Peut-on réussir le biopic d’un homme qu’on déteste ? Peut-on apprécier un film qui pousse la haine de son personnage jusqu’à l’écoeurement ?
Par l’efficacité de sa mise en scène, cruelle, et ironique, Adam McKay répond par l’affirmative à la première question, justifiant ses prétentions aux Oscars, et laisse la seconde en suspens.
Sans égard pour son spectateur, à la manière d’un documentaire animalier qui prendrait plaisir à garder au montage le déchiquetage de ses proies, Vice retrace le parcours de Dick Cheney, discret politicien américain, impitoyable secrétaire à la Défense de Bush père et non moins exécrable vice-président de Bush fils.
Chacune des décisions de cet homme, incarnant tous les travers de l’Amérique contemporaine, de l’individualisme à outrance aux plus violents instincts colonisateurs en passant par un climato-scepticisme des plus cynique, est suivie par l’image à peine soutenable de ses conséquences : bombardements de civils en Irak sur la base d’une intervention dont il a été un des principaux protagonistes, surveillance de masse, destruction industrielle de l’environnement, instauration au pouvoir d’un climat sexiste et homophobe, etc.
Si le film prend un certain plaisir à manipuler et choquer son spectateur, c’est avant tout au profit d’une talentueuse déconstruction du genre du biopic et d’une réflexion subtile sur le courant de pensée et les hommes qui ont permis l'avènement de l'Amérique de Donald Trump, deux décennies plus tard. A l’image de l’actuel président des États-Unis, Dick Cheney, que l’on prend finalement plaisir à détester, est bien l’incarnation d’un vice mais d’un vice qu’il n’a pas créé et qu’il lui survivra. Non sans un haut-le-cœur, c’est cela que Vice démontre avec brio.