Point final d'un genre

Pour avoir un avis sur Bravely Default il faut avoir un avis sur le genre du J RPG et pour avoir un avis sur le J RPG actuel il vaut mieux ne pas être trop nostalgique. En effet ce sous genre a peu évolué voire stagné depuis son « age d’or » dans les années 90 au grand dam des fans , tandis que son pendant occidental a, lui, sût trouver des formules plus justes sur les 2 dernières générations de consoles. Ce n’est pas à dire qu’il n’existe pas des merveilles, la série des Souls par exemple qui a percé depuis 5 ans a changé la donne, non seulement de l’Action-RPG japonais mais a eu un impact bien au-delà de son propre registre. Mais le problème c’est que quand on fait trop de changements dans un J RPG on finit par ne plus le reconnaître. FFXIII et ses suites s’y sont essayés parfois avec une dose de réussite mais globalement on peine y voir la succession d’un chrono trigger ou d’un FF6. Et finalement c’est presque ça le problème : ce sous genre est tellement marqué, tellement codifié par des séries de jeux prestigieux qu’il devient dur d’innover sans casser.
Alors pourquoi aborder Bravely Default sous cet angle ? D’une part parce que le jeu s’essaie justement à ce pari : offrir le meilleur du jeu d’antan tout en y intégrant des mécaniques « modernes » (enfin disons modernes il y a 10 ans) ; et par ailleurs parce que dans son approche scénaristique le jeu aborde ces problèmes avec une certaine audace que ne renierait pas son titre.

Ce jeu donc, c’est l’histoire ultra classique de 4 héros au grand cœur qui vont parcourir le monde par mer terre et air pour sauver le monde d’un cataclysme vaguement menaçant… Dur de faire plus caricatural.
Et pourtant le jeu développe ce thème avec un certain charme. Les personnages sont des archétypes mais finalement assez intéressants dans leur déclinaison, ce qui renforcé par un character design agréable et changeant en fonction des jobs équipés (voir plus loin) rend l’aventure plaisante. Les paysages sont franchement réussis même si trop peu nombreux au regard du temps de jeu. Les musique manquent d’impact mais le fait que le jeu soit doublé pour bonne partie fait qu’il reste tentant de laisser le son. Les boss adverses sont la plupart franchement réussis souvent drôles et attachants à la fois mais les monstres un peu génériques. Mais surtout le monde est une réussite parce qu’il colle bien à ce qu’on en attend, un monde assez vaste, ou il fait bon se balader avec quelques trésors un peu cachés, une navigation agréable dans les villes ou dans les menus. Le souffle épique est un peu en retrait mais le second degré très présent et souvent assez juste enrobe le tout d’un certain degré de relecture pas désagréable.
Le scénario explore une thématique finalement intéressante à savoir la futilité de sauver le monde alors qu’il y a toujours un autre méchant encore plus fort pour venir le détruire. Dommage qu’il se prenne les pieds dans le tapis sur la fin en martelant son message avec beaucoup trop de force et de répétition pour être agréable tout en finissant sur un anti climax. Caricaturer les poncifs du genre pourquoi pas, mais c’est encore mieux quand on ne finit pas par les commettre soi-même.

Sur le plan du gameplay c’est nettement plus clair : il est bon ! Il est même probablement ce qui se fait de mieux dans ce registre du J RPG « à la FF ». Le jeu part du postulat que même si chaque personnage agit à son tour, on peut « cumuler les tours » afin d’enchaîner jusqu’à 4 actions à la suite. A condition d’avoir assez de « bravely points » tout de même, ces derniers s’obtenant soit en se protégeant (donnant enfin une utilité a la défense ) soit par certaines capacités. Du coup non seulement la dynamique est différente et vous pouvez abattre ces foutus mobs de base en quelques secondes, mais en plus les combos se multiplient et la richesse de jeu avec. Ajouter à ça la possibilité de cumuler des compétences issues de plusieurs classes ou « jobs », et surtout la possibilité de paramétrer le jeu à souhaits. Boss trop facile ? Hop on monte la difficulté. Besoin d’XP ? Augmentez le taux de rencontre aléatoires tout en jouant à vitesse x4 avec combat auto… Jamais un jeu n’aura su rendre le grinding aussi facile … Encore faut-il que le grinding soit réellement utile… On en vient presque à se demander pourquoi on fait tout ça finalement. Si tout peut se régler d’un changement de paramètre, pourquoi même se forcer à grinder ? Pourquoi ne pas directement mettre le jeu sans combat ? Bref en repoussant les codes du genre il montre aussi leurs limites et dans une certaine mesure leur manque de pertinence dans le paysage actuel du JV mondial.

En définitive on se retrouve avec une forme de paradoxe : en poussant le genre dans ses retranchements sans jamais dévier de la formule de base , Bravely Default est à la fois le meilleur de sa catégorie a l’heure actuelle ( dans les jeux récents du moins ) mais aussi probablement l’un des derniers. Il est le point final du genre J RPG type « Final Fantasy » mais sans retrouver la saveur ou la hauteur de ses illustres prédécesseurs. Il prouve aussi peut être que son genre appartient plus au passé qu’à l’avenir.
Ne vous y trompez pas le jeu est très bon et saura plaire à son public mais également aux novices du genre ; il est juste triste de constater que le jeu n’arrive finalement jamais à dépasser le plafond de verre et laissera froid toute personne n’étant pas déjà intéressé par les J RPG. Donc jouez y mais ne vous attendez pas à la révolution (qu’il aurait sans doute fallu).

Points forts:
Système de combat paramétrable
Le principe des Jobs, toujours agréable
Les paysages
La remise en cause du genre

Point faibles :
La fin décevante
Flemmardise et réutilisation trop fréquentes
L’architecture des donjons est bof