"Bioshock Infinite" est la preuve directe que parfois l'argent peut être au service de l'art. Avec un budget de développement estimé à une centaine de millions de dollars (rien que ça), la nouvelle perle de 2K Game est certes un jeu qui a beaucoup fait parler de lui, sans compter sa longue période de création, mais au final, nous en aurons eu pour notre temps et notre argent.
"Bioshock", premier du nom, avait déjà été une claque intersidérale me concernant. Je suis littéralement tombé amoureux de Rapture, pour son ambiance sombre et glaciale, ses secrets, ses menaces. Une expérience de jeu marquante et originale, qui me procure encore de l'émotion à l'écriture de ses lignes.
Après un deuxième épisode efficace mais plus "convenu" et bruyant, Irrational Games, a.k.a 2K Boston / Australia et le maître d'ouvrage Ken Levine, reprennent les manettes de la licence pour nous proposer ce "Bioshock Infinite". Et au lieu de nous replonger dans les profondeurs rapturiennes, les créateurs ne conduisent au septième ciel, au sein de l’impressionnante ville de Colombia.
Nouveau cadre, nouvelle histoire, nouvelle expérience. Et quelle expérience ! Même si nous sommes en terre connue au lancement du jeu, grâce à un mystérieux phare perdu au beau milieu de l'océan, nous nous retrouvons rapidement dans une capsule nous propulsant vers les hauteurs columbiennes.
Et c'est ainsi que les développeurs nous filent notre première claque. Le joueur découvre la ville du Prophète. Ambiance ultra lumineuse, panoramas aériens déstabilisants, intérieurs d'époque classieux et univers religieux explicite. Les premiers détails saisissants sont donnés et le processus réceptif se met en place. Et plus nous avancerons, plus l'univers se chargera en indices, en magie, en questionnements et en événements dramatiques.
Car toute la force de "Bioshock Infinite" est là : son univers. Il est vrai que le système de gameplay n'apporte rien de neuf et on pourrait presque dire que c'est un plat copier-coller des mécaniques de ses aînés (ennemis agressifs, demi-boss très puissants, combo' armes / magie). De fait, seul le plateau change, car Columbia offre des maps plus spacieuses que Rapture et elle met à disposition les fameux rails de déplacement.
Donc, on peut certes qualifier l'action de linéaire, met ce n'est pas le plus important. En réalité, l'action sert l'histoire et motive l'évolution dramaturgique du jeu. Pour le reste, c'est au joueur d'explorer le riche univers proposé, pour en découvrir ses secrets et ses composantes (voxophones, films muets, etc.).
Il est évident que si le joueur se contente d'avancer tête baissée, en enchaînant les couloirs et les phases d'action, il se prive de 70% du jeu (au moins).
Ce qui fait que ce "Bioshock Infinite" sera l'un des jeux-vidéo "référence" de 2013, voir de la dernière décennie, c'est son scénario et son monde symbolique.
Ken Levine nous expose encore une fois son immense talent de créateur, en supervisant ce récit d'une extrême richesse, où se mêlent des univers parallèles, des fêlures mémorielles, le trouble psychologique, les enjeux des guerres dictatoriales et le poids de la religion. C'est maîtrisé, malin, terriblement immersif et bouleversant.
Impossible de commenter ce récit de fou furieux, car cette expérience doit être personnelle et singulière. C'est la force du titre. Mais tout ce que je peux vous dire, c'est que lorsque vous arrivez à la fin d'un jeu-vidéo et que vous vous sentez bouleversé, c'est que vous êtes en face d'une œuvre d'art.
Le jeu est beau, l'univers est détaillé, l'expérience de jeu est unique. A tel point que nous ne voulons plus quitter DeWitt et Elizabeth. Car c'est trop tard, on s'est attaché à eux, à leur condition, à leur passé, à leur pouvoir.
C'est ce qu'on appelle "l' effet d'adhésion", un attachement que les créateurs ont pensé sur la continuité dramatique du jeu. Et c'est une denrée rare de nos jours.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.