Troisième long de la réalisatrice allemande Valeska Grisebach, Western aborde un sujet social contemporain : Le vécu des travailleurs détachés.


Nous suivons donc un groupe d'ouvriers allemands en mission dans un village bulgare. On est rapidement positionné aux côtés de Meinhard. Dans une région qui lui est inconnu et de prime abord hostile, il va tenter de faire sa place.

On identifie rapidement la dynamique au sein du groupe et les relations que chaque individu entretient avec ses collègues. Ainsi se démarque celle qui confronte Meinhard et Vincent, son chef. Leurs interactions se distillent tout au long du récit en faisant constamment monter la tension générale. Cela résulte principalement d'une divergence d'opinions sur l'attitude à adopter concernant leur mission à accomplir dans un territoire étranger.


Cette tension latente, mais palpable, apparaît aussi lorsque les autochtones et les Allemands se rencontrent. Bien que Meinhard semble réussir à s'intégrer auprès des villageois, l'incident le plus minime peut faire basculer ce fragile équilibre. De ce fait, de part la faculté de l'auteure à créer des personnages profondément humain et simple dans leurs comportements, nous sommes constamment partagé entre le plaisir de voir ces hommes vivre ensemble, malgré la barrière du langage, et la hantise que cela ne tourne court.
On oscille ainsi entre des moments légers, souvent de partage entre individus, et d'autres de confrontations, la plupart du temps lié à l'avancée du chantier. Ces motifs laissent penser que la coexistence, entre personnes de cultures différentes, ne peut se développer qu'en dehors du milieu professionnel. On peut même élargir ce constat au système capitaliste.

En effet, lors des différents échanges entre travailleurs allemands, l'argument principal justifiant leur mission est l'apport du progrès dans la gestion de l'eau de cette contrée. Or, au fil du récit, on se rend compte que la situation actuelle des villageois ne semble pas être si désespérante que cela, sur ce plan. Au contraire, les seuls problèmes qu'ils rencontrent sont liés au projet hydraulique.

Cet antagonisme est d’ailleurs parfaitement personnifié par Meinhard et Vincent. En effet, le premier met sur un second plan la mission pour mieux comprendre la philosophie de vie des autochtones tandis que le second n’agit que pour le bien du projet.


Il est d’ailleurs intéressant de voir comment la réalisatrice entoure de mystère Meinhard. Il est difficile de cerner ses motivations. On sait très peu de choses sur son passé ou sa vie en Allemagne. De même, on comprend qu’il souhaite éviter des altercations avec la communauté locale et tente de créer des liens avec eux. Pour autant, il est difficile d’en trouver la finalité. On pourrait être frustré d’avoir tant d’interrogations sur le personnage principal, mais le résultat est tout autre. Ce traitement renforce notre intérêt pour les événements qui se déroulent. On espère qu’au détour d’une discussion, on en découvre plus sur lui.


Western est une œuvre particulièrement pertinente. En prenant comme point de départ, une situation devenue commune dans notre société, Valeska Grisebach dessine le parcours d’un homme sans attache essayant de prendre racine en terre inconnue.

tzamety
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le 16 nov. 2017

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