Rien dans le ventre, tout dans la tête
C'est à peu près comme ça que je résumerais l'impression constante qui m'a accompagnée tout au long du jeu.
En commençant par les points faibles (le plus facile car sautant aux yeux, et souvent décriés par les joueurs) : la répétitivité de l'action. En gros, Assassin(s Creed est divisé entre 4 styles de jeu :
-dialogues (pseudo-intéractifs, car on conserve la possiblité de bouger son personnage - ce qui ne sert à rien ; par ailleurs une action contextuelle nous permet de changer la position de la caméra dans un angle qui nous place plus au coeur de l'action, ce qui est sympathique mais sans plus) ;
-plate-forme : et encore, je reste gentil sur le sens du terme plate-forme. Oui, il s'agit bien de sauter d'une surface à l'autre et d'escalader des parfois ; mais tout est automatisé. On appuie sur deux boutons, on bouge le stick, et Altaïr se mouvoie automatiquement. Si c'est bien sympa de se sentir aussi agile et aussi libre, c'est aussi extrêmement redondant, surtout quand il s'agit de couvrir des kilomètres et des kilomètres de cette façon. On appréciera la grâce et l'agilité d'Altaïr ; en revanche, on peut scotcher les deux boutons, avancer le stick d'une main, et utiliser son autre main pour faire des trucs plus intéressants (comme manger des bretzels. Mais pas trop non plus, c'est très salé.)
-combat : le système de combat, la variété des armes et la possibilité de contre-attaquer pour tuer un ennemi instantanément sont globalement bien foutus. On reprochera en revanche aux gardes de se ramener à 10 contre un, de nous encercler, mais de ne pas bouger et d'attendre gentiment de se faire laminer (d'autant que techniquement, même s'ils attaquaient tous en même temps, le système de contre est assez réactif pour pouvoir s'en sortir. Dommage qu'en face ils ne s'agisse que de pantins qui brandissent une épée sans l'utiliser.)
-exploration des rues. Les villes sont vastes et bien réalisées, mais les missions restent les mêmes, qu'il s'agisse de suivre discrètement un indicateur pour le passer à tabac, épier une conversation à distance ou dérober un objet à un PNJ distrait.
C'est à peu près tout. Un découpage rythmé du jeu aurait pu jongler entre les différents gameplays de manière à éviter une quelconque redondance - malgré tout, chaque "chapitre" du jeu est exactement découpé de la même façon : lorsqu'on arrive dans une ville, on grimpe en haut d'une tour pour observer les alentours et repérer les quêtes disponibles ; ces quêtes se manifestent sous la forme de récolte d'information (passage à tabac / espionnage / pickpocket) ; une fois les informations réunies, on passe à la phase "assassinat", qui comme son nom l'indique nous met sur la piste d'un PNJ à dézinguer. Celui-ci mort, on doit fuir les gardes et rentrer à l'abri et... c'est reparti pour la ville suivante.
N'oublions pas également intelligence artificielle chaotique : tout le monde aura ri de la vidéo du Joueur du Grenier, dans laquelle l'assassin sème ses poursuivants en s'essayant sur un banc (provoquant un trouble dans l'esprit du garde, qui ne le reconnait plus parce que "C'est pas lui, il est assis.") Sauf qu'en jouant au jeu, on s'aperçoit que c'est à peine exagéré. L'IA est réellement mal fichue. Ça aurait pu être justifié par la volonté de ne pas rendre le jeu trop réaliste (donc trop difficile), mais cet argument est invalidé par des réactions complètement imprévisibles de l'IA. Ainsi, on n'est pas inquiété quand on tabasse un badaud en pleine rue ; en revanche, le simple fait de marcher devant certains gardes sans s'être mis en position "furtif" (qui est exactement la même que la marche, sauf qu'Altaïr baisse la tête pour se faire passer pour un moine) peut déclencher les hostilités. On assiste ainsi à des tas de situations toutes plus absurdes que les autres tout au long du jeu, ce qui fait parfois rire, ou parfois ciller.
Si je m'en tenais là, ma note n'aurait pas dépassé 3 ; en effet pour l'aspect technique du jeu, les villes sont bien modélisées mais trop fades car sans couleur, les animations vont du "très bon" au "ridicule" (il n'y a qu'à voir l'animation "Sprint" d'Altaïr, qui le fait courir comme un dératé), les musiques n'ont rien d'exceptionnels, et les voix sont pénibles (la VF est globalement correcte, mais ce qui reste saoulant sont les commentaires complètement idiots que font les PNJ surpris de voir Altaïr grimper sur les murs : "Oh, il va se blesser !", "Mais que fait-il, celui-là ?", "Ces enfantillages ne sont plus de son âge", etc. Gavant.)
Alors pourquoi 6 ? C'est simple, pour moi tout l'intérêt du jeu réside dans le scénario. Non content de nous proposer une banale histoire d'assassins, le jeu se focalise (pour faire bref) sur des scientifiques utilisant une machine dénommée l'Animus, qui permet de décoder la mémoire génétique de chaque être humain, pour ainsi visualiser le vécu de ses ancêtres. Le concept de "mémoire génétique" est extrapolé, amplifié et déformé, mais j'adhère à 100%. Le jeu est ainsi rythmé entre les phases dans le passé, où Altaïr évolue, et celle dans le présent, où son descendant est retenu en otage par ces mêmes scientifiques qui le forcent à utiliser l'Animus. Dans le fond comme dans la forme, c'est une excellente idée, qui laisse augurer de brillantes possibilités pour la suite.
Dommage que le scénario semble amputé de sa fin et que le générique saute aux yeux du joueur pile au moment où les explications auraient du tomber (les mauvaises langues y verront une technique commerciale pour inciter à acheter le 2è épisode.)
En bref : un jeu très moyen, sauvé par son scénario original. En espérant que ses suites (que je n'ai pas testées) auront su corriger ces défauts.