Une vie violente nous plonge dans la Corse des années 1990, à l'écran c'est une génération sacrifiée, minée par les traditions, le séparatisme, les guerres de clan. Le réalisateur Thierry de Peretti, enfant de l'île de beauté, signe ici son deuxième long métrage, une fresque politique sur l'activisme nationaliste corse glaçante de réalisme mais sans jamais basculer dans le spectaculaire.
Stéphane (interprété par le jeune mais très charismatique Jean Michelangeli) est un jeune homme originaire de Bastia, petit bourgeois, brillant étudiant en sciences politiques, séduisant mais dur ; galvanisé par la pensée marxiste il va peu à peu verser dans le radicalisme politique. Après la division du FLNC il rejoint une branche dissidente nommée Armata Corsa (organisation séparatiste opposée aux liens avec le grand banditisme) avec quelques compagnons d'arme auprès desquels il s'est radicalisé au cours d'un passage en prison. Le film s'ouvre sur la mort d'un des anciens compagnons de Stéphane, un frère de lutte ; alors en sécurité à Paris, loin de la violence insulaire où sa tête est mise à prix, il décide néanmoins, tout en sachant l'issue irrémédiablement fatale, de retourner en Corse pour l'enterrement de son ami.


Ce film est un constat froid de ce qu'est l'histoire de la Corse, magnifique et cruelle, une terre sainte, respectée et protégée, au prix du sang, par ses autochtones. Les bombes explosent, les attentats, les assassinats se multiplient (jusque dans les mariages) : la vengeance est omniprésente, elle rôde, et on ne sait plus bien si le but est l'indépendance, la protection des coutumes et des traditions, du territoire, des valeurs ou la guerre des clans perpétuelle, qui semble se transmettre plus ou moins de génération en générations. C'est un film fier, tranchant qui montre la corse qui perd ses fils dans des combats qu'on entamés les pères, des générations sacrifiées qui ne sont pas régulièrement l'objet de films au cinéma. A la fin d'Une vie violente, nous nous sentons comme Stéphane, engagés dans un combat, un cercle vicieux inéluctable, d'une violence inouïe mais bien réelle dans les milieux mafieux du nationalisme.



  • Sorti en 2017, le film est librement inspiré de l'histoire de Nicolas Montigny un jeune militant nationaliste corse de Armata Corsa tué dans les rues de Bastia en 2001 (cf Paris Match, interview de N. Montigny : on entend un long extrait de celle-ci dans la séquence finale, superbe et terrible à la fois)

  • L'accent corse, qui pourrait sembler cliché ne l'est absolument pas, dosé il est tout à fait naturel et participe au réalisme de ce film dans lequel l'ensemble des acteurs professionnels ou non sont des locaux.

  • Film qui pourrait être considéré comme un film "d'homme" - de part la prédominance de personnages masculins dans le milieu - il met à l'honneur les femmes, mères et épouses, qui semblent peupler finalement la Corse après avoir vu leurs hommes se décimer entre eux.

  • Une vie violente fut présenté à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2017.

ConstanceFay
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 mai 2019

Critique lue 424 fois

1 j'aime

ConstanceFay

Écrit par

Critique lue 424 fois

1

D'autres avis sur Une vie violente

Une vie violente
AnneSchneider
7

Corps en sursis

L’acteur et réalisateur Thierry de Peretti, natif d’Ajaccio, signe ici son deuxième long-métrage, construit sur un ample flash-back qui se referme en rejoignant puis en dépassant son point de départ...

le 21 juil. 2018

17 j'aime

Une vie violente
Sergent_Pepper
7

Bombe le corse

Pénétrer l’inextricable contexte du militantisme insulaire : tel est l’objectif ambitieux de Thierry de Peretti dans cette vaste fresque sur la Corse du début du XXIème siècle. Alors que les...

le 20 août 2017

17 j'aime

5

Une vie violente
Charlie_Appietto
10

Chef d'oeuvre.

La dérive d'une jeunesse, le cheminement de la violence, la Corse des années 90, tout est là pour donner du cliché. Une des scène du film dévoilée avant la sortie avait de quoi faire peur quand à la...

le 6 août 2017

13 j'aime

3

Du même critique

Les Demoiselles de Rochefort
ConstanceFay
10

"J'ai une ambition concrète, je cherche vainement mon idéal"

Jacques Demy avait remporté en 1964 un franc succès avec son film entièrement chanté, forme novatrice et originale, Les parapluies de Cherbourg ; en 1967 les Demoiselles de Rochefort, production...

le 24 avr. 2019

3 j'aime

Les Filles du soleil
ConstanceFay
7

Elle lui a demandé d'écrire la vérité

"La femme, la vie, la liberté" Emmanuelle Bercot, Mathilde dans le film, interprète une photographe-reporter de guerre française qui couvre, quelque part au Kurdistan, l'offensive militaire d'un...

le 5 août 2019

2 j'aime

La Nuit américaine
ConstanceFay
7

Est-ce que les films sont magiques ? : un film sur les films

La nuit américaine est une comédie dramatique française réalisée par François Truffaut et tournée en 1972 aux studios Victorine à Nice. Le film sortira en salles en 1973 après avoir été présenté au...

le 30 mars 2019

2 j'aime

1