Après avoir fait ses armes dans la comédie potache américaine ("Frangins malgré eux", "Ricky Bobby", "Very Bad Cops"), le réalisateur Adam McKay a décidé de changer de cap avec "The Big Short", sortit il y a 3 ans, qui dénonçait de manière caustique (et aussi faussement alambiqué) du système de Wall Street.
Avec "Vice", tout en changeant de sujet (une biographie sur Dick Cheney, vice-président américain sous l'ère Bush jr), McKay reste dans la même idée de dénonciation d'un système en particulier, ici en l'occurrence la politique américaine.


Là où "The Big Short" se perdait dans des excès de bavardage et de complexité au point de laisser de côté l'intérêt du spectateur, "Vice", au contraire, nous captive dès les premières minutes et ce, grâce à un montage inventif et efficace, alternant avec subtilité images des jeunes années de Dick Cheney avec celles, plus contemporaines, du 11 septembre 2001 et de la guerre en Irak.
En effet, refusant d'opter pour une narration classique, le réalisateur s'amuse à jouer avec le temps et les codes de la mise en scène cinématographique (4ème mur, générique de fin, arrêts sur images, etc) tout en se permettant même d'insérer dans son montage des images métaphoriques (une pile de tasses de café, un lion qui dévore sa proie) et d'autres issues de l'actualité.
Bien que ce parti-pris puisse sembler radical à première vue, il se révèle très subtil dans la mesure où rien n'est jamais gratuit, le moindre plan du film servant avant tout à retranscrire une pensée ou un trait de caractère de Cheney, ce qui rend le portrait d'autant plus passionnant à suivre.


L'autre grande force du film réside dans le traitement de son sujet. Alors que l'on pouvait craindre (comme c'est le cas de beaucoup de comédies traitant de la politique) que le film en soit réduit à un long pastiche façon "Guignols de l'info" étiré en longueurs, il parvient à rester crédible de par le fait que son sujet soit très documenté et surtout très réaliste; ce qui fait donc que l'on éprouve un malin plaisir à voir toutes ses figures si connues de la politique américaine ayant été proches de Cheny (Busj jr, Rumsfeld, Powell) traitées avec autant de cynisme et de causticité.


Au niveau de l'interprétation, là aussi le niveau est élevé. Dans le rôle du vice-président, Christian Bale est tout simplement excellent, crédible aussi bien physiquement que psychologiquement à travers la personnalité très complexe de cet homme. Du côté des autres personnages, Amy Adams est elle aussi parfaite dans la peau de Lynne, l'épouse de Cheney. A noter également, les partitions savoureuses de Sam Rockwell en Georges Bush jr aussi nonchalant qu'incompétent, et de Steve Carvell en Donald Rumsfeld frustré et méprisable.


En somme, "Vice" constitue un fascinant portrait au vitriol du monde politique américain, formidablement documenté, cynique et caustique sans jamais être gratuit ou méprisant, et très bien interprété, truffés de bonnes idées de mise en scène et d'un montage inventif et prenant .


Un film à découvrir !

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le 24 mars 2019

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