Je ne vais pas me faire beaucoup d'amis, mais ...(opinion scabreuse, gros trac !)
Je n'ai pas aimé Whiplash. Voilà.
Non, non, pas tout de suite l'attirail de torture pour me faire payer, à tout jamais, l'affront de mon impertinence, pitié !
Pour détendre l'atmosphère, je vais peut-être commencer par admettre les points positifs dont je lui reconnais le mérite, hein... OK?
Déjà, il me semblerait malhonnête d'affirmer que Whiplash soit un "mauvais" film (d'où la moyenne), parce que sa réalisation est somme toute très bonne, pas de gros défauts, de belles images, un bon son, un rythme dosé, etc...
Les moyens actuels promettent au moins une qualité sensorielle respectable de toute façon; quels sont aujourd'hui les films à la réalisation vraiment"mauvaise" en production américaine ?
Et puis sinon, je dis bravo pour le jeu d'acteur de Jonathan Kimble Simmons, qui interprète de manière assez impressionnante le professeur Flectcher, tyrannique et détestable !
Enfin, j'en viens à mon dernier compliment : La scène finale du solo de batterie . Esthétiquement, quelle claque ! J'avoue que ces 10 minutes sont superbes.
Je vous entend d'ici ronchonner, incrédules : "Oui bon alors, il vient ce "Oui...MAIS?!"
Oui, mais... malgré tout, la magie n'a indubitablement pas opéré sur moi.
La raison principale, la voiçi:
Selon moi il manque à ce film le maillon indispensable et précieux pour qu'un film de ce genre (psychologique, drame) puisse être un "bon film": L'authentique profondeur.
(Ah ça y est, vous sortez les scies, écarteurs et autres éventreurs ?)
En fait mon avis commence à se généraliser sur cette dernière décennie, je trouve qu'il y a globalement une nette perte de profondeur dans les films psychologiques américains. Ceux-là même qui pourtant m'ont de nombreuses fois semblé très justes par le passé (Ou se trouvenr les Fight Club, Vol au dessus d'un nid de coucou, Donnie Darko? Shining ?)
Bien souvent la complexité humaine sous toutes ses formes me parait bâclée, ou trop binaire pour être crédible : Les américains ne font pas dans la nuance, question contraste. Ils en font des tonnes (pour attendrir, choquer, ridiculiser) grâce à l'utilisation, quasi-systématique des "ingrédients qui marchent bien" et simultanément ils passent complètement à côté de la subtilité de la psychologies des personnages et des événements. -
Et puis je suis lasse de ce message très "à la mode" de la réussite sociale, de l'individualisme. "toi-même tu peux réussir, si tu es prêt à tout donner et écraser les autres, car les autres sont tes concurrents, des loups pour toi."
"La valeur se mesure à ta rareté, ton degré de sensationnel, de confiance en toi, et de charisme à la manière du "gros connard imbu de lui-même". Et blablabla...
Pardon pour le ton sardonique, mais je trouve que ce film empeste littéralement ce que j'appellerai "le culte des idoles" à l'américaine. Et cette vision de la vie s'éloigne grandement de la mienne.
C'est rigoureusement tout cela que m'a renvoyé Whiplash.
Un prof non pas juste très autoritaire, mais odieux, morgue...Quelle fatuité ! De l'humiliation, des insultes et autres chaises qui valsent, au nom du charisme je suppose. (mais AUCUN élève qui se rebelle, aucun qui porte plainte? Depuis des années...? Un prof bourrin à souhait qui n'a jamais été viré, ou au moins contrôlé? Mouais. Peu convaincant.)
Un élève qui se prend au jeu de la perfomance et de la compétition, bon.
Mais avait-on besoin d'ajouter des poings en sang?
Un accident de voiture qui n'arrête même pas le preux garçon, tout obnubilé par sa mission? (une résistance à la One Piece, dites-moi!)
En effet, Damien Chazelle s'est donné du mal pour faire éclabousser de l'intensité aux personnages... Pourtant je n'ai pas saisi le message de l'histoire, la cohérence (suis-je passée à côté ?)
Qu'est ce qu'il y a à retenir de leur relation ? Que l'autorité du maître elle nécessaire à son charisme, même s'il dépasse les bornes, car cela est nécessaire pour permettre à l'élève de se surpasser?
Est-ce au contraire une critique des dérives de la manipulation?
Est-ce une ode à la folie ou à la faiblesse psychologique?
Quelle est la position de Andrew face à tout ça au finale?
Tout ça n'est pas très clair...
Evidemment, tout ne peut pas être traité dans un film , c'est au réalisateur de donner le ton, le point de vue qui oriente, suggère l'observateur, pour l'aider à cheminer dans son histoire.
Le souci, c'est que je n'ai perçu aucun parti pris véritable. Tout est vaguement évoqué (Le rôle de l'entourage face au harcèlement, les conséquences d'un traumatisme, la folie des grandeurs, l'impact très complexe d'une personnalité manipulatrice...) mais rien n'a de "matière" à raconter une vraie histoire orientée, même subtilement.
Pour moi, ce film n'a pas vraiment de substrat, il m’apparaît comme une performance supplémentaire, qui réussit à nous berner à coups d'émotions faciles, de belles images et de dialogues bien placés.
Et c'est une erreur impardonnable pour moi, lorsqu'on s'attaque à un sujets aussi complexes et potentiellement passionnants à traiter dans le 7ème art : la relation et ses dérives entre le maître et l'élève.

Fanny_Bellule
5
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le 2 juil. 2017

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Fanny Bellule

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