pire « ennemi », c’est souvent celui que tu soupçonnes le moins. Et le problème quand tu n’a aucun principe comme Alonzo, c’est que tu deviens à un moment un problème mais pour tout le monde. Ceci est une leçon. Même la pire des ordures doit avoir quelqu’un sur qui compter envers et contre tout, sinon il plongera. Training Day. Et quand à Jake, je lui conseillerais de changer de service. Vite ! Il n’est pas fait pour la brigade des stups. Il va se brûler les ailes et se perdre comme Alonzo. Il fera passer des valises de billets à Snoop Dog (en fauteuil roulant), via Dr Dre (inspecteur), et aux autres gars du service; une belle bande de pourris qui vont s’en mettre plein les poches sous l’œil bienveillant de la hiérarchie qui laissera faire. Business, business. Welcome to LA. This is a training day. Et pour commencer la danse, écoutons un vieux disque de NWA.