"Ramenez la fille et nous effacerons la dette". Tel est l'étrange marché proposé, par un couple non moins étrange, à Booker DeWitt, détective privé accro à la boisson et au jeu (limite un pléonasme), en l'an de grâce 1912.
Après avoir été conduit en barque vers un phare, au large des côtes du Maine, notre héros découvre au sommet un fauteuil (vous savez le genre de fauteuil qui a l'air de vous dire "Hein, que tu aimerais t'assoir sur moi, hein ?!"). Donc, une fois assis dessus, des parois se referment sur lui et, avant qu'il ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrive, Booker se retrouve propulsé dans les airs. Au terme d'une courte ascension, il atterrit dans une cité volante : Columbia !
Après un baptême quelque peu musclé, dans une chapelle remplie d'illuminés, Booker arpente les rues de cette étrange ville, rues que nous découvrons en même temps que lui. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil et on a l'impression de se balader dans Disneyland tant l'endroit est magnifique, coloré, lumineux, propre, trop propre même...
Soyons clairs, Bioshock Infinite n'est pas exempt de défauts : il est assez linéaire, les quelques choix que nous pouvons faire ne changent pas vraiment grand chose à la trame du scénario (j'aurais aimé, par exemple, que l'on puisse choisir entre bosser pour Fink ou soutenir Fitzroy dans sa rébellion) ni au twist final, on ne peut pas visiter la ville de fond en comble (avec une carte à l'appui) et on passe pas mal de temps à défourailler de l'ennemi au flingue, à la mitrailleuse ou au fusil à pompe, ce qui a tendance à devenir un peu monotone.
Et pourtant ce jeu est une véritable petite pépite car, outre le fait que l'on y retrouve quelques éléments des deux précédents opus, comme les Voxophones (Accu-Vox) et les Toniques (Plasmides), ce jeu nous en offre d'autres, qui tranchent agréablement avec les deux premiers Bioshock :
- Booker DeWitt : contrairement à Jack et à Delta, notre détective est un peu plus fourni au niveau personnalité, fait des commentaires croustillants à différents moments de son parcours dans Columbia et on apprend son passé au fur et à mesure du jeu , et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'est pas rose et violet. Pour faire une comparaison, il me fait un peu penser au personnage de Nathan Algren, du film Le Dernier Samouraï.
- L'Aérotram : un peu difficile à prendre en main quand on débute, il devient rapidement fun et utile, surtout durant les combats, quand on le maîtrise bien. On partage le même sentiment de peur et d'excitation quand Booker l'utilise pour la première fois, pour se rendre à Monument Island.
- Columbia : la ville elle-même est un personnage, que l'on prend plaisir à arpenter, à admirer les bâtiments, les publicités, les affiches à la gloire du Prophète, la décoration steam-punk. J'ai tout particulièrement apprécié les chansons des années 70-80 à la sauce 1912.
- Elizabeth ♥ : LE plus gros point fort de ce jeu. J'avais peur d'une "demoiselle en détresse", un peu potiche, que l'on devait se coltiner au long de notre progression et finalement c'est un personnage émouvant et attachant (qui, en outre, sait se rendre sacrément utile durant les combats). Enjouée et primesautière au début, elle devient plus grave et plus sérieuse, perdant petit à petit ses illusions, au fur et à mesure que l'on avance dans le jeu, tout en réussissant néanmoins à garder cette candeur qui la caractérise le mieux. Avec Aerie, de la saga Baldur's Gate, Elizabeth est l'un des rares personnages de jeu vidéo dont je suis tombé amoureux ; j'aurais volontiers répondu à son invitation à danser et balancé quelques blagues croustillantes durant notre périple, histoire de la faire rire un peu et lui faire oublier le tragique de la situation.
- Le twist final : qui donne tout son sens au titre du 3ème épisode de la saga Bioshock. Certains n'ont pas aimé (ou n'ont pas compris), d'autres ont adoré. Inutile de vous préciser que j'appartiens à la dernière catégorie, même si ne suis pas sûr que
noyer Booker au moment de son baptême, après le massacre de Wounded Knee, résolve vraiment le problème puisque s'il meurt à ce moment là, Elizabeth, enfin Anna, ne peut pas naître et du coup, elle ainsi que ses autres versions, ne pourront pas noyer Booker, et ainsi de suite. Sans compter que l'on peut très bien imaginer des versions de Booker ayant accepté le baptême sans pour autant devenir un prophète à moitié illuminé, continuant ainsi à mener une vie normale, plus apaisée ; par ailleurs, un Booker, ayant refusé le baptême, mais ayant toujours son épouse en vie et donc ne plongeant pas dans l'alcool et le jeu, est également envisageable.
Quoi qu'il en soit, Bioshock Infinite est l'un des rares jeux qui m'a donné un étrange sentiment de satisfaction, de nostalgie et de tristesse mêlées une fois que je l'ai achevé. On regrette qu'il n'ait pas été plus abouti sur certains points mais on ne regrette pas d'y avoir joué.