Le divertissement selon François Truffaut. Chez lui, ce n’est jamais un simple fait, divers, se sera toujours un film à part entière, avec ce que cela implique. Passion du cinéma, clin d’œil à un genre, voir plusieurs, au passé, à l’ancienne Nouvelle Vague. Emprunt anglais, c’est inspiré d’un roman britannique, ça aurait pu être une pièce de théâtre, tant la mise en scène est comme telle, formelle. On a l’impression d’être au théâtre ce soir. C’est léger, une comédie plate comme un boulevard, des années Giscard. Sous une apparente superficialité, ça se regarde tout seul. Sans se compliquer la vie.


L’argument massue, c’est Fanny Ardant. Elle joue la secrétaire, BCBG, la femme parfaite à la diction parfaite, qui a du chien, et de la répartie parfaite. Trintignant joue le patron d’agence immobilière bougon, et rien qu’avec ça, on a déjà du spectacle. Il a sale caractère, et préfère les blondes. Il songe même à se débarrasser de cette grande perche brune à la langue bien pendue…ça commence. Beaucoup vont s’arrêter sur la fausse enquête, les meurtres qui s’accumulent comme dans un polar ; moi je vois surtout la rencontre entre Fanny et Jean-Louis et François. Un régal pour qui aime les acteurs. Voilà son patron accusé de meurtre, et voilà notre secrétaire qui vole à son secours, et se transforme en détective privé amateur. Elle emprunte un imperméable masculin qui lui fait genre Chris Marlowe à talons, et part à l’aventure. Femme à tout faire, héroïne sage, au grand cœur, sang-froid, abnégation, et beaucoup de ressources, tout ça pour les beaux yeux de son patron aveugle, qui assez con pour ne pas voir qu’elle est amoureuse de lui. Certains gars ne comprennent pas la chance qu’ils ont. Elle est amoureuse, ça ne fait pas un pli. Mais comme lui aime les blondes…


  Le patron est-il coupable ou pas ? Truffaut entretient le doute, à défaut de vrai suspense. C’est avant tout un hommage appuyé aux films noirs, à leur ambiance grisâtre, (d’où le noir et blanc ?)  Le boss n’est pas très coopératif, il est peut-être coupable, finalement. Personne n'est tout blanc. Sauf la secrétaire idéale,  Barbara. Elle n’a rien à se reprocher, bien au contraire. Et il y a X rebondissements, tellement rocambolesques, qu’on oublie le film noir, qu’on pense à la bibliothèque rose. Fantômette mène l’enquête. Barbara, la femme parfaite avec un prénom des plus communs, joue à ses heures perdues dans une pièce de théâtre amateur. Mais comme son patron est en danger, elle délaisse les répétitions pour mener l’enquête, qui l’a conduit du côté de Nice, sans prendre le temps de se changer, elle saute en voiture, habillée comme l’héroïne de la série pour enfants. Heureusement qu’elle avait piquée un imper à son patron pour passer inaperçue. Sacré Truffaut, quel pasticheur ! Fantômette avec l’imper de Chris Marlowe. Et des rebonds dignes d’Agatha Christie pour rire. Un humour tenu en laisse par le script très précis. Divertissement  pour famille modestes, petite bourgeoisie, et pour amateur déridés. Du cinéma populaire donc, et un peu plus haut que la moyenne, donc. 

Fanny Ardant a le beau rôle, Trintignant est plus en retrait, on n’en attend pas moins de Truffaut, qui se fait même quelques clin d’yeux à lui-même, et à l’homme qui aimait (trop) les femmes. La femme idéale, c’est donc Chris Marlowe in Fantômette in une secrétaire qui a de l’esprit in une brune aux jambes interminables, BCBG, libérée, et amoureuse, voire « pute » à l’occasion, mais c’est par amour. Tout ça pour un homme qui n’est jamais content. Grognon ce Trintignant, mais là, ça nous fait rire.


      Donc faux polar, vrai vaudeville, qui ne sera pas crédible pour ceux qui veulent y voir autre chose que du cinéma, qui filme du cinéma. Les « méchants » se cachent dans un cinéma, les gags sont placés, et enchaînés dans la narration, sans aucun hasard, même si c’est récrèatif, ce n'est pas une parodie. Pas de fantaisie qui ne soit imposée par le script, pas de mollesse, malgré l’évidente superficialité de l’histoire. C’est du cinéma de chez Truffaut. La femme parfaite, apostrophe d’ailleurs ouvertement la caméra ! Et pendant ce temps,  l’étau se resserre autour de Julien Vercel (le patron). Et voilà qu’une blonde se présente à l’agence immobilière.

"Qu’est-ce qu’elle fait là, celle-là ?" Ah oui ! Au début du film, le boss voulait changer de secrétaire, et avait passé une annonce. Entretemps les choses ont changées, mais au lieu de la renvoyer, elle passe quand même une audition (comique) qui n’a rien à voir avec le film. Pure moment de comédie, entre une brune et une blonde. L’art de raconter, et de mélanger une histoire à des éléments rapportés, complètement anecdotiques, qui ne font pas rapportés. Gag à la Truffaut.


                        Retour au film. Et pour retourner les codes du film noir, avec respect. On obtient une comédie sans message, ou école à défendre. Truffaut cite du Truffaut de façon décomplexée, pour la beauté du geste. Et puis il y a quelques gifles qui se perdent! Pauvre Barbara. Elle a beau être parfaite, elle est chiante par moments, trop de qualités, trop parfaite. Elle prend toute la place, accapare toute la lumière…Dans un film noir remplis de machos, il faut savoir la remettre à sa place. Sérieux, il ne faut pas se prendre au sérieux. Rires. 
Angie_Eklespri
8
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le 22 juin 2016

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