A l’abri dans sa coquille, la perle est l’esclave des courants.

NARRATION
Histoire : ★★★★☆
La planète minière Hillys est la proie d'un conflit qu'elle ne comprend pas : malgré sa modeste importance stratégique, elle est la cible d'une espèce extraterrestre envahissante, les DomZ. Alors que les disparitions se multiplient, le gouvernement a déployé sur la petite planète son unité d'élite, les ultra-militarisées sections Alpha. Au milieu de ce conflit, la jeune reporter Jade et son oncle adoptif Pey'j tentent tant bien que mal de survivre, tout en recueillant les orphelins de la guerre chez eux, au refuge du Phare. Bientôt approchée par le réseau clandestin Iris, lui-même accusé de terrorisme, Jade va rapidement devoir découvrir la vérité sur ce chaos : les sections Alpha sont-ils vraiment les protecteurs du peuple qu'ils prétendent être ? Et quel lien semble-t-il y avoir entre elle, son passé et les mystérieux envahisseurs DomZ ?

Personnages : ★★★★☆
Jade est l'une des premières héroïnes non-sexualisées de l’histoire du jeu-vidéo : indépendante, volontaire et courageuse, tout en gardant aussi le cœur sur la main, elle est parfaitement interprétée par Emma de Caunes en version française. Les personnages secondaires ne sont pas non plus en reste, avec l'attachante brute de décoffrage Pey'j, dont le design est fortement inspiré de Porco Rosso, ainsi que du fidèle et stoïque Double H, aux répliques mémorables (« on ne casse pas le binôme ! »). L'ensemble des dialogues est d'ailleurs de haute qualité, alternant humour et scènes plus émouvantes,

Univers : ★★★★☆
La planète Hillys est un terrain de jeu qui fourmille de recoins atypiques et de personnages originaux : les rhinocéros reggae men du garage Mammago, la boutique asiatique de Ming-Tzu, le fameux Akuda Bar où l'on peut jouer au palet, parier au bonneteau, ou bien écouter les ragots parlant d’un trésor perdu au fin fond d'un volcan... L'univers forme ainsi un tout cohérent et prenant à découvrir, notamment par le biais de la faune extraterrestre hillyenne que l'on peut étudier via son appareil photo ; la nuit venue, il est d'ailleurs possible de diriger son objectif vers le ciel afin d'apprendre le nom des constellations de la voûte céleste.

JEU
Game Design : ★★★☆☆
Alternant phases d'exploration, de combats, d'énigmes et d’infiltration, Beyond Good & Evil propose une variété d'idées très appréciables, à défaut d'être extrêmement originales : courses-poursuites, mini-jeux, puzzles environnementaux, cache-cache en territoire ennemi... L'ajout de l'appareil photo reste toutefois une vraie nouveauté pour l’époque, avec la possibilité d’analyser les animaux, les codes de portes ou certains évènements liés à la trame principale.

Gameplay : ★★★☆☆
Les déplacements de Jade, plutôt sommaires, ainsi que ceux de la caméra, pourraient aujourd'hui gagner en fluidité. Les combats sont toutefois globalement plaisants, même si simplistes, et la conduite de l'hovercraft et du vaisseau spatial Béluga apportent une variété de gameplay fun et bienvenue.

Level Design : ★★★★☆
Avec son monde semi-ouvert et ses quatre niveaux principaux (l'Île Noire, la fabrique, les abattoirs et la lune de Sélène), Beyond Good & Evil propose suffisamment de complexité et de diversité pour être toujours passionnant à parcourir. Tandis que les rivages d’Hillys offrent la liberté de découvrir certaines zones optionnelles, il est souvent nécessaire d'acquérir telle capacité ou de résoudre telle énigme afin de progresser dans l'aventure principale. Un très bon world design dans son ensemble.

PERSONNALITÉ
Direction artistique : ★★★★☆
Même si d'un point de vue technique, le jeu accuse un peu son âge, sa direction artistique colorée reste aujourd’hui encore très appréciable : les paysages d'Hillys rappellent les falaises d'Etretat ou la baie d'Ha Long, tandis que ses intérieurs sont marqués par le steampunk et le space opera, évoquant parfois les technologies de Star Wars. Les designs des personnages et des créatures sont quant à eux teintés de références miyazakiennes (Porco Rosso, Nausicäa de la vallée du vent, le Voyage de Chihiro...).

Ambiance : ★★★★☆
Portée par son sound design et ses musiques d'ambiance, tantôt relaxantes, tantôt plus inquiétantes, l'immersion dans le monde de Beyond Good & Evil est totale. La nostalgie qui se dégage du refuge du Phare, l'ode à la découverte sur les flots d'Hillys, les sonorités stridentes et anxiogènes de la fabrique de nutrilles et des anciens abattoirs... Les ambiances des lieux traversés sont ainsi multiples mais toujours marquantes.

Musiques : ★★★★★
Des musiques magistrales, tant par leur qualité que par leur diversité : les mélodies de Christophe Héral excellent tout aussi bien dans le registre du mélancolique (Home Sweet Home, Hillyan Suite...), de l'épique (Dancing with Domz, Sins of the Father...) que dans des tonalités plus dépaysantes de world music (Akuda House Propaganda, Fun and Mini-games, Funky Bar 100...), offrant au jeu une identité musicale forte et une âme supplémentaire.

Petit chef-d'œuvre du jeu-vidéo français, Beyond Good & Evil a la modestie de narrer une histoire courte mais bien menée, portée par des personnages attachants au sein d'un univers envoûtant. Bien éloignée des standards modernes, aux mondes ouverts gigantesques mais génériques, la planète Hillys transpire ici l'artisanat et le soin du détail, bercée par une ambiance poétique et des musiques grandioses. Même si le gameplay a un peu vieilli, l'aventure vécue y est variée et pleine de surprises : chaque énigme sait se renouveler et les différents niveaux proposent une diversité de situations toujours agréable à parcourir. Un classique longtemps mésestimé, aujourd'hui devenu culte !