Whiplash. Film sur l'égoïsme. L'humiliation. L'obsession. Comme sur une batterie, il faut frapper, assener, jusqu'au sang, pour que ça rentre. Faut-il souffrir comme un martyr pour élever son art jusqu'au sommet ? C'est la question à laquelle tente de répondre Damien Chazelle.
D'un côté, Andrew, jeune batteur obsédé par la batterie, son niveau d'excellence et une reconnaissance sociale et familiale. Il est prêt à tout sacrifier ( famille, petite amie, santé) pour arriver au sommet. De l'autre. Fletcher. Professeur tyrannique, vulgaire, violent, obsédé par la note juste et le tempo parfait. Sa vie est vouée à la découverte de musiciens de génies, comme Charlie « Bird » Parker.
Comme un coup de masse sur une cymbale crash, leur relation est douloureuse, ambigüe, violente. Fletcher malmène Andrew, son instrument, pour le modeler à son envie. Andrew, une batterie, il faut taper dessus pour que ça sonne, que ça résonne. La peau est dure, le son est mat. A force d'acharnement, la caisse s'éclaire...
Charleston, les cymbales jumelles, à l'opposée sur leur pieds. Fletcher et Andrew, deux faces opposées d'un même art. Le vrai couple. La pauvre Mélissa Benoist, simple figurante aux yeux sublimes, raccourci scénaristique pour appuyer sur l'obsession d'Andrew. La musique ? Non. L'orgueil, plus fort que l'amour. Car Andrew, comme Fletcher, sont des monstres d'orgueil.
Cymbale ride, fluide, rythmique, comme cette narration et cette mise en scène maitrisées. Même les allergiques au jazz se délecteront de ce montage hypnotique. Le tempo est parfait M. Fletcher.
Grosse caisse, pleine de vide, sa basse traverse ma carcasse. Message nauséabond. L'humiliation qui engendre la vexation et fait réagir l'orgueil, seul capable de stimuler le travail. L'anecdote sur Charlie Parker a beau être véridique elle n'en ai pas moins tronquée. En effet qu'en est-il des autres ? Coltrane, Davis, Armstrong, Jaret, Monk, Baker... Des génies. Ont-ils tous été humiliés ? N'existe-il pas d'autres voies pour la perfection et l'inspiration que l'affront et la diminution ? Damien Chazelle a choisi. Moi aussi.