Comme à son habitude, l'humanité a conduit une nouvelle fois la Terre au bord de son extinction. Mais, pas de panique, une planète a été repérée dans une lointaine galaxie pour assurer la survie de notre espèce et, accessoirement, répéter les mêmes erreurs. Seul hic, il faudra un voyage de 86 ans pour atteindre les lieux !
Grâce au matériel génétique des esprits les plus brillants de la Terre, trente enfants sont créés en laboratoire et élevés loin de toute interaction avec la vie humaine dans le seul but de les conditionner au mieux à ce long périple. Car ce ne seront pas eux, ni même leur propre progéniture qui auront la chance de gambader sur la nouvelle planète mais uniquement leurs petits-enfants.
Sous la surveillance d'un adulte chargé de les assister, la première génération décolle donc vers l'inconnu des cieux. Plusieurs années après, certains d'entre eux réalisent que leurs émotions sont étouffées par l'ingestion d'un médicament...


Sur le papier, "Voyagers" a des prétentions de SF plutôt honorables en voulant littéralement incarner dans son postulat le ressenti d'une génération actuelle qui peut se voir comme sacrifiée par le comportement irresponsable des anciennes, bridée par des motivations artificielles pour empêcher l'éveil d'une véritable conscience collective ou, plus généralement, sans grande illusion face à un avenir incertain. Même si l'approche n'est pas nouvelle, le film de Neil Burger trouve du sens en captant ce qui justifie le pessimisme ambiant de cette jeunesse afin de le transposer à la condition de cette génération "no future" d'astronautes n'existant que pour passer le relais à la prochaine. De plus, il y a également quelque chose d'assez malicieux dans le choix d'avoir pris Colin Farrell, ancien enfant terrible d'Hollywood, pour jouer la figure mature et tutélaire chargée de s'assurer que ce jeune équipage reste sur le chemin de la conformité voulue par les adultes...


Hélas, passé cela, "Voyagers" se met à dérailler au moins autant que l'on a envie de délivrer des paires de baffes à tous ses personnages peu à peu "éclairés". Évidemment, on peut comprendre que ces adolescents élevés loin de la société humaine succombent à l'éveil soudain de leurs phéromones mais de là à les transformer subitement en une espèce de bande d'idiots néandertaliens en roue libre...
Avec une vision totalement dépassée de l'âge ingrat, "Voyagers" se met en effet à réduire la quasi-totalité de ses protagonistes à la caricature des bas-instincts de cet âge : le désir sexuel devient ainsi synonyme des attitudes les plus déviantes, l'oisiveté et le plaisir immédiat surpassent toute notion d'effort ou même parfois de survie (!), les frustrations les plus futiles engendrent une soif de pouvoir prête à toutes les énormités pour être satisfaite, ... Quelques exceptions vont bien sûr subsister pour établir un camp de héros face à une telle absurdité de comportements mais, bon sang, pour des jeunes présentés comme issus du génie terrien et élevés de façon à faire fructifier leurs intellects, la transformation apparaît si radicale que l'on en vient à penser que leur sacrifice était finalement une donnée assez raisonnable (pas sûr que c'était l'intention du film au départ).


L'ambition affichée de "Voyagers" était bien entendu d'offrir une relecture façon SF de "Sa Majesté des Mouches" (on retrouve même l'idée d'une force supérieure comme instrument de la peur lié à l'autorité) mais tout ce qui faisait le sel de l'expérience de société primaire du livre de William Golding s'articule ici autour de ressorts si fatigués qu'ils font office de lampadaires sommaires pour forcer ces petits moucherons d'ados à y virevolter en permanence de façon paranoïaque.
Et, si, au-delà de l'échec global de la proposition, vous espériez que l'agitation de ces personnages irritants débouchent au moins sur des moments de grand spectacle SF, le manque d'inventivité de Neil Burger au niveau des péripéties spatiales ne risque pas d'arranger les choses ! Faute d'idées neuves, le bonhomme ira même jusqu'à conférer l'équivalent de la résistance d'une reine Alien à un adolescent dans le but de gonfler artificiellement l'action d'un final aussi atone que le reste.


Entre une redite terriblement vaine de "Sa Majesté des Mouches" et le caractère hautement prévisible de son déroulement, "Voyagers" représente surtout le parfait moyen masochiste de vous immerger en vase-clos dans la vision la plus rance que l'on peut avoir de l'adolescence. Et, croyez-nous, l'humanité ne donne pas envie qu'on lui laisse une nouvelle chance après un coup pareil...

RedArrow
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le 25 mai 2021

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