Whiplash est un drame éprouvant et sans pitié, où l'on suit la relation à couteaux tirés de prof à élève, ou plutôt de maître à esclave, entre Andrew, jeune batteur de jazz, et son professeur, Fletcher (joué par l'étonnant J. K. Simmons, principalement connu jusqu'ici pour... son rôle secondaire du rédac-chef dans Spider Man, dont le rire est devenu un classique de l'humour internet). On le trouve ici dans un autre registre, puisque Fletcher est un énorme bad-guy, véritable sadique à la tolérance proche du zéro absolu, qui ne tisse que des liens pervers avec ses élèves. Il dirige son big band comme une compagnie de parachutistes et leur beugle dessus au grès d'un montage aussi militaire et impitoyable que ses méthodes. La moindre fausse note peut vous valoir de vous prendre une chaise dans le coin de la truffe. Tout ça parce qu'il n'a qu'un rêve fou: devenir l'homme qui révélera au monde celui qui sera assez persévérant et mentalement fort pour devenir le prochain Charlie Parker, quitte pour cela à dégoûter mille autres jeunes musiciens.
A l'opposé, l'on trouve Andrew, son élève, tour à tour son protégé ou sa poupée vaudou, c'est selon. Andrew encaisse (presque) toutes les vexations tout le long, il s'écrase, éclate de rage contre sa batterie, mais lui non plus n'est pas un saint: il est arrogant, ambitieux à l'extrême et égoïste au point d'en sacrifier sa relation amoureuse ou de se fâcher avec ses frères... et d'en venir aux mains avec son propre professeur.
Rarement un film aura fait ressentir la musique de manière aussi physique et palpable. Au point que je suis sûr qu'un sourd prendrait tout autant son pied devant ce film. Ce film, c'est la promesse de Churchill à la veille de la bataille d'Angleterre : gros plans constants sur les cymbales qui se couvrent de flaques de sueur, sur les nuages de copeaux de bois des baguettes, les peaux de toms qui éclatent, les batteurs qui en chialent d'épuisement et leurs mains poussées à bout qui éclaboussent des giclasses de sang sur la caisse claire, c'est ultra viscéral.
Entre explosions de colère, le film est aussi parsemé de belles scènes contemplatives et intimistes, avec mine de rien un grand sens du silence. Le tout baignant dans une photographie volcanique, comme prête à détonner dans la violence à tout moment.
Pour la petite aparté il est étonnant de savoir que le jeune réalisateur de Whiplash, Damien Chazelle, deviendra celui de... La La Land. Bien que n'ayant pas vu ce dernier, m'est avis que, sachant que la thématique y est la même (un duo impossible sur fond d'univers jazz), La La Land doit être un peu plus complexe et trash que la simple comédie musicale sucrée et naïve que tout le monde a cru voir...
Bref. Conçu de main de maître, ce film c'est la grande classe.
https://youtu.be/l9VViSscQvA