Le milieu des années 2000 a été marqué par l'émergence d'un certain nombre de RPG sur la GameCube ayant reçu des réceptions extrêmement positives de la part de la critique. Parmi ces jeux, Baten Kaitos a connu un destin plutôt frustrant. Malgré des critiques réjouissantes et enthousiastes, le RPG de Monolith Soft n'a pas su réaliser des ventes satisfaisantes, si bien que sa suite (ou plutôt sa préquelle) intitulée Baten Kaitos Origins ne verra pas le jour en Europe.
Est-ce réellement une injustice ? Ou est-ce un destin mérité ?
Déployez vos ailes et envolons nous vers les îles célestes !


Ô grand Océan...


L'histoire nous propose de suivre les aventures de Kalas, plus précisément dans la peau de son Ange Gardien, un être venu d'un monde et d'une époque lointaine capable de se lier à certaines personnes et ayant choisi de se lier à Kalas. Le jeu commence alors que l'on voit Kalas reprendre connaissance chez Larikush, docteur du village de Celebrai à Sadal Suud. On s'aperçoit que l'Ange Gardien (donc vous) n'a plus aucun souvenir des événements ayant précédé l'arrivée de Kalas au village, alors que la mémoire de ce dernier semble intacte. Peu de temps après, ignorant les avertissements du maire du village, Kalas décide de se rendre dans la forêt de Fourbelune, considérée comme maudite par ses habitants, afin d'y suivre Xelha, une jeune fille qu'il a rencontré plus tôt. Après un combat contre un monstre ayant coûté la vie des deux gardes du corps de Xelha, cette dernière explique à Kalas qu'elle recherche les Magnus Ultimes renfermant le dieu maléfique Malpercio, qui fut emprisonné dans ces objets mille ans plus tôt à la suite d'une bataille féroce contre les Hommes les ayant contraint à quitter la Terre devenue irrespirable pour élever certaines de ses nations dans le ciel. Xelha explique également que l'empereur de la nation d'Alfard, Geldoblame, souhaite libérer le pouvoir de ce dieu et s'en approprier, et qu'il est donc important de retrouver les Magnus Ultimes avant lui. Pourtant peu emballé par l'idée d'affronter les forces impériales, Kalas décide de secourir Xelha enlevée peu de temps après par l'empire, en pensant que cela est peut-être l'occasion de se venger de Giacomo, soldat impérial responsable de la mort de son grand-père et de son frère.


Vous l'aurez peut-être constaté, la quête proposée par Baten Kaitos semble loin d'être originale, tant les histoires sur la résurrection d'un mal ancien et terrible ont fait l'essence d'un (trop?) grand nombre de RPG. D'autant plus que l'impression de déjà vu est renforcée par des personnages reprenant des stéréotypes bien connus du genre (Gibari et sa relative bonhomie, l'air généralement ingénu de Xelha...). Pourtant, ce sentiment surtout présent dans les premières heures du jeu doit être largement nuancé. Au fur et à mesure de la progression de l'histoire, on a l'occasion d'en apprendre plus sur l'univers du jeu et les motivations profondes de chaque protagoniste qui ne sont pas aussi simples qu'on pourrait le penser. Le scénario fait également preuve de rebondissements réellement efficaces qui donnent de l'intérêt à l'histoire contée par Baten Kaitos, même si certaines questions restent sans réponses à la fin du jeu. Mais le gros point fort du récit réside sans doute dans la relation entre l'Ange Gardien et les personnages du jeu. Les sollicitations des protagonistes pour nous demander notre avis durant le jeu fissurent déjà un 4ème mur qui est réellement explosé à la fin du jeu. Sans spoiler, on pourra dire que la conclusion du récit nous fait prendre conscience que le jeu discutait avec le joueur, l'avait embarqué pour suivre une aventure fantastique à ses côtés, si bien que le moment des adieux s'avère difficile à encaisser. A sa manière, le jeu réussit avec brio à nous impliquer dans son univers.


...guide nous vers des contrées magnifiques...


L'île de Sadal Suud n'est pas la seule que vous arpenterez durant vos aventures, puisque vous serez amenés à visiter quatre autres îles célestes ainsi que d'autres endroits d'abord cachés à première vue. Ce sera l'occasion pour le joueur d'admirer des décors variés aux ambiances réellement différentes qui permettront à la GameCube de montrer son plein potentiel graphique. Si au niveau technique le jeu n'est pas irréprochable, si l'on songe notamment aux animations parfois perfectibles, l'esthétique du jeu est quant à elle sublime. Chaque lieu traversé par les protagonistes présentent des décors soignés et oniriques, dont certains proposent des ambiances rarement vues ailleurs comme c'est le cas pour l'île de Mira alternant des décors féeriques avec d'autres bien plus ésotériques (citons notamment le village animé, le donjon du jardin mystique ou encore le labyrinthe des miroirs) mais tout aussi plaisants à contempler. Il n'est d'ailleurs pas impossible de se surprendre à s'arrêter sur la carte de l'île où l'on se trouve, afin d'admirer le somptueux travail esthétique opéré par l'équipe de Monolith Soft.


Tout ce travail graphique est brillamment illustré par la musique du jeu composée par Motoi Sakuraba, connu notamment pour son travail sur Golden Sun ou plus récemment sur la série des Dark Souls. On sent que l'artiste a su s'imprégner de l'univers du jeu pour composer des pistes renforçant l'immersion dans l'univers de Baten Kaitos. Alternant entre des thèmes épiques, lyriques, sombres, l'OST du jeu est un quasi sans faute tant les mélodies collent parfaitement aux différents lieux visités dans le titre de Monolith Soft.
Cependant, le gros point noir de la bande-son réside dans le doublage des personnages. Sans être totalement catastrophique au point d'entrer dans le panthéon des jeux mal doublés, il est parfois curieusement détaché de toute émotion, donnant l'impression d'être totalement neutre ou à côté de la plaque alors que l'on pourrait légitimement s'attendre à plus d'implication émotionnelle de la part des protagonistes. Si cela se remarque surtout pour les personnages secondaires, certains passages impliquant des rôles principaux souffrent malheureusement de ce même problème. Dommage de constater un tel décalage entre une musique fabuleuse et un doublage plus que moyen. Il vous est néanmoins possible de désactiver les voix si cela vous tracasse, mais l'ajout des voix originales aurait pu être appréciable pour se rendre compte si cette impression est ou non due au doublage anglais.


...au gameplay si particulier...


Mais la principale curiosité de Baten Kaitos réside indéniablement dans son gameplay qui est pour le coup véritablement original. Là où une bonne partie des combats dans les J-RPG proposent de choisir librement l'action qu'on souhaite réaliser pour un personnage, Monolith Soft prend le contre-pied de ce principe pourtant solidement ancré dans le genre. Ici, pas de menu contextuel avec les différentes actions possibles, pas de touches à marteler pour taper des ennemis, mais... des cartes. Oui, vous avez bien lu.


Les personnages du jeu se battent en effet avec des Magnus, des cartes permettant de stocker n'importe quel objet ou même magie et de le ressortir comme bon lui semble. Ainsi en prévision des combats, il faudra composer des decks de cartes qui permettront de réaliser certaines actions spécifiques.
L'organisation des combats se fait par l'alternance de phases offensives et défensives. Durant les phases offensives, vous pouvez agir en utilisant les Magnus de soin et d'attaque pour infliger des dégâts à vos ennemis et soigner vos alliés, et durant les phases défensives les Magnus de défense et de soin afin de vous protéger des attaques de vos ennemis. En plus de cela, il vous faudra composer avec certaines règles importantes régissant les combats, notamment en ce qui concerne le nombre d'actions possibles par tour, la nécessité de jongler habilement entre les Magnus élémentaires pour éviter que leurs effets s'annulent (par exemple, si vous attaquez avec une arme de feu et une arme d'eau, le jeu opère une soustraction entre les résultats des deux armes, ce qui rend l'attaque moins efficace, et inversement vous pouvez vous protéger avec une armure de feu pour annuler les attaques de type eau d'un ennemi), la possibilité de faire des paires et des suites avec les nombres indiqués sur les Magnus, le fait que les Magnus peuvent évoluer avec le temps (par exemples les Magus de nourriture peuvent se périmer), etc...
L'originalité du gameplay ne s'arrête pas là, puisque l'unique moyen d'obtenir de l'argent est de prendre des photos de vos ennemis en plein combat avec le Magnus approprié pour ensuite les vendre au magasin. De plus, les niveaux de vos personnages ne montent pas de manière automatique une fois un certain pallier d'expérience atteint car il vous faudra vous rendre dans un temple via certains points de sauvegarde afin de procéder à la montée des niveaux.


L'aspect unique du système de combat de Baten Kaitos impose un certain temps d'adaptation avant de pouvoir être réellement maîtrisé. Il n'est pas rare dans les premières heures de jeu de soigner un ennemi sans le vouloir ! Mais c'est une fois le principe des combats maîtrisé que l'on rend réellement compte de son intérêt et des nombreuses possibilités qu'il offre, d'autant plus qu'il est possible de combiner des Magnus entre eux pour en créer de nouveaux. Le jeu semble néanmoins conscient des difficultés que peuvent engendrer son système de combat, puisqu'il vous laisse le soin de prendre votre temps pour les premiers combats, avant de vous imposer une limite de temps de plus en plus courte dès que vous avez une pioche et une main plus conséquente à votre disposition. L'assimilation du système de combat se fait donc assez facilement si on prend le temps de s'y investir, même s'il demande d'être un minimum concentré sous peine de faire des actions inefficaces. Le seul reproche qu'on peut néanmoins lui faire est qu'il rallonge parfois les combats de façon frustrante dans certains cas où les cartes que vous tirez peuvent s'avérer inutilisables dans la situation où vous vous trouvez.


...et à la durée de vie conséquente.


Comme tout bon RPG qui se respecte, Baten Kaitos affiche une durée de vie plutôt élevée si on la compare avec des jeux de genre différents. Si on le compare avec des jeux du même genre, on s'aperçoit néanmoins que sa durée de vie est plutôt moyenne. Il vous faudra en effet entre 60 et 70 heures pour accomplir la quête principale et les quêtes annexes du soft, ces dernières étant relativement peu nombreuses, surtout qu'il est tout à fait possible de passer à côté de ces quêtes car le cheminement du jeu est le plus souvent linéaire. En réalité, il n'y aura réellement qu'au milieu de l'histoire et après avoir visité tous les lieux du jeu que vous aurez le loisir de vous balader librement afin de vous consacrer pleinement à ces quêtes annexes, et on peut donc reprocher au jeu son déroulement majoritairement linéaire alors que ces quêtes nécessiteront des allers-retours entre les différents lieux du soft, vu qu'il vous faudra assez souvent récupérer un objet dans un lieu bien précis afin de le remettre à une personne se trouvant dans un endroit bien plus éloigné.


Venir à bout de Baten Kaitos ne sera pas une tâche extrêmement ardue, mais pas facile pour autant car certains passages du jeu vous donneront du fil à retordre. Bien évidemment, quelques combats de boss s'avèrent retors, mais la difficulté peut être contournée en faisant quelques séances de leveling et/ou en préparant mieux le deck de ses combattants, surtout que le jeu vous propose de retenter directement le combat après être passé dans les menus pour refaire votre deck. S'ajoute à cela quelques énigmes (notamment celles de la tour de Zosma) et des moments dans lesquels il vous faudra bien chercher pour trouver un objet bien particulier pour faire progresser l'histoire, même pour ce dernier point on pourra accuser le jeu de créer artificiellement de la difficulté.
Mais qu'importe, ce que l'on pourra retenir de Baten Kaitos, c'est une aventure qui aura réussi à impliquer et marquer profondément l'auteur de ce test.


Conclusion : Baten Kaitos est un jeu qui sait s'apprécier sur la durée. On prend la pleine mesure de son univers onirique et de son gameplay original au fil des heures passées à y jouer et ce n'est qu'au moment où la partie prend fin que l'on prend conscience de l'expérience unique à laquelle on a pu prendre part. Même si le titre de Monolith Soft comporte des défauts, ils sont rapidement oubliés pour peu que l'on soit pleinement investi dans le récit qu'il propose. Dommage que ce grand jeu n'ait pas trouvé son public.

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le 3 janv. 2017

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