A Toronto, au début des années 1980, Max Renn (James Wood), est directeur d'une petite chaîne de télévision diffusant de l'érotisme et du porno. Max cherche la perle rare qui selon lui permettra à son entreprise de changer d'échelle. Tombant par hasard sur une vidéo de snuff, il enquête pour se procurer le programme. Contre l'avis de ses salariés et partenaires, il est persuadé que ces images violentes, dérangeantes et dénuées de scenario sont le graal. Ses téléspectateurs ne pourront plus lever les yeux de leurs écrans et resteront à jamais des fidèles. Le film que recherche Max se nomme "videodrome".
Remarquons d'emblée que nous-même, spectateurs du Videodrome de Cronenberg répondons parfaitement aux clients imaginaires de Max. Le film ne nous lâche pas et nous emmène toujours plus loin dans son étrange narration. Nous sommes ainsi sujets de la mise en abyme créée par le réalisateur.
Lorsque j'étais gamin, la télévision allait me rendre aveugle. Plus tard, les jeux vidéos avaient un pouvoir d'identification si forts qu'il était souhaitable que la jeunesse ne s'y adonne pas trop. Puis ce fût Internet et les pires maux s'abattraient sur ses aficionados (je passe les ondes destructrices du micro-onde, le GSM qui grille le cerveau, etc…). Bref, chaque technologie de masse induit une méfiance, voire une peur. Il semble bien que le point de départ de David Cronenberg soit justement le repoussoir utilisé dans les années 1980 pour éviter que les voisins, parents, enfants, amis, ne deviennent eux aussi la matière première consentante à un vaste complot vidant les êtres humains de leur libre-arbitre.
Sous nos yeux, en effet, Max est progressivement soumis à des hallucinations que nous, spectateurs, avons de plus en plus de mal, à séparer de la réalité. Irrémédiablement le réalisateur nous fait traverser la frontière du réel. Les seuls personnages restant à peu près cohérents sont les complotistes (l'empire ?) et une rebelle salvatrice. A aucun moment Max, personnage principal, personnage d'identification pour le spectateur, ne prendra une quelconque initiative. Son rôle est en effet réduit à être celui d'une simple marionnette manipulée par le mal ou le bien.
Il récupère cependant mais brièvement son humanité à la fin de l'œuvre tel un Socrate moderne.
Bref, Cronenberg prend par la main les anti-télévisions et bâtit magistralement une narration en poussant aux limites leur peur. Les programmes de plus en plus abêtissants vont changer l'humanité en masse bêlante. Mais pas seulement. On remarquera que tout est organique chez Cronenberg, et pour cause. Il a bien pire que le lavage de cerveaux, fantasme de la guerre froide: c'est la corruption de la chair. C'est donc sous cet angle que prend corps la peur primaire. Et pas n'importe quelle corruption. Dans ces années 80 empreintes de machisme, quoi de plus terrifiant que de faire apparaître un vagin sur le corps d'un homme ? Vagin qui servira d'armurerie et d'organe de pilotage. Le mâle est finalement très manipulable lorsqu'il est soumis à ses désirs primaires que sont le sexe et le désir de domination.
Videodrome est finalement un film complexe et profond. Joli cocktail à réjouissance pour nos neurones endormis. Évidemment si vous cherchez à vous délasser les yeux pour mieux apprécier le pop-corn, passez votre chemin. ;-)