C'est précédé d'une réputation sulfureuse que nous parvenait en 2015 le second long-métrage de Diastème, Un Français, dont l'exploitation en salles aura connue quelques heurts, le cinéaste affirmant que son film ne sortirait que dans une petite combinaison face à la frilosité d'exploitants qui, de leur côté, se défendront de toute polémique, pointant du doigt le faible potentiel commercial de l'oeuvre.


Toujours est-il que le résultat est bien loin de l'électrochoc annoncé, Un français se posant davantage comme un regard réfléchi sur une France bouffée par la rage depuis plus de trente ans, que comme un uppercut dérangeant à la Clockwork Orange. Loin de tout sensationnalisme, Diastème préfère ausculter la société sans juger, évitant le plus possible de tomber dans une dénonciation facile ou un angélisme mensonger.


Ne tournant jamais le regard face à une violence sèche, rageuse et purement gratuite, la captant dans toute son horreur, le cinéaste n'en fait pourtant jamais étalage, ne cherche pas à choquer à tout prix, préférant même laisser les conséquences de tels actes hors-champs, ce qui n'enlève heureusement rien à leur importance et à leur barbarie.


Certes brutal quand il s'attarde sur les dérapages de ses personnages, Un Français adopte un rythme très lent, posé, nous narrant le parcours sur trois décennies d'un jeune homme en colère contre le monde entier, incapable de maîtriser sa colère, et qui tentera, au fil des ans, de se reconstruire. Aucun effet larmoyant ou grandiloquent, et encore moins de rédemption flamboyante, juste une tranche de vie extrêmement chaotique, semée d'embûches, à l'avenir incertain.


Si l'approche de Diastème a le mérite d'être honnête et de ne jamais chercher à en mettre plein la vue, de décrire un cheminement plus crédible que celui d'un American History X auquel on pense forcément, il est dommage que le récit étalé sur trente ans finisse par se mordre un peu la queue, la durée lambda du long-métrage (moins de deux heures), le condamnant inévitablement à survoler son sujet et le chemin de croix de son anti-héros complexe, magistralement interprété par Alban Lenoir, tout simplement excellent.


En découle une narration bancale, trop espacée dans le temps pour nous émouvoir totalement, pour que ce destin nous prenne véritablement aux tripes. A cela s'ajoute également quelques facilités maladroites, à l'image de la vision caricaturale de certains partisans d'extrême-droite, montrés sans nuance aucune, juste comme des fachos grimaçants, alors que la réalité est tout de même bien plus complexe.


Reste que Un français, sans être une totale réussite qui marquera vraiment le cinéma actuel, est une proposition intéressante, un regard sans fard sur un pays en colère, sur des citoyens continuant vaille que vaille de se foutre sur la gueule sans jamais chercher à comprendre l'autre, à apprendre des erreurs du passé. Et quand on voit le climat actuel, ce n'est clairement pas pour rassurer.

Gand-Alf
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le 1 juin 2016

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