Dans cette odyssée solaire, ce récit sous ses apparences légères est un des films les plus pertinent et esthétique que j’aie vu ces derniers temps. Cette œuvre m’a interpellé au plus haut point. On y retrouve du Kechiche, dans Mektoub My Love, est-ce un hasard que ce film aborde également la question du destin ? Son esthétisme nous fait penser à du Sorrentino, et la protagoniste s’apparentant à une venus moderne, nous rappelant une certaine Marilyn Monroe, personne atypique et controversée qui a marqué son époque tout comme Zahia Dehar, surtout dans la scène où elle chante nonchalamment au micro « l’amour à la plage ».
Ce film nous fait avant tout du bien, car il s’agit d’un portait global de deux classes sociales dans toutes ses nuances et démontrant toutes ses subtilités et ses codes. Car oui, la femme qui paraît frivole, n’est pas réduite à sa frivolité et à son matérialisme. L’homme privilégié n’est pas réduit à sa fortune et à sa pédanterie. Le riche n’est pas vieux et méchant, mais nous est plutôt sympathique, charmant et agréable à regarder. Sophia et Naïma ne sont pas incultes et malheureuses mais pétillantes, perspicaces, et rafraichissantes.


Une des questions prédominantes est celle de la maîtrise de son destin, du mektoub, de la fatalité ou non que peuvent engendrer certains choix, et de la puissance que l’audace peut avoir comme répercussions sur sa propre vie. Car oui, « rien n’arrive par hasard, on doit tout provoquer par nous-même », et chaque individu, peu importe ses prérequis, est libre de décider quelle personne elle souhaite devenir. Comme dans un livre de Kundera, il est dit que ce qui fait la grandeur de l’Homme, ce sont les gens qui portent leur destin. Et c’est en cela que Sofia est grande, et que Naïma, novice, mais qui au fil du récit, comprend qu’elle aussi, de par le privilège que lui procure son âge, a son mektoub entre les mains. Philippe et Andres sont, non pas de par leur choix, ou de par un profond désir intérieur, ce qu’ils sont, mais sont ce qu’ils sont car ils subissent leur destinée. En effet, le vraie luxe, la vraie grandeur, est d’avoir une vie que l’on a choisi, au-delà de sa condition.


Là où le récit bat son plein est lorsque les quatre protagonistes sont invités chez cette héritière le temps d’un après-midi en Italie. En effet, sur un fond de chant de criquets, le mépris de l’hôte à l’égard du personnage de Sophia transcende, le tout saupoudré d’une terrible condescendance.


Les scènes charnelles ne sont pas non plus réduites à des rapports pervers que certains hommes aimeraient avoir avec une fille de passage, mais démontrent justement que mêmes pour des courts instants, ces corps inconnus peuvent s’étreindre avec tendresse et sensualité. Des rapports sexuels sans tabous, illustrant des étreintes réalistes, répondant tant au plaisir féminin que masculin. Non Sophia n’est pas juste une fille facile, mais une femme désirable, consciente de son pouvoir et de sa sensualité et qui sachant les utiliser à bon escient.


Seulement il y a cette scène, qui pour moi, a été la douche froide. Après avoir vu et revu ce film plusieurs fois, je m’attarde sur cette scène dont je ne comprends pas la portée. Le clivage social, comme on pouvait s’y attendre, resurgit, même dans ce récit où tout était possible. Au moment où les deux couples commençaient à succomber, les filles sont jetées aussi vite qu’elles sont arrivées. Après le moment tendresse, la brutalité. En effet, pour eux, tout leur est dû, et tout leur semble facile car ce sont les hommes issus de cette classe qui in fine, ont le contrôle. Le spectateur subit avec les protagonistes l’envers du décor et la désillusion. Cependant, le film nous laissait croire que Sophia est une femme qui a choisi sa vie, qu’elle ne souffre pas de ses choix, et qu’elle est au-delà du jugement et des questions d’attachement. Elle semblait être individualiste, sachant profiter de l’instant présent, sans rien attendre de personne, surtout pas d’un homme dont elle s’est également servie pour satisfaire son désir d’aventure éphémère. Par conséquent, pourquoi, lorsqu’elle sort du bateau, en marchant le long des quais pleure-t-elle ? pourquoi est-elle déçue ? quelle est la portée de cette scène ?
Outre ce désenchantement ce portait filmé nous promenant dans toutes les teintes de bleu et de jaune de la Riviera est une œuvre tant déconcertante que magistrale.

LaoraDabo
9
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le 20 août 2020

Critique lue 164 fois

LaoraDabo

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