Warcraft le film : Un rêve de gosse attendu depuis des lustres, qui passe tout à coup du statut de vague projet mythique à celui d'un objet concret et existant : ce n'est plus un rêve.


Oui mais voilà, premièrement, l'âge adulte fait beaucoup plus relativiser sur les éventuelles qualités d'un tel projet. Déjà, on connait la réputation des adaptations vidéoludiques pour le grand écran, et chacun sait qu'elle n'est pas fameuse. De plus, les récents blockbusters et autres films à grand spectacle découlant d'une franchise ou d'une oeuvre culte ne sont pas à la noce à la sortie de ce Warcraft. Hormis l'exceptionnel Mad Max : Fury Road, les dominants restent les fadasses et répétitifs Marvel et quelques autres films d'action mercantiles dont nous tairons les noms. Bref, pour résumer, niveau fantastique et imaginaire, nous ne sommes pas gâtés.


C'est dans ce contexte que débarque le boiteux mais téméraire Warcraft, réalisé par Blizzard eux-même. Là où on aurait pu espérer un film totalement en images de synthèse, la production décide d'y incorporer des personnages en prise de vue réelle, ce qui n'étais vraiment pas nécessaire. Puisqu'en plus les incrustations sont foireuses et franchement pas esthétiques. Quand on a bavé de copieuses minutes devant les cinématiques de Warcraft III et de WoW, on pouvait s'attendre à une apothéose de la même trempe, transposée au format long pour le ciné. Mais non. Il faut croire que le public (mais surtout les producteurs) sont encore trop frileux pour des projets en full animation, sauf si bien sûr c'est du Pixar ou du Dreamworks. Heureusement, à l'heure où j'écris ces lignes, des merveilles comme The LEGO Movie, Spider-Man Into the Spider-verse ou la série Love, Death & Robots ont vu le jour, ce qui laisse présager un bel avenir pour une animation plus mature et créative. Sinon, un traitement réaliste comme la trilogie du Seigneur des Anneaux ou Game of Thrones aurait été idéal, mais des miracles comme ceux-ci n'arrivent pas tous les jours, ni tous les dix ans.


Mais revenons à nos Taurens. Le film en lui-même n'a pas vraiment cartonné au box-office et sa sortie a été plus discrète que la légende dont il fut l'instrument.


Au premier visionnage, on est quand même transportés dans un univers singulier qui ne laisse pas indemne : très rares sont les films où on peut voir des armées entières de créatures folkloriques et fantastiques se mettre sur la gueule. De plus, le scénario, même si son écriture laisse à désirer, est tout de même un diamant d'originalité dans une mine de banal charbon. Pour une fois, ce n'est pas une relation père-fils, une romance à la con ou les aventures d'un groupe de crétins boutonneux qu'on nous raconte... On parle ici d'immigration de masse, de magie dangereuse, de chocs des cultures, de corruption démoniaque et de royaumes qui s'effondrent... Merci aux scénaristes d'avoir au moins essayé de me conter ces histoires sans tomber dans les clichés les plus éculés du divertissement grand public.


Malheureusement, tout a une fin, même les rêves, et la réalisation est loin d'être à la hauteur de ce que promet un tel long-métrage. Déjà, la bouillie numérique qu'on nous sert est assez indigeste : les actions sont peu lisibles, les incrustations sont encore une fois affreuses, et le côté CGI ressort beaucoup trop. La photographie quant à elle tente des choses, mais on est loin des ambiances générées dans les cinématiques des jeux. Par contre les graphismes possèdent également de bons côtés : le design des Orcs est parfait, l'image est généreuse en couleurs, en concept-design et les cadrages sont audacieux. Cependant, le montage chaotique et le manque de respirations du rythme ne sont pas là pour les mettre en valeur. La narration s'en trouve entachée elle aussi, mais garde tout de même une certaine clarté qui n'empêche pas la bonne compréhension du script.


On peut noter tout de même la qualité de la caractérisation des personnages, qui elle pour le coup est (en partie) réussie, surtout du côté des Orcs : ils sont charismatiques, singuliers et raisonnablement attachants. A contrario, les personnages humains ne sont pas terribles, victimes avant tout de leur design... Seul notre bon et espiègle Travis "Ragnar" Fimmel sort du lot dans le rôle d'Anduin, mais n'est pas correctement exploité.


Malgré la déferlante de défauts qu'on peut lui trouver, Warcraft reste un spectacle honnête, orignal et généreux, un pur fan-film qui ne cherche jamais à trahir son essence, un bijou de fantasy comme on en veut plus, et l'esquisse bancale mais prometteuse d'un rêve d'enfant.

Paùl_El_Cellat
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le 27 mars 2019

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