BioShock Infinite
7.5
BioShock Infinite

Jeu de Irrational Games et 2K Games (2013PC)

De tous les blockbusters qui sortent tout au long de l’année, rares sont ceux qui vous attirent, vous attrapent, ne vous lâchent plus et vous font vivre un moment si inoubliable que vous ne voulez plus en sortir. BioShock Infinite en fait partie.


Nous sommes en 1912. A bord d’une barque, accompagné d’un couple un peu atypique qui se demande qui je suis, je me pose également cette question et me dit que je me retrouve encore dans une drôle de galère. «Ramenez la fille et nous effacerons la dette.» Voilà ce que m’ont dit mes patrons. La jeune femme devant moi dans la barque me confie un petit coffre avec des choses qui m’intéressent: une étrange clé, la photo d’Elizabeth, une carte postale de Columbia, un pistolet et un billet pour New-York. Je dois ramener cette fille, ça ne peut pas être bien compliqué pour quelqu’un comme moi. Je suis Booker Dewitt, un détective privé un peu spécial et j’ai des dettes à effacer, alors ce n’est pas ce phare étrange qui va m’effrayer. Une fois débarqué, mes accompagnateurs ne tardent pas à repartir et me voilà seul au pied de cette tour guidant les bateaux, en pleine nuit. Malheureusement, sans trop en dévoiler, je me retrouve contre mon gré envoyé dans les cieux, au dessus des nuages, dans un endroit merveilleusement beau, ensoleillé et surréaliste.


Imaginez Le Château dans le ciel du japonais Hayao Miyazaki mais transposé à l’échelle d’une cité entière. Des immeubles immenses, des quartiers, des jardins sur des îlots flottants dans les cieux reliés par des rails. C’est donc ça, la fameuse cité de Columbia. La cité est aussi vaste, ouverte, colorée et belle que Rapture était sombre, confinée et enfouie dans les fonds marins. Dans un style du début du XXème siècle post-colonial américain, les habitants semblent heureux, les enfants jouent dans les flaques d’eau, tout le monde à l’air serviable et content d’être là. Mais alors qu’on déambule tranquillement en découvrant la ville à chaque coin de rue, un sentiment étrange nous parcours l’échine, comme un frisson. La religion est omniprésente, des statues et portraits de Zachary Comstock ornent les murs de Columbia, et des discours sont diffusés à la radio ou dans la ville, nous rappelant la générosité de son fondateur, un prophète mégalo autoproclamé n’ayant que mépris et dégoût pour la monde en dessous, la Sodome Inférieure.
Au fur et à mesure qu’on découvre et s’enfonce dans Columbia, on constate que tout n’y est pas si rose. La ségrégation raciale fait rage, les noirs n’ont pas le droit de fumer, de boire, vivent à part, ne font que les basses besognes même quand ils font partie de la police, ils n’ont même pas de toilettes publiques et sont humiliés en public, à l’image de cette femme à qui le gagnant de la tombola doit envoyer une balle de baseball, juste pour le plaisir et les rires des blancs autour. C’est pendant cette tombola que tout va se déclencher, Booker va être repéré et désigné comme le faux prophète à cause d’une marque sur sa main droite, représentant les lettres «A.D.» alors que des affiches dénonçant cette marque peuplent Columbia. Sans trop comprendre pourquoi, notre héros va devoir en découdre avec la police locale, plutôt adepte de la force que de la persuasion. Les choses sérieuses commencent enfin.



Vers l'infini et au-delà



Les joueurs qui ont connu les précédents BioShock ne seront pas déboussolés par les séquences de combats et de gunfights. Booker possède un arsenal conséquent, comprenant un pistolet, une mitraillette, un fusil à pompe, un colt, un fusil de précision, un lance-roquettes ou un lance-grenades, autant d’armes qu’il pourra améliorer aux distributeurs prévus à cet effet en échange d’aigles d’argent, la monnaie de BioShock Infinite. La seule contrainte réside dans le fait qu’on ne peut porter que deux armes simultanément, il faudra donc alterner intelligemment et ne pas hésiter à ramasser les armes des ennemis décédés, obligeant ainsi à bouger pendant les combats. Les armes ont un feeling plutôt correct, réagissent bien mais auraient pu être davantage perfectionnées. Mais dans l’ensemble les joutes s’avèrent plutôt rythmées, grâce notamment au crochet magnétique, récupéré sur un policier au début de l’aventure. Ce crochet deviendra le nouveau meilleur ami de Booker, il lui permet des coups au corps à corps mais aussi de déchiqueter ses victimes en maintenant la touche correspondante enfoncée. Le crochet sert aussi à naviguer entre îlots en s’accrochant aux rails de l’Aérotram (ou Sky-Line) pour glisser à vive allure.


Il pourra aussi servir à se suspendre à d’autres gros crochets pour ensuite viser un ennemi et lui tomber dessus en le tuant aussitôt. Avec ce gadget, les combats deviennent rapidement plus intéressants avec cette dimension tactique ajoutée et la possibilité qu’ont les ennemis d’utiliser également les rails d’Aérotram pour débarquer de tous les côtés. Le jeu n’étant pas très dur en Normal, il est recommandé pour un minimum de challenge de le démarrer en Difficile pour rendre les combats plus épiques. De plus, Booker trouvera tout au long de l’aventure de l’équipement, pouvant ainsi se vêtir de la tête aux pieds de modificateurs ayant chacun leurs attributs propres, comme un rechargement plus rapide ou l’invulnérabilité une fois suspendus à la Sky-Line.


Si BioShock avait pour lui ses Plasmides, procurant des pouvoirs spéciaux au héros, BioShock Infinite dispose lui de Toniques, aussi variées que meurtrières. Booker boit une boisson étrange et s’en accapare le pouvoir, qui s’avèrera très utile en combat. Il pourra ainsi user du contrôle mental sur les humains qui se suicideront à cause d’une trop grande culpabilité pour avoir tué leurs collègues ou sur les tourelles mais qui vous tireront dessus à nouveau une fois l’effet de contrôle terminé. Le Pouvoir du Diable permet de lancer des grenades explosives ou poser des mines, de même pour les corbeaux qu’on envoie dévorer les adversaires sans oublier le pouvoir Déferlement, qui n’a rien à voir avec le Cri du même nom dans Skyrim. L’utilisation de Toniques consomme des Cristaux, qui peuvent s’acheter aux distributeurs ou être ramassés par ci par là. La combinaison des Toniques, du crochet magnétique et des armes classiques permet de vivre les combats de manière très intense et ça marche plutôt bien.



Pareil qu'avant, mais en mieux



Les premières heures dans BioShock Infinite nous émerveillent par la découverte de Columbia et ses rails d’Aérotram, mais le jeu prend tout son sens une fois Elizabeth retrouvée. Bien planquée par ses ravisseurs sans que l’on sache pourquoi, Elizabeth va rapidement devenir le point central du jeu. Heureuse d’être libérée, très innocente, la belle ne souhaite que découvrir Columbia et s’amuser. D’une, la belle est charmante comme tout et de deux ce n’est pas un boulet, contrairement à plein d’autres jeux dans lesquels les PNJ qui suivent le joueur ne font que le retarder, quand ils ne se coincent pas contre un mur. On se prend immédiatement d’affection pour Elizabeth, qu’on souhaite protéger à tout prix, qu’on cherche lorsqu’on la perd de vue et dont les interactions sont anecdotiques mais renforcent l’immersion du joueur. Lorsqu’on explore une zone, Elizabeth ne se contente pas d’attendre au début d’une pièce, ne reste pas figée au milieu du passage, elle se pose contre un mur en grelottant, elle cherche aussi, nous montre un endroit à fouiller, trouve des pièces qu’elle nous donne, et en combat, c’est encore mieux. Elizabeth n’a pas besoin d’être couverte ou aidée en combat, peut nous trouver des soins ou des munitions et ses talents cachés si spéciaux nous aident drôlement. La belle peut ouvrir un portail magique, créant une zone dans la zone de combat, qui peut permettre de s’abriter ou de s’y suspendre si un crochet est dedans. Cela ajoute une dimension tactique bien trouvée aux combats. Si l’IA d’Elizabeth nous ravit, ce n’est pas le cas de celle des ennemis, pas bien malins et adeptes du rentre-dedans, généralement éliminés facilement. On retrouve ceux qui foncent à l’arme blanche, les planqués et ceux qui balancent des explosifs. Rien de bien folichon, on retient tout de même la rencontre avec le HandyMan, penchant de Columbia du Big Daddy de Rapture.


Columbia regorge de trésors et s’ouvre partiellement à l’exploration. Ne vous y trompez pas, BioShock Infinite est une aventure linéaire mais faisant évoluer le joueur dans des zones semi-ouvertes attisant la curiosité. Certains bâtiments sont ouverts et cachent la plupart du temps de la nourriture pour restaurer la santé, des fioles de Cristaux, de l’alcool, des munitions et beaucoup d’argent. Il est heureusement possible de désactiver la surbrillance des objets interactifs et la flèche indiquant le chemin à emprunter pour continuer l’aventure. On croisera plusieurs fois Rosalind et Robert, deux personnages curieux mais très drôles. Ceux qui veulent se la jouer touriste et s’imprégner totalement de l’ambiance de Columbia peuvent écouter la radio, les voxophones, regarder des petits films en noir et blanc ou user des jumelles pour admirer la cité. Une exploration partielle, ce qu’on regrette un peu, car Columbia est d’une telle beauté qu’on aurait aimé pouvoir l’arpenter plus librement. Une ambiance qu’on vous disait faussement parfaite, toute cette mascarade de vie idéale cache vous le savez des problèmes de racisme et une énorme propagande pour le Prophète Comstock qui a fait de ses habitants des fidèles aveuglés par la foi de leur maître à penser, le créateur de cette cité au début du siècle. Un background uchronique très fouillé dont les amateurs d’exploration mettront une quinzaine d’heures pour en découvrir le pourquoi du comment, dans un final qui pour une fois ne nous déçoit pas.


Vous l’avez compris, BioShock Infinite est un jeu excellent, parfaitement optimisé, procurant un plaisir intense par ses bonnes idées et la découverte de Columbia, sans oublier le rôle crucial et central d’Elizabeth. Une aventure extraordinaire, une narration quasi parfaite, une vision intelligente pour une aventure prenante de bout en bout. Une réussite complète dont on ne pourrait que regretter de ne pas en avoir plus.

RobinBeaugendre
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Créée

le 16 juin 2016

Critique lue 275 fois

Robin Masters

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