C'est tellement compliqué de vouloir être juste dans un océan d'injustices qui s'enchevêtrent, qui s'accumulent et s'entremêlent. Je me dis que ce monologue final est une promesse que n'importe quel esprit critique fait en son for intérieur - la promesse de donner et de regarder l'impact de son action. Vous savez, si on commence à emmerder les ONG comme Action contre la Faim parce qu'on a plus foi en elles, l'étape suivante c'est celle où chacun se prend en main et relève la tête pour demander des comptes et puis peut-être être dans une position de pouvoir, agir sur les causes, par exemple, de la faim. L'étape suivante, à mon sens, c'est celle où l'on exige, au nom de l'humanité, la rationalité des systèmes de productions et la transparence des comptes (fin de la concurrence, fin du profit, fin de la propriété...). Si Ferrari ne donne pas de voie à suivre, sa dénonciation me paraît tellement profonde qu'elle touche les tréfonds du système capitaliste et impérialiste.


S'il a un rôle autre qu'humoriste - et franchement on ne peut pas retirer à un humoriste d'être plus qu'un bouffon qui fait de la pub pour une banque - c'est sans doute celui de susciter le dialogue entre soi et soi afin que surgisse un instinct de vérité. C'est sûrement pompeux pour tous ces gens qui choisissent de vivre leur vie de manière telle qu'elle se présente à eux... et puis un jour, on bouffe la dernière crise et puis on met son gilet jaune sur un rond-point un soir de Noël. Il y a quelque chose de socratique dans son action et c'est éminemment salutaire. Salutaire est aussi le petit dossier que Ferrari propose de télécharger concernant les sources du spectacle.


Elle est compliquée cette place de l'humoriste qui fait passer ses convictions personnelles. On regarde toujours la ligne qu'il va prendre qui va décider quelle position, nous, on va prendre par rapport à celle-ci. Elle est compliquée cette place. Tu en auras toujours pour dire que ce n'est pas le rôle de l'artiste que de capitaliser sur l'esprit de dénonciation, avec toujours ectte impression que la dénonciation est un marché comme les autres. Elle est compliquée parce qu'on est toujours à l'affût, en train de se dire "ah tu vois, là, il force le trait !". Hé bien, de se dire tout cela à la fois, je ne peux que trouver audacieux cette démarche qui font souvent les grandes œuvres personnelles. Je suis très heureux de pouvoir suivre cet humoriste tout au long de mon existence.

Andy-Capet
8
Écrit par

Créée

le 27 déc. 2018

Critique lue 1.3K fois

2 j'aime

2 commentaires

Andy Capet

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

2
2

D'autres avis sur Vends 2 pièces à Beyrouth

Vends 2 pièces à Beyrouth
lessthantod
6

Bien, mais pas top !

Grand adorateur du premier one-man show de Jérémy Ferrari Hallelujah bordel, je peux difficilement cacher ma déception face à ce Vends 2 pièces à Beyrouth. Alors certes ça commence très bien, les 30...

le 10 juil. 2020

3 j'aime

6

Vends 2 pièces à Beyrouth
kenzoposti
7

Du génie à la démagogie

J'ai vu ce spectacle, lors de l'une de ses premières représentations (à Avignon), et, coup du destin, c'était le samedi 16 janvier, jour de la "fameuse" participation de Jérémy Ferrari à On n'est pas...

le 1 nov. 2016

3 j'aime

3

Vends 2 pièces à Beyrouth
Andy-Capet
8

Maïeuticien pervers

C'est tellement compliqué de vouloir être juste dans un océan d'injustices qui s'enchevêtrent, qui s'accumulent et s'entremêlent. Je me dis que ce monologue final est une promesse que n'importe quel...

le 27 déc. 2018

2 j'aime

2

Du même critique

Into the Wild
Andy-Capet
2

Un connard de hippie blanc en liberté

Sur Into the Wild, je risque d'être méchant. Non, en fait, je vais être dur. Parce que j'assume totalement. C'est autant le film que ce qu'en font les admirateurs de ce film qui m'insupporte. Que...

le 27 janv. 2014

66 j'aime

71

Disneyland, mon vieux pays natal
Andy-Capet
7

Achète-moi un conte prêt à raconter

En tant qu'ancien travailleur de Disneyland, je ne suis jamais senti à ma place dans ce milieu. Tout ce que je voulais, c'était travailler en m'évadant. Ce fut le contraire. J'ai perdu mon innocence...

le 26 avr. 2013

60 j'aime

42

RoboCop
Andy-Capet
9

Leçon cinéphile adressée à tous les faux-culs prétentieux.

L'humour satirique et grotesque dans Robocop est une porte infectieuse pour laisser entrevoir autre chose que du pop corn pour petit garçon, une porte qui laisse un aperçu de cette société tyrannique...

le 10 déc. 2013

49 j'aime

38