J'ai vu ce spectacle, lors de l'une de ses premières représentations (à Avignon), et, coup du destin, c'était le samedi 16 janvier, jour de la "fameuse" participation de Jérémy Ferrari à On n'est pas couché. Je n'avais pas vu d'extrait vidéo avant, ni de promotion (j'ai regardé l'émission en rentrant), me basant donc sur son premier one-man et ses sketchs écrits pour la télévision. J'étais donc neuf, intact, dans l'inconnu.


Je crois que les 30 premières minutes ont été celles qui m'ont fait le plus rire dans ma courte vie. Peut être qu'en revoyant le spectacle, je changerai d'avis. Mais être pris de cette façon dès le début, avec une salle entière participant à un simulation d'attentat, et rire à gorge déployée, de ce qui est fait et dit sur des choses aussi terribles et proches dans le temps avec l'actualité (seulement deux mois après le Bataclan), j'hallucinais. Il enchaîne sur des sketchs bien sentis, dans la station service picarde qui a vu arriver les Kouachi pendant leurs fuites ou un bureau de recrutement des djihadistes, et je me dis: comment va-t-il faire pour tenir un spectacle entier sur cette intensité et avec cette qualité? Sur le tiers du spectacle, c'est 10, sans hésiter.


Malheureusement, au fur à mesure, je le trouvais moins percutant, trop consensuel dans la critique, trop commun dans l'humour (qui n'en était toujours pas). Il a décidé de devenir le porte-parole auto-proclamé des gens et ça se sent. Serait-ce son ultime limite? Le final, où il se parle à lui-même, me procure une profond malaise. Pourquoi exposer ce qu'il pense sur sa personne et ses actions? Dit au premier degré, sans humour, cela exclut le public. En sortant, j'étais contrarié. Plus près de 6 que de 10.


Sur scène, il avait prévenu qu'il allait se passer quelque chose dans ONPC et qu'on pouvait éventuellement le voir juste après le spectacle. Bien que maladroit et brouillon, il reste fidèle à lui-même et s'attaque à Valls. Les arguments sont vrais, doublement, puisque vérifiables et sincères à la fois, mais là encore je retombe sur le représentant de ce que les gens pensent... Je revois des extraits que j'ai vu quelques minutes plus tôt. Et j'écoute les chroniqueurs. Que d'éloges. Que d'unanimité. Moix souligne une différence entre l'humoriste, brillant, et la personne, confuse hors spectacle. Mais pas d'autres limites. Tant mieux pour lui, et ce n'est pas de son fait s'il reçoit des critiques dithyrambiques, pourtant ça agace. Qui plus est pour qui l'a vu le soir même.


Ce spectacle est efficace, brillant parfois mais tellement inégal. Ferrari peut agacer, non pas parce qu'il tord le cou de la réalité, est corrosif voire "dénonce" (terme impropre car galvaudé) mais parce qu'il se prend pour quelqu'un, s'adjuge un statut qui n'est pas forcément le sien, ce qui nuit à son indéniable talent. Il reste un humoriste intéressant, à la trajectoire et aux réactions singulières.


Pour finir, un conseil: si vous voulez le voir, n'attendez pas le DVD. Courez en salle! Ce spectacle, plus que son précédent, doit se vivre avec le public. Si vous regardez seulement le DVD, vous vous sentirez déçu et mis de côté par cette non expérience de direct.

kenzoposti
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le 1 nov. 2016

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