Welcome
6.9
Welcome

Film de Philippe Lioret (2009)

Si le cinéma a souvent pour vocation de nous extérioriser de notre monde actuel et de nous évader le temps d'un film, il est un autre rôle commun à l'ensemble des arts que de faire avancer le monde dont il s'inspire. Coups de gueules, pamphlets, documentaires, critiques, films engagés, ils sont l'avancée nécessaire d'un monde qui va mal et dont le cinéma est peut être le meilleur à retranscrire les maux et les failles. Nouvelle preuve d'un cinéma aux cinéastes éternellement engagés avec cette nouvelle réalisation du réalisateur de « Je vais bien ne t'en fais pas », qui cette fois se décide à porter sa nouvelle histoire dans un contexte brulant d'actualité, car en pleine période de débat sur l'immigration et l'identité nationale.

Welcome raconte donc l'histoire folle de Bilal, immigrant Irakien, qui rejoint les côtes calaisiennes dans l'intention d'y rejoindre, pour une femme, l'Angleterre. Face à l'impasse que constitue ce ralliement illégal Bilal se décide à traverser la manche à la nage, c'est devant cette folie qu'un maître nageur en plein divorce décide d'aider le garçon, une aide dangereuse qui ne sera pas sans conséquences.

Lioret parle et évoque beaucoup de choses dans son nouveau film, l'aspect politique est le plus flagrant mais c'est bien avant tout une histoire sur l'amour qui nous ait raconté, sur le courage des sentiments et la témérité dont elle nous imprègne. L'intrigue est tenue par deux histoires au romantisme absolues : d'un côté celle entre Lindon et Dana, confuse et embrouillée, de l'autre celle de Bilal et Mina( Frère et sœur dans la vie ), naïve mais passionnée. C'est cette recherche d'amour, ce besoin de l'autre qui emmènera Bilal et Simon à braver l'impossible et à prendre tous les risques, en aidant Bilal c'est sa femme que Simon veut retrouver, un courage qui nous échappe souvent et constaté amèrement par le maître nageur de Calais devant son ex-femme : « Il veut rejoindre sa copine à la nage, et dire que j'ai pas été foutu de traverser la rue pour te rattraper.. »

Si le film est si fort en émotions c'est aussi et surtout grâce à un parterre d'acteurs à la justesse absolue, porté par Vincent Lindon et Audrey Dana ainsi qu'une troupe d'acteurs néophytes gérée de main de maître par Philippe Lioret. Une bande d'inconnue dont Fyrat Ayverdi en est la plus grande surprise, l'adolescent est touchant et forme un beau duo d'acteur avec Vincent Lindon. Ce dernier est exceptionnel en homme brisé ( il égraine une vraie tête de chien battu ) qui cherche à épater sa femme, son interprétation est illuminée d'une justesse épatante. Un film d'une émotion totale qui parvient à se canaliser, qui ne tombe dans aucunes facilitées ni pathos exagéré.

Le message de Welcome est très engagé, politiquement d'une part, humanitairement de l'autre, car en pleine période de débat sur l'identité national le film prend tout son sens. A l'heure où le droit des immigrés se restreint et leurs traitements se détériorent, Lioret apporte une réponse, sa réponse, franche et définitive, son film est presque une œuvre civique, voir Welcome devrait être un devoir.
Dans un Calais à l'ambiance quasi documentaire les références à une autre période, plus noire, de l'histoire française est dépeinte par Lioret, le parallèle entre la situation dont est victime Simon en hébergeant le jeune homme et celle de la période de l'occupation, avec un homme qui cache chez lui un juif et se fait prendre. "Sauf que ça se passe aujourd'hui à deux cents kilomètre de Paris" soulève le réalisateur. La vision du film dérange évidemment, notre regard aussi, c'est le but qu'avait Lioret en réalisant ce film, il l' avoua en décrivant son désir de changer les choses grâce à son cinéma, comme avait pu le faire Indigènes en son temps. Objectif presque réalisé car suite à la sortie du film le député Daniel Goldberg avait déposé une proposition de loi visant à dépénaliser le délit de solidarité, très médiatisée, débattue mais rejetée à l'Assemblée Nationale le 30 avril 2009.

Chef d'œuvre engagé que ce nouveau Lioret, véritable révélation d'un cinéma à l'émotion pure qui sert ici le message bouleversant d'une situation qui indigne, d'un pays aux méthodes historiques douloureuses envers son immigration, d'une population conduit à la dénonciation dont un voisin délateur au paillasson avenant ose inscrire « Welcome ».
Nicolas_Chausso
7
Écrit par

Créée

le 6 juin 2013

Critique lue 546 fois

1 j'aime

Critique lue 546 fois

1

D'autres avis sur Welcome

Welcome
Grard-Rocher
9

Critique de Welcome par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Le centre de Sangatte a été fermé et c'est ainsi que dans Calais une foule d'émigrants erre dans les rues dans un état de dénuement total, subissant les contrôles et les sarcasmes des autorités et le...

43 j'aime

16

Welcome
socrate
8

Elle est belle, la France !

Voilà un film très riche, qui aborde de nombreux thèmes intéressants, comme la situation les clandestins dans le Nord de la France, la politique répressive de la France à leur égard ainsi qu'en...

le 10 mai 2012

37 j'aime

18

Welcome
Gand-Alf
8

Terre d'accueil.

Après l'accueil triomphal fait à son superbe "Je vais bien, ne t'en fais pas", le cinéaste Philippe Lioret s'attaque à un sujet bien plus complexe et casse-gueule, à savoir le sort réservé aux...

le 24 janv. 2014

30 j'aime

2

Du même critique

Le Faucon maltais
Nicolas_Chausso
5

Un classique trop classique

Véritable pionnier du film noir Le Faucon Maltais est à plus d'un titre une étape importante dans l'histoire du cinéma. Porté par beaucoup comme un des grands classiques du cinéma Américain, The...

le 10 juin 2013

29 j'aime

2

Cet obscur objet du désir
Nicolas_Chausso
8

Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus

«Cet obscur objet du désir», quel drôle de titre. Son origine vient d'une citation tirée du livre dont il est l'adaptation : «La Femme et le Pantin», de Pierre Louys. Le titre renvoie inévitablement...

le 19 juil. 2013

28 j'aime

1