Le Festin de Babel
Il faut commencer par chercher, longuement, à s’astreindre à un esprit de synthèse face au continent Winter Sleep. 3h16 de dialogues, la plupart en intérieurs nuit, ou lactés d’une lumière blafarde...
le 24 août 2014
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Je ne peux pas dire le contraire, Winter Sleep est un film magnifique non seulement de part son esthétique mais surtout grâce à ses personnages attachants et misérables. A vrai dire, j'ai eu l'impression de retrouver l'univers d'un Dostoievski, d'un Andréï Makine ou d'un Gogol à l'écran avec tout ce que ça comporte de complexité, de grandeur et parfois de lassitude.
J'ai été complètement absorbée par l'esprit égocentrique et manipulateur de cet écrivain orgueilleux ployé par la vieillesse et ses vices , attendrie par l'idéalisme de sa femme qui en fait est fondé sur l'ennui et la vacuité, cet imam qui aurait pu être utopiste, impliqué pour sa communauté mais qui croule sous les dettes et la bêtise de sa famille ce qui le rend veule et impuissant. On dirait tellement des personnages sortis tout droit des Possédés ! Quel plaisir de retrouver cette façon de penser et d'inventer aujourd'hui tandis que la plupart des oeuvres visent le rentable et l'efficacité ! En cela, ce film est un magnifique hommage.
En plus, sur bien des points, les dialogues sont stimulants et m'ont tantôt émue, passionnée ou bouleversée .
Pour autant, je suis quand même un peu "déçue" par ce film. Non pas pour le film en lui même, mais parce que je pense qu'il révèle les limites du 7ème art. Tout va trop vite et paradoxalement, tout est trop lent. On s'ennuie par instants, ou alors, on s'étonne de la rapidité des prises de conscience ou du changement des personnages, enfin du dénouement. Cette histoire aurait mérité d'être un livre pour gagner en espace et en relief afin de devenir un chef-d'oeuvre.
Sous la plume des auteurs russes cités plus haut, je pense que l'esprit des personnage aurait été plus étoffée et aurait ainsi mené une réflexion plus profonde et plus intelligente. En version film, il y a trop de choses et pas assez en même temps, pour que le spectateur puisse profiter véritablement de sa portée. Je songe en effet par exemple aux Possédés que j'avais lu avec beaucoup d'admiration. Dans ce livre, lourd de sens, il est parfois profitable de s'arrêter un peu pour réfléchir à ce qui a été dit ou ce qui a été fait. Ce sont ces moments de "pause" qui permettent à l'histoire de s'imprégner en nous. La lenteur est donc au profit de la force ! Pour autant ici, on ne peut pas faire vraiment de pause car le film continue de tourner. En plus, avec ce temps que l'on a dans le roman, les enjeux de certaines scènes auraient gagné en souplesse et en pertinence qui aurait permis d'avoir une dimension plus dramatique.
Avec l'image, on subit trop le flot d'informations et finalement, on se perd dans une impression de grandeur plutôt que dans une construction. Vous voyez ce que je veux dire? On sent qu'il y a des choses à voir, à penser, mais le rendu est flou parce qu'on a pas eu le temps de savourer. Par conséquent, même si je suis heureuse d'avoir un peu retrouvé mon amour pour "l'esprit russe" même de façon indirecte, ce film m'a fait me rendre compte qu'une telle densité ou un tel "univers" ne pouvait pas convenir à l'écran...ou bien que le réalisateur n'avait pas su tout à fait s'y prendre.
Je salue cependant la tentative et félicite le film car durant certaines scènes, je trouve que l'objectif est atteint.
Créée
le 12 janv. 2016
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