Alien: Isolation
7.4
Alien: Isolation

Jeu de Creative Assembly et Sega (2014PlayStation 4)

Comme nombre de franchises prestigieuses du monde du cinéma, l’univers initié par Ridley Scott a connu son lot d’adaptations ayant surtout mis en avant l’approche guerrière choisie par James Cameron dès le second opus, et qui reste ancrée dans l’inconscient collectif comme la seule et unique conception de la saga dédiée au(x) xénomorphe(s). Flanqué d’un pédigrée qui ne rendait pas le rapprochement évident, le studio The Creative Assembly, en charge de ce nouvel opus, propose une formule qui tranche radicalement avec tout ce qui avait pu être fait précédemment sur la licence, en renouant avec l’ambiance et les partis pris du film originel. Un pari audacieux certes, mais réussi ?


Il faut dire qu’après un piteux Colonial Marines qui avait réussi à rappeler à quel point les adaptations d’univers cinématographiques en jeux vidéo peuvent se faire dans la souffrance, les développeurs ne pouvaient que difficilement faire pire que leurs prédécesseurs.
Et plutôt que de choisir un parti pris identique à tout ce qui a pu être fait précédemment, ils choisissent finalement de faire exactement l’inverse. Ainsi, à l’escouade maintenant habituelle de bidasses surentraînés et portés sur les gros mots, se substituera un protagoniste sans réelles compétences guerrières (bien que pas manchot avec une pétoire), et à la horde d’Aliens belliqueux aussi fragiles que de la porcelaine se substituera un unique prédateur, aussi imprévisible que mortel pour votre santé. Le jeu nous place donc dans la peau d’Amanda Ripley, fille de, qui, obsédée par la disparition de sa mère suite aux évènements d’Alien premier du nom, cherche à faire toute la lumière sur ces funestes évènements. Ses pérégrinations vont par conséquent la conduire sur la station Sebastopol, à l’intérieur de laquelle elle va devoir survivre tant bien que mal.


FPS (first person survival)


Le jeu se présente comme ce que l’on pourrait qualifier de survival à la première personne. Ici, pas question de défourailler tout ce qui bouge, en ramassant sur le chemin les prochaines bastos auxquelles gouteront les malheureux mécréants ayant le malheur de se trouver sur votre chemin. Le jeu fait le choix d’une héroïne relativement fragile face à un ennemi principal invincible, avec lequel il va falloir habilement composer. En effet, tout le principe d’Alien Isolation tourne autour du fait d’évoluer dans la station tout en prenant soin de ne jamais se confronter directement au Xénomorphe, sous peine de mort presque certaine. Déblocages d’accès, remises en route de dispositif, récupérations de matériel, les objectifs sont, avouons le, assez peu originaux et variés, et se présenteront surtout comme des prétextes afin d’explorer la station de fond en comble. Pour autant, même si la progression sera partiellement guidée (on n’est pas dans le schéma d’un Resident Evil qui nous laissait un terrain de jeu pouvant être exploré comme on l’entend), le jeu offre son quota d’exploration, avec moultes portes et accès qui pourront être ultérieurement débloqués dès lors que vous aurez récupéré l’outil approprié. Les retours dans des lieux déjà traversés ne seront donc pas rares, ainsi que la nécessité de consulter votre carte pour déterminer le meilleur chemin à emprunter pour atteindre votre objectif, de nombreuses zones de la station étant tout de même relativement vastes malgré le coté fatalement « couloirisé » des lieux, station spatiale oblige. Cependant, de manière générale, on aura rarement l’impression d’être sur un fil sans aucune possibilité d’en dévier.
Pour vous aider dans votre progression, deux choses : les nombreuses cachettes, et les gadgets et armes mis à votre disposition.


Les premières, à base de casiers, brancards (dessous de brancards plus exactement), et conduits d’aération deviendront très vite votre meilleure chance d’échapper au prédateur même s’il faudra tout de même ne pas trop s’éterniser sous peine de voir le jeu de cache-cache prendre une tournure dramatique. En effet, si le fait de vous retrouver dans le champ de vision de l’Alien mettra rapidement un terme à votre partie, le bruit constituera également un bon indicateur pour lui comme pour vous d’une présence toute proche, et d’un potentiel casse-croute. Il ne sera ainsi pas rare de devoir retenir votre respiration au moyen d’une action contextuelle lorsque votre ami passera tout près de votre casier et tentera de vous débusquer en jaugeant de la proximité de votre position. De la même façon, attention à ne pas abuser des conduits d’aération qui présentent certes des abris de choix, mais aussi des caisses de résonance à même de vous faire facilement détecter lors de vos déplacements.
Dans la logique de l’approche subtile favorisée par le jeu, Amanda aura également l’occasion, au moyen d’un système de craft relativement simple, de fabriquer toute une gamme d’objets lui permettant de se sortir de situations parfois délicates. Fumigènes, émetteurs de son, bombes explosives ou IEM, l’arsenal se montrera suffisamment varié pour diversifier les approches et même permettre d’éliminer plusieurs menaces en même temps. En effet, l’Alien n’étant pas le seul ennemi sur la station, il sera tout à fait possible de se servir de ce dernier à votre avantage en l’attirant à un endroit précis pour le laisser se charger d’éliminer d’autres menaces à votre place, histoire de faire d’une pierre deux coups.


Par ailleurs, le jeu mettra également à votre disposition un certain nombre d’armes tout au long de votre progression. Pour autant, attention à ne pas s’emballer. La majorité de ces armes seront inutiles face à l’Alien, et seule l’une d’entre elles aura pour effet de le faire battre en retraite brièvement, avec le risque plus que probable de le voir revenir très vite à toute berzingue. C’est donc surtout face aux autres ennemis qu’elles pourront se révéler utiles malgré leur puissance toute relative face à certains, pour lesquels il faudra facilement six balles de revolver pour en venir à bout, et à la condition de bien viser. Tireurs d’élite du dimanche s’abstenir, au risque de trépasser. Une fois de plus.


COMME UN PARFUM OLD SCHOOL


C’est là l’une des premières caractéristiques du soft, et qui fera hurler de frustration les obsédés du check-point et de la progression fluide : on meurt souvent dans Alien Isolation, avec pour conséquence la plupart du temps de revenir au dernier point de sauvegarde. La plupart du temps, car le jeu, aussi avare soit-il sur ce point, proposera tout de même de temps à autre un check-point, notamment à la fin d’une séquence clef marquant une étape et le passage à une nouvelle zone. Mais en dehors de ces moments spécifiques, on se rend compte que les développeurs ont fait le choix, au risque de frustrer une partie des joueurs, d’une approche finalement très old school, qui nécessite de souvent se retaper la même séquence à cause d’une progression un peu trop hâtive, ou d’une I.A. par moment un peu imprévisible.
Il y a néanmoins une vraie logique et justification dans ce choix de design. D’une, les points de sauvegarde sont généralement bien placés et suffisamment nombreux pour que l’on ai jamais eu l’impression de devoir faire un chemin déraisonnable pour atteindre le suivant. De deux, c’est ce choix à l’ancienne qui permet d’instaurer une vraie tension lors de nos parties de cache-cache avec le xénomorphe. En effet, comment ressentir le moindre stress si le jeu nous donne la possibilité d’effectuer une sauvegarde rapide toutes les minutes ? Par conséquent, l’absence de sauvegarde automatique se présente comme une vraie tension supplémentaire, ravivant presque les émotions et la peur de mourir que l’on pouvait ressentir dans les bons vieux survival horror des années 90. Malheureusement, cette progression qui se fait par moment par l’échec, met aussi en exergue les limites intrinsèques du jeu et du pari de The Creative Assembly.


LE REVERS DE LA MEDAILLE


Une vingtaine d’heures pour terminer le jeu lors d’une première partie. Pour un jeu du genre, c’est très bon, si ce n’est que cette durée de vie généreuse met quelques peu à mal les bonnes intentions des développeurs et de leur idée phare. Le problème fondamental d’Alien Isolation, c’est que la plus grande force du jeu se révèle aussi être sa plus grande faiblesse, et ce, à cause d’un manque d’inventivité au delà du concept de base, qui peine finalement à se renouveler tout au long de la progression.
Le jeu de cache-cache n’étant pas particulièrement varié et se résumant finalement à peu de choses (tout a été résumé plus haut) tout au long du chemin de croix d’Amanda, le jeu se montre très vite redondant, cette redondance étant accentuée par le coté die and retry du titre. Il est en effet difficile de ne pas éprouver une certaine lassitude lorsque, pour la énième fois, vous être forcé d’attendre dans un casier que le xénomorphe fasse son aller-retour réglementaire devant vous, avant de s’engouffrer dans un conduit et de revenir une fois sur deux quelques secondes plus tard, vous obligeant fréquemment à attendre parfois plusieurs minutes sans rien pouvoir faire d’autre. Ceci ajouté aux passages du jeu qui sont de temps à autre artificiellement rallongés en nous faisant tomber sur la tête une tuile imprévue, nous obligeant à faire un détour supplémentaire surprise afin d’atteindre notre objectif. Les ficelles sont parfois un peu grosses, et rallongent une durée de vie qui aurait finalement peut-être gagnée à être un peu plus resserrée, pour dynamiser le rythme global. Pour autant, le jeu dispose de deux arguments de poids permettant de mieux faire passer la pilule.


PORT DU CASQUE OBLIGATOIRE


Je ne sais si les développeurs de Creative Assembly sont juste particulièrement zélés dans leur travail ou s’il s’agit d’amoureux de la franchise. Une chose en tout cas est sûre, ils peuvent se vanter d’avoir créé le jeu Alien le plus proche de ce que l’on pouvait espérer d’une adaptation de la franchise. Parler même de simulation du premier film de Ridley Scott ne serait pas saugrenue, tant le soin apporté en matière de respect du mythe fondateur est impressionnant.
Qu’il s’agisse de la direction artistique, qui reprend le style rétro futuriste d’Alien premier du nom, de l’ambiance sonore, qui restitue tous les petits bruits(carlingue, Alien ou vous-même se faufilant dans les conduits) imaginables dans ce genre de structure, et qui rendent presque obligatoire de jouer avec un casque digne de ce nom, ou encore les musiques, elles aussi directement reprise de la partition de howard Shore, absolument tout est pensé, y compris les clins d’œil plus ou moins appuyés (avec séquences purement fan-service en prime), pour l’immersion totale dans l’univers, et dans le même temps caresser le fan dans le sens du poil.
Combinés, tous ces éléments donnent une ambiance qu’il m'avait rarement été donné de vivre dans un jeu vidéo, et qui contribuent grandement au plaisir que vous aurez ou non à parcourir les couloirs de Sebastopol. Il sera en effet indéniable que le plaisir de jeu sera décuplé par votre amour plus ou moins prononcé pour l’univers du Xénomorphe.


L’archétype du bon jeu fan-service, mais avec en sus un vrai fond derrière.


Qu’on se le dise, The Creative Assembly a tout simplement accouché d'un des meilleurs jeu Alien sorti à ce jour. On ne peut en effet que se montrer admiratif devant le travail abattu par le studio, qui a su se montrer extrêmement respectueux du matériau de base tout en s’éloignant des sentiers battus à travers un concept audacieux mais casse gueule. Malheureusement, ce tableau est effectivement quelque peu noirci par une exploitation à moitié réussie d’une bonne idée de base, qui a pour effet de rapidement montrer les limites sur la longueur d’une aventure et d’un concept redondant qui peinent cruellement à se renouveler à terme. Une redondance toutefois en partie atténuée par une ambiance du feu de dieu, et le plaisir à explorer cette station d’où la mort peut provenir à tout moment. De quoi espérer un second rejeton de la reine, qui saura corriger toutes les imperfections du premier né. Chapeau bas messieurs les développeurs.

Termina2501
7
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le 15 mars 2017

Critique lue 180 fois

Termina2501

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