Il y a trois ans, Adam McKay s'était employé à décortiquer la crise financière sur un ton ironique. The big short proposait un parcours à la fois didactique et mordant sur les mécanismes déclencheurs de la crise des subprimes. Avec Vice, McKay reprend la même recette pour dresser un portrait de Dick Cheney, homme de l'ombre à la maison blanche dont l'influence fut capitale sur certaines décisions historiques comme l'intervention en Irak.
S'il ne fallait garder qu'un seul adjectif pour décrire Vice, ce serait certainement 'obscène' comme en témoigne la jolie ambiguïté du titre. De la même manière que les traders de The big short jouaient grossièrement avec leurs millions sans se soucier des conséquences de leurs actes, les hommes politiques de Vice intriguent dans le mépris des populations extérieures à leur microcosme. Pour appuyer ce décalage malpropre entre les jeux de pouvoir et leurs répercussions, McKay n'hésite pas à nous abreuver d'images sales en s'attardant volontairement trop longtemps sur une fracture ouverte ou en montant des images de bombardements en parallèle des discours hautains de Cheney dont les prises de décision entrainent la décimation de populations.
Les maquillages aussi sont exagérés et c'est un Christian Bale bouffi (ou l'obscénité d'une nouvelle transformation) à l'accent trop appuyé qu'on retrouve dans le rôle principal. Le montage est également concerné par ces distorsions, car au lieu d'une fluidité linéaire classique pour un biopic, McKay préfère proposer un montage dynamique presque youtubesque avec une multitude d'inserts, de retour en arrière, de fausse fin etc... Tous ces éléments entrainent une certaine ironie tant ils viennent faire enfler abusivement les défauts des personnalités critiquées. L'humour arrive d'ailleurs souvent par effets de manches ostentatoires, mais que ça soit par des faux dialogues ou des interventions face caméra, la causticité des situations fait toujours mouche.
Alors certes, McKay passe un peu pour un donneur de leçons faciles et il est probable que le film ne fasse que prêcher des convertis, mais les effets restent assez piquants pour trouver la bonne balance entre la douce leçon de morale et l'humour noir. Vice reste sur le fil, faisant sa réussite de sa contradiction car c'est finalement l'ensemble de ce style licencieux qui permet à la satire d'acquérir une dynamique qui lui est propre et d'éviter le piège redouté du film en costumes ou du biopic poussiéreux.