Si vous n'avez pas vu ce film, sortez immédiatement d'ici, fermez la page du site, et précipitez-vous (comme des morts de faim) pour lancer le film en streaming: vous allez vivre une expérience à la fois étrange et fascinante!
En effet, il est difficile de décrire ce film, qui ne ressemble à aucun autre, le réalisateur ayant indéniablement fait preuve d'inventivité, ce qui est plus que louable dans le cinéma contemporain, frileux car guidé par des impératifs de rentabilité.
"Triangle", bien qu'il emprunte à différents registres, est avant tout une expérience sensorielle, ce qui va me permettre de tenter de vous décrire ce que j'ai ressenti, sans vous dévoiler pour autant le déroulé de l'histoire.
Le film n'est cependant pas exempt de reproches, notamment dans l'interprétation: les attitudes des personnages sont parfois incohérentes, les rôles secondaires ont été donnés à des figurants (je ne peux pas croire que ce soit des professionnels...), l'actrice principale fait preuve d'une mollesse pouvant s'avérer agaçante et la caméra s'attarde souvent beaucoup trop lourdement pour nous faire comprendre les enjeux et les subtilités (qui en deviennent donc nettement moins subtiles...)
Toutefois, l'intérêt du film se situe ailleurs, notamment dans son atmosphère et sa narration, surprenantes à bien des égards.
Effectivement, le réalisateur semble jouer avec le spectateur, et change plusieurs fois de registre au cours du film, ce qui ne manquera pas de nous surprendre: j'ai ainsi d'abord pensé qu'il allait s'agir d'un film dramatique, puis d'un film de survie, qui se transformerait soudain en slasher, puis en thriller psychologique, pour enfin prendre la forme d'un film de genre conceptuel intégrant le principe de boucle temporelle (à la "Hypercube"), rarement vu au cinéma car particulièrement casse-gueule à mettre en œuvre.
La réalisation s'en est très bien sortie ici, et aurait même pu se dispenser de nous donner autant d'indices et d'explications au cours du film, l’atmosphère de mystère n'en aurait été ainsi que plus grande.
C'est d'ailleurs ici la 2ème force du film: l'ambiance!
En effet, le rythme volontairement lent de la narration ainsi qu'une caméra en apesanteur (ajoutés à l'inertie de l'actrice principale...) participent à cette impression de "tournage sous prozac", Jess (c'est son nom) étant qui plus est amnésique, ce qui perturbe d'autant plus le spectateur qu'il ne saura jamais vraiment si ce qu'il voit relève de l'imagination du personnage ou de la réalité.
Cette sensation que nous éprouvons alors est difficile à décrire avec des mots mais est particulièrement saisissante, un peu comme si nous vivions une sorte de rêve éveillé qui virerait brutalement au cauchemar.
C'est ici la grande réussite du film, qui parvient à nous donner cette impression de "flotter" aux côtés du personnage principal et de partager ainsi son point de vue et ses émotions.
Tout comme elle, il nous est alors difficile de croire ce que nous avons sous les yeux, tant tout nous parait étrange et surréaliste.
Jess, prisonnière d'une boucle temporelle, tentera toutefois d'agir afin de modifier les évènements. Son destin semble cependant déjà écrit et le spectateur ne peut que constater son impuissance face à une situation insolvable, le paquebot sur lequel les protagonistes se sont réfugiés s'avérant être l'anti-chambre de la mort (mouhouhahaha!)
Je ne peux qu'applaudir l'originalité et l'audace de ce réalisateur (que je ne connaissais pas), et nous sortons du film ankylosés et désorientés, comme si nous venions de réaliser un rêve étrange (ou comme si nous avions été hypnotisés...), certaines questions restant en suspend et nous faisant ainsi douter de ce que nous avons vu.
Était-ce bien réel?