Tonnes de spoilers, tu trouveras, disait Yoda. Si tu n'as pas vu le film, et que tu veux mon avis alors voici: je ne te le recommande pas. Si tu reviens dans un futur proche (ou une timeline alternative), après avoir vu le film (pour n raison, maybe self causing reason or even self feeding reason) alors tu seras prêt à lire cette critique. Now let's move on.



Slasher



J'ai un problème avec les slashers (peut être que c'est/c'était/seras ton cas). J'ai une antipathie envers les slashers pour la même raison que j'ai une empathie pour les actionners. Ces oeuvres sont bourrées de codes à un point qu'on peut très vite devenir accroc ou très vite en être dégouté. L'être humain est fondamentalement mathématisant. Il cherche à tout comprendre, tout contrôler: dompter des espèces inconnues, envahir des espaces lointains, dans le seul but d'être maître de son environnement, et par extension de son destin.


Les slashers, les actionners, sont rempis de codes facile à assimiler. Le cerveau reconnaît des patterns, et dit au spectateur que nous sommes "oh yeah, I'm in charge here...". Les slashers tournent autour du sex et de la violence, quand les actionners tournent autour des explosions et des gros muscles. Les personnages d'actionners sont condamnés à prendre les décisions les plus badass possibles pour sauver la situation.



"Prenons cette lance à incendie, enroulons là autour de notre taille, et sautons du toit du building avant qu'il n'explose pour atterir avec violence quelques étages plus bas en traversant une verrière vitrée au passage".



McTiernan is a king, or a very stupid man, selon que vous aimez les actionners ou pas. Les personnages de slashers sont condamnés à prendre les pires décisions possibles pour ne pas sauver la situation.



"Divisons nous en 4 groupes de 1, et moi je vais commencer par aller tout seul dans la cave sans lampe torche."



C'est la raison pour laquelle j'ai beaucoup de mal à adhérer à ce concept, raison pour laquelle peut-être, au contraire, vous adorez les slashers. C'est un pattern qui vous parle, et vous êtes capables de faire la différence entre "un bon slasher" et "un mauvais slasher", alors que moi, je reste au bord de la route à voir des abrutis qui, bien que diplômés, restent des gros abrutis. La réciproque fonctionne avec les actionners mensionnés précédémment. Bonnet Blanc - Blanc Bonnet.


Raison pour laquelle je suis incapable de vous dire si ce slasher est bon ou mauvais. Raison pour laquelle je ne peux pas vous recommandez ce film. Raison pour laquelle je suis condamné à prendre cette décision stupide. Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un slasher très bien filmé, doté d' un excellent sound design pour le fusil à pompe (best ever heard) et que Melissa George nous livre une assez bonne performance derrière son physique de euh... slasher movie hero/girl.



Triangle Concept



Triangle est un slasher. On a à faire à ces personnages condamnés à prendre ces décisions stupides qui définiront leurs destins. Mr Smith a une idée que je qualifierai de génial en alliant fond (thématique mythologique) à forme (code de film de genre / slasher). La mythologie grècque est fréquemment référencée dans le film, parfois lourdement, pour bien nous faire comprendre le parti pris de l'oeuvre.



"If you're doomed, then you're doomed"



Quelle est la situation la plus inétriquable que le plus brillant des cerveaux humains ne pourraient résoudre ? Time travel. Le premier bouquin qui aborde le concept de "Time Machine", c'est "Time Machine" de H.G Wells. Je ne pense pas qu'on puisse parler de spoil pour ce classique de SF de 1895 qui a déjà eut le droit à plusieurs adaptation cinématographique, mais juste au cas où:


Le bouquin est une tragédie grècque.


Dans le cas de Back to the Future (one of the best time travel movie of all time) Marty a "de la chance". Il a Doc Brown qui, non seulement créé une time machine, mais en plus sait comment le voyage temporel fonctionne, avant même de l'utiliser. C'est cet élément qui permet à cette trilogie d'être la plus compréhensible possible. Un élément qui n'a rien de réaliste, mais un élément qui nous sort de la thématique majeur de la time machine. Comprendre comment le time travel fonctionne, et comprendre la confusion temporelle dans laquelle elle nous plonge, est une tragédie grècque à part entière. TimeCrimes, 12 Monkeys, et pas mal d'autres oeuvres nous montrent bien, que, même si t'es un ingénieur brillant (Primer), t'es pas sorti des ronces pour démêler le merdier que t'as créé en ayant l'audace d'utiliser une Time Machine pour contrôler ton destin (le serpent se mord la queue).



Triangle Brillance



Ce qui me casse les couilles dans les slashers, est balayé d'un revers de main par Triangle. On suit cette blonde condamnée à prendre les pires décisions possibles pour ne pas sauver la situation (comme dans tous les slashers) mais cette fois-ci; le réalisateur me donne une bonne raison de comprendre le processus d'évènements qui l'a amené à devenir tantôt une héroïne de Slasher, tantôt une antagoniste de Slasher, et ce en référençant Sysiphe, Eole, Hermès, le Styx, pour en citer 4. En utilisant des procédés cinématographiques (pas toujours subtil certes). En arrêtant de ne se reposer QUE sur les codes des Slashers movies (raison pour laquelle, je ne sais pas si Triangle, est un bon Slasher).


Quand Jess, après la première série de meurtres, comprend qu'elle est coincée dans un loop temporel, c'est le moment, ou moi, spectateur hermétique aux Slashers, commence à comprendre la stupidité des décisions qu'elle prend. Des décisions qui n'ont plus rien d'abracadabrantesques dans ce nouveau contexte. Toutes les situations stupidement prévisibles créer par ces "camarades slasheresques" deviennent dorénavant un allié de choix pour démêler/suivre l'intrigue que tous scénarios de voyage temporel génèrent.



Suivons les prérogatives de cette femme au visage ensanglantée aux airs de psychopathes toute de noire vêtue jusque dans la chambre 237 du plus connu des Slashers



Des potes à Jess



Si Primer est un film si difficile à démêler, c'est en grande partie lié au fait, qu'Abe (son héros), est au moins aussi malin que Doc Brown (Back to The Future) mais qu'il n'a aucun Marty McFly à qui s'adresser qui le forcerait à simplifier les choses. Abe comprend bien mieux que le spectateur ce qui lui arrive, car Abe, contrairement à Jess, n'est pas "a stupid slasher hero/girl", mais un gars qui a fait bien plus d'études que le spectateur lambda (ie: moi) et qui est capable de prendre des décisions très pertinentes, mais dont tu n'as pas les moyens de comprendre (parce que t'as pas Bac+8).


Jess est un excellent personnage pour expérimenter une confusion temporelle. Elle n'a pas de Doc Brown, ce qui la plonge réellement dans l'expérience. Elle prend des décisions de plus en plus "bizarres" à mesure que le film avance, mais nous (je?) ne la jugeons pourtant plus comme une simple slasher girl. Elle devient un personnage dans toute sa dimension humaine, et quand elle pense enfin sortir du loop, (façon Phil dans Groundhog Day), elle se rend compte en rentrant chez elle, tout comme nous, que, well.



"If you're doomed, then you're doomed"




Abîme



Il est très difficile de détacher la mise en abîme du voyage temporel et Triangle ne cherche vraiment pas à esquiver cette thématique (contrairement à Groundhog Day). Groundhog Day nous livre un comte magnifique mais claire et lisible. Son but n'est pas de nous faire expérimenter le voyage temporel mais de nous faire vivre une expérience de vie



if you are an asshole, life is bad and repetitive, if you are a good guy, life is beautiful and keeps refreshing itself.



Un message plein d'optimisme à l'image de l'empathie naturelle de Bill Muray (opposed to Phil). Un message qui va à l'encontre de la thématique majeure de la Time Machine. Raison pour laquelle je trouve Groundhog Day extrêmement brillant (prendre une dessert glacé et le revisiter en entrée chaude) .


Triangle lui, nous parle de pessimisme, de tragédie grecque, de slasher characters... il se doit donc de prendre un parti opposé en ouvrant des vortex de confusions scénaristiques.


Ce film est à la fois très libre d'interprétation (en 3 visions j'ai déjà 4 ou 5 logiques qui fonctionnent à peu près, toutes assez différentes, mais reposant sur les mêmes principes fatalistes), et à la fois bourré de plot holes (Not that clever!). Primer est un film dont le propos est de comprendre comment le voyage temporel fonctionne dans la vision de Shane Carruth (Mathématicien fasciné par la récursivité).


Triangle est un film dont le propos est de comprendre Jess. Est-elle une femme qui décide de se punir au delà des limites du raisonnable pour avoir commis l'irréparable, en bon être humain empathique qu'elle est ? Ou est-elle une femme qui décide qu'elle peut agir au delà des limites du raisonnement cartésien, pour prendre son destin en main, en bon être humain mathématisant qu'elle est ?


Il n'y a pas de réponse claire et toute l'intelligence du film repose là dessus. Dans la "vraie vie", on a pas un "Doc Brown" pour nous aider à prendre nos décisions. On a pas un "loop temporel" pour nous indiquer qu'on fait de la merde (n'est ce pas Phil!). Pour trouver leurs réponses, certains vont s'en remettre à la religion, d'autres à la politique, d'autres à la fiction. Triangle fait parti de ces fictions qui ne cherchent pas à te donner des réponses, mais à te rappeler que tu ne contrôleras jamais tout, que tu ne comprendras jamais tout, et que si tu cherches à le faire (comme Jess, comme le spectateur) alors tu risques de le regretter...



Conclusion



Ca m'a rappelé 2001, Space Odyssey. Le film de Kubrick et très allégorique, très métaphorique, "but not that clever". Triangle n'est pas un grand film fantastique (2001 is), mais fait clairement parti de ces films de genre qui ont des choses pertinentes à dire, en alliant fond (Greek Myths Thematic) à forme (Slasher). Un peu comme Total Recall et Starship Troopers étaient des actionners qui avaient des choses pertinentes à dire, derrière la bêtise que le genre de ces films condamne à être.



"If you're doomed, then you're doomed"


StandingFierce
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le 18 déc. 2016

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