Le film à sketchs est un exercice délicat. La plupart du temps humoristique (Hamburger Film Sandwich, Le Sens De La Vie) ou horrifique (Le légendaire Creepshow, Le Club Des Monstres) sa réussite tient souvent aux histoires qui le composent, son rythme et la maestria visuelle de son (ses) réalisateur(s) ou réalisatrice(s). Cet équilibre peut donner des pépites (The Theatre Bizarre, Necronomicon) comme des désastres (Creepshow 2, et, bien que j’adore Tarantino et son comparse méxicain Rodriguez, le navrant et foutraque Four Rooms).
Celui qui nous intéresse aujourd’hui se situe dans le genre de l’horreur. Et comme son titre l’indique il se passe le soir d’Halloween (Trick or Treat –Un tour ou un régal, sous-entendu un bonbon- est la phrase que scandent les enfants lors de cette soirée). Il s’agit du premier long-métrage de Michael Dougherty (une poignée de court-métrages à son actif) principalement scénariste chez Bryan Singer (X-men 2 et Superman Returns) qui pour son premier pas dans la cour des grands tape très très fort. Écrit par ses soins, Trick Or Treat se situe dans la catégorie des films à sketchs maintenus par deux fils rouges (la soirée d’Halloween donc et un enfant étrangement déguisé) et non dans celle où un conteur raconte différentes histoires (Mort De Peur, Le Train Des Épouvantes). Ce qui frappe d’abord dans ce film c’est la maîtrise visuelle de Dougherty, qui cadre son film magnifiquement en Scope (champ plus large donc mise en valeur de l’espace) et fait bouger sa caméra de manière intelligente au sein de l’action. Le montage est au cordeau permettant au film d’avancer à un rythme vivifiant sans être précipité. De plus, le film se permettant des sauts temporels au cours de la soirée, ce montage distille une curiosité sur certains passages qui se passent en retrait de l’action principale.
Les « histoires » (j’insiste sur les guillemets car il s’agit plus de moments s’imbriquant les uns dans les autres que trois histoires différentes, à l’instar de Pulp Fiction) sont simples et efficaces et ne manquent jamais d’une ironie grinçante, à l’image de celle qui remplissait les pages des EC Comics (ayant inspiré les films à sketchs anglais, Stephen King et Georges Romero pour Creepshow et bien évidemment les légendaires Contes de la Crypte), que l’on suive un principal de lycée étrange, des ados moqueurs, un petit chaperon rouge ou un vieil homme solitaire n’aimant rien. Tout glisse parfaitement bien dans ce film et votre serviteur qui écrit ces lignes ne se lasse pas de ce film qu’il regarde deux à trois fois par an minimum. L’amateur de sang ne sera pas en reste car le film demeure par moment très graphique sans tomber néanmoins dans le gore ou le grotesque. Et la générosité de Dougherty fait plaisir à voir tant il donne substance de fabuleuse manière au fantastique et à l’horreur dans son film. Il suggère ou montre en temps et en heure selon ce qui servira au mieux son film et son propos. De même qu’il se permet de glisser quelques piques sur la famille et l’amitié.
Niveau musique, Douglas Pipes (qui a fait ses armes sur Monster House, attachant film d’animation) offre une partition qui, dans les mains d’un tâcheron, aurait pu plomber le film. La BO est généreuse avec des thèmes bien distincts qui se glissent agréablement tout au long du métrage.
Parlons peu, parlons casting, seul deux visages viendront réellement frapper le spectateur lambda, Dougherty ayant demandé à Anna Paquin et Brian Cox (respectivement Rogue et William Strycker dans X-Men 2) de venir jouer deux rôles d’égale importance. Mais dans l’ensemble le casting est à l’image du film. Parfait. Aucun acteur ne fait de l’ombre à un autre et aucun surjeu ni cabotinage n’est à signaler (ce qui est souvent le cas dans les films d’horreurs.).
Pour résumer, Trick Or Treat est un Grand « petit » film car Dougherty croit en ce qu’il filme et en son histoire. Il ne prend jamais le genre de haut, ce qui est compliqué dans ce genre de bobine quand il s’agit d’un premier film. Son deuxième long-métrage, Krampus (2015), finira de l’installer au panthéon des artisans solides du Septième Art (mais j’y reviendrai…) et je ne vous cache pas qu’il me tarde de voir ce qu’il a fait de Godzilla King Of Monsters (qui arrive bientôt), tant la générosité du bonhomme évolue de manière exponentielle (Trick Or Treat n’est pas avare en terme de show, Krampus dévoile un bestiaire hallucinant et un Krampus qui me laisse encore sur le cul et la bande-annonce de Godzilla parle d’elle-même. Le spectateur veut voir du monstre, et les voir se foutre sur la gueule. C’est ce que Dougherty va nous donner).
Petit bémol. Le film n’est jamais sorti en France (seul deux passages lors de festivals, un à Stasbourg l’autre à Sainte Maxime en 2009, deux ans après sa réalisation) et n’existe qu’en VO ou en doublage québécois (que je garantis sans accent pourri, chose assez rare pour être soulignée). Un Blu-ray collector a été édité chez Scream Factory (filiale horreur de Shout Factory) et contient de nombreux suppléments prolongeant le plaisir procuré par le film. Car si la qualité d’un film se juge à l’aune du plaisir qu’il procure, une telle réussite est assez rare pour être mise en avant tant le plaisir est total et surtout ne se désagrège aucunement au fil des visionnages. Et si je suis resté aussi peu bavard sur la teneur des histoires du film c’est que je souhaite que vous puissiez éprouver la même joie que moi lorsque j’ai vu ce film pour la première fois.

Cybellio
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le 3 avr. 2019

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