La Vengeance est un Plat qui se mange en Eté

Le pari de faire de Die Hard 2 une méta-suite qui s'interrogeait sur les fondements mêmes des séquelles hollywoodiennes s'est avéré payant financièrement, mais pas si malin pour qui voudrait d'un troisième épisode... En effet, Die Hard n'a pas entrainé dans son sillon que Die Harder : des centaines de Die Hard-like ont envahi les écrans. Du coup, difficile de faire un 3 sans risquer de passer pour un guignol... Alors la Fox a attendu le bon scénario.


Bien des tentatives se sont d'ailleurs vues recyclées dans d'autres films. Die Hard dans le métro ( le troisième acte de Speed ) Die Hard dans un bateau ( abandonné à cause du concurrent Piège en Haute Mer, et devenu Speed 2 plus tard... ) C'est tout juste s'ils n'envisageaient pas de faire Die Hard dans une cuillère à café !
Heureusement est arrivé Jonathan Hensleigh, avec son polar urbain Simon Says, qui raconte les mésaventures d'un flic tenu de céder aux moindres caprices d'un pyrotechnicien revanchard... Un temps envisagé comme une suite de Rapid Fire avec Brandon Lee, et même comme un possible Lethal Weapon 4, le script s'est vu attribuer l'insigne honneur d'être remanié pour devenir les troisième aventures de John McClane.


Si Joel Silver ne rempile pas au poste de producteur, on refait appel à John McTiernan à la barre. Quoi de plus normal ? Qui mieux que lui peut rendre un Die Hard mémorable ? Entre temps, il a assis sa réputation de film-maker chevronné en livrant Octobre Rouge, s'est offert une pause verte avec Medicine Man et a collaboré à l'incompris Last Action Hero avec Schwarzenegger, film produit en dépit du bon sens et qui s'est soldé par un échec cuisant face aux dinosaures de Spielberg... Du coup, il a une santé à se refaire, le McT.


Sauf que voilà : réitérer sa mise-en-image de Die Hard, ça ne l'intéresse pas. Au cours de Last Action Hero, il a mis en place deux esthétiques se télescopant : le cadre rugueux, tangible et imprévisible des scènes de la vie réelle à New-York répond au cadre lisse et précis du monde fictif de Los Angeles. On connaissait la méfiance, voire l'aversion de McTiernan pour le fake et les paillettes de LA au travers de Die Hard ( "Fucking California !" ) et voilà maintenant qu'il ramène le héros dans sa ville !


McTiernan filme donc New-York, pays du vrai, au plus près. Les plans larges de l'île de Manhattan au petit matin font vite place aux rues, aux piétons, aux marchands en tous genrBAAAAOUUUMM !! Le Bonwit Teller explose ! Pas le temps de déconner les gars, on est pressé ! Le temps d'une scène d'exposition éclair dans le fourgon, où chaque parole compte ( Le numéro de loterie, les quatorze camions-bennes… c'est un véritable exercice de scénariste. ) et McClane retrouve en moins d'un quart d'heure sa panoplie de super-héros : torse nu, épuisé, avec du sang plein la gueule.


Et cette mise en scène, brutale, instable, John McTiernan va l'appliquer à l'ensemble du métrage, n'hésitant pas à bousculer son cadreur, mettre sa caméra où d'ordinaire on ne doit pas la mettre, et opérer au montage des coupes peu orthodoxes, conférant à l'ensemble du métrage un aspect pris-sur-le-vif parfaitement maîtrisé. C'est d'ailleurs à cet endroit que je me suis mis à préférer le 3. Le premier Die Hard a été décortiqué, suivi et imité tant et tant de fois qu'il semble aujourd'hui accessible. L'esthétique du With a Vengeance n'a jamais trouvé son pareil. De Jan de Bont dans Speed 2 à Paul Greengrass avec ses saloperies de **Bourne**s, personne, absolument personne ne s'est approché de la perfection esthétique de Maître McT.


Relevant le défi d'être une suite à la fois digne et originale, Die Hard 3 est donc, 18 ans après sa sortie, toujours un modèle, voire un pallier infranchi. De plus, il finit par proposer un discours sur l'art d'être scénariste Hollywoodien. En effet, Jeremy Irons officie au poste de vilain, et passe le premier tiers du film au téléphone à imposer à Bruce Willis des épreuves impensables, arbitraires et injustes, tout en prenant soin de le garder en vie...
N'est-il pas là la voix et la main de n'importe quel scénariste ? Imposant au film son rythme fou, c'est aussi lui qui annonce le rebondissement de mi-parcours et porte sur ses épaules la trame même de l'aventure. On peut noter à ses côtés la présence de Sam Philips en terroriste obsédée de la serpe, qui de son vrai métier est chanteuse country ! ( Il y a une chanson d'elle dans Crazy Heart : Reflecting Light. )


Si Bruce Willis affronte le scénariste incarné, il dispose d'un sidekick de premier ordre : le spectateur ! En effet, Samuel L Jackson campe un citoyen embringué malgré lui dans l'action, absolument pas préparé, et le suivra partout… Mais… mais c'est nous ! Témoin privilégié, tantôt cynique désabusé, tantôt victime, Sam prête de son énergie et son charisme aux spectateurs que nous sommes.


Evidemment, la fin est un reshoot fait à l'emporte-pièce et je dois admettre avoir, à l'époque du LaserDisc, stoppé bien des fois le film à la face B, au moment où Graham Greene envoie une pièce à Bruce avant l'épilogue… Mais au nom de la réussite éclatante du reste du métrage je pardonne ce menu défaut, en sifflotant "When Johnny comes marching home"

mikeopuvty
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le 11 juin 2013

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Mike Öpuvty

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