NARRATION
Histoire : ★★★☆☆
La cité portuaire de Dunwall, capitale de l’Empire des Îles, connaît dernièrement une crise politique et une épidémie de peste dévastatrice : à peine revenu d’un voyage à la recherche d’un remède, Corvo Attano, le garde du corps de l’Impératrice, vient d’assister impuissant au meurtre de sa protégée et au kidnapping de son héritière. Alors qu’il accompagne la régente dans ses derniers soupirs, l’ensemble de la cour impériale, sous l’impulsion du maître-espion Hiram Burrows, décide de lui faire porter le chapeau et de le condamner à mort ; en réalité le coup d’Etat était orchestré par Burrows lui-même, nouvellement nommé Lord Régent, et qui ambitionne de manipuler la jeune Emily afin de contrôler l’Empire…
Tandis qu’il attend son exécution au bagne de Coldridge, Corvo va vite recevoir l’appui de résistants qui vont l’aider à s’évader, tout en lui proposant de laver son honneur : pour cela, il devra se tailler un chemin jusqu’au Lord Régent et ses sbires, au moyen de sa seule lame, tout en localisant et libérant la petite Emily. Mais à qui profite réellement cet imbroglio d’intrigues et de complots, sur fond d’épidémie de peste incontrôlée ? La ville de Dunwall, corrompue par les rats, mais surtout par ses élites, mérite-t-elle vraiment d’être sauvée ? Et qui est l’Outsider, cette entité omnisciente qui vient visiter Corvo dans ses rêves, lui octroyant par la même occasion des pouvoirs lui permettant de guérir la cité, ou bien de l’achever… ?
Personnages : ★★★☆☆
Pour plus d’immersion, Arkane Studios a fait le choix de ne pas doubler son héros dans ce premier épisode, lui retirant en complexité ce qu’il gagne en mystère. Quant aux personnages secondaires, à l’image du scénario principal, ils restent sympathiques sans être inoubliables. On pourra toutefois se remémorer Emily Kaldwin, l’espiègle héritière du trône, aux dessins illustrant son attachement à Corvo (ou sa répulsion, selon nos choix), Piero et Anton Sokolov, les deux inventeurs de génie qui nous fourniront gadgets et munitions, ou encore Mamie Chiffon, la sorcière un peu folle aux secrets bien cachés.
Univers : ★★★★★
Le lore de Dishonored est un immense point fort de la narration du jeu, en cela qu’il est détaillé et passionnant à découvrir : Dunwall et l’Empire des Îles décrivent un monde steampunk inspiré du Londres victorien, avec un soupçon d’influences lovecraftiennes, où l’huile de baleine a suppléé la vapeur comme moteur d’une révolution industrielle rugissante. Les différents quartiers de la capitale, à l’image du Hound Pits et de ses nombreux résidents, regorgent de notes et de secrets à découvrir, notamment via les énigmatiques chuchotements du Cœur ; ils illustrent chacun à leur façon une facette de la société de Dunwall : une distillerie, un édifice religieux, un manoir, un bordel, un quartier populaire à l’abandon… C’est bien simple, il faudra compter plusieurs runs pour mettre à jour toutes les surprises concoctées par les développeurs ! Ajoutons à cela le mystère entourant l’Outsider et son culte païen, et nous avons ici le parfait cocktail pour un univers mémorable.
JEU
Game Design : ★★★★★
Une merveille de game design, où la liberté du joueur et les possibilités d’expérimentations sont au cœur de l’expérience de jeu. Dans la pure lignée des immersive sim, Dishonored laisse l’embarras du choix pour gérer chaque situation : passer furtivement par les toits, faire brutalement irruption par la porte principale, pirater les systèmes de sécurité, prendre possession d’un rat ou d’un poisson afin de passer par les égouts… Outre ces diverses possibilités d’approche, le jeu propose aussi un système moral impactant le level design et le scénario principal : plus on laissera de victimes dans son sillon, plus la ville grouillera de rats et plus le désespoir s’emparera de ses habitants… A noter aussi la possibilité d’assassiner ou de mettre hors d’état de nuire toutes les cibles du jeu, et ce par l’intermédiaire de missions secondaires propres à chaque niveau.
Gameplay : ★★★★☆
Un gameplay fluide et plaisant à prendre en main, laissant le choix entre l’action et l’infiltration : Corvo peut tirer au pistolet ou à l’arbalète, parer et se battre à l’épée, courir et sauter sur les toits… Il a de plus accès à un éventail de gadgets et de pouvoirs tous plus jouissifs les uns que les autres : on retiendra en particulier le Pli Temporel, qui offre la possibilité de ralentir ou d’arrêter le temps, Possession qui – comme son nom l’indique – permet d’entrer en possession de gardes ou de petits animaux, et bien sûr le Clignement, l’incontournable téléportation-signature de la série.
Level Design : ★★★★★
A l’image de ses mécaniques de jeu, Dishonored brille aussi dans la conception de ses niveaux. Ces mini open-worlds au nombre de neuf fourmillent de zones annexes et de portes dérobées toujours grisantes à emprunter. On notera par exemple le Golden Cat, l’exotique maison de plaisir aux multiples entrées, le Quartier Inondé, au level design plus linéaire mais à l’ambiance sépulcrale, et surtout la Dernière Fête des Boyle, qui nous propose de participer à un bal masqué aux faux airs du Masque de la mort rouge ou d’Eyes Wide Shut.
PERSONNALITÉ
Direction artistique : ★★★★★
Malgré une réalisation technique qui datait déjà à l’époque, Dishonored régale par sa direction artistique résolument steampunk. Les développeurs ne cachent d’ailleurs pas leurs inspirations : de Londres à Edimbourg de l’ère victorienne en passant par les peintures de John Atkinson Grimshaw, Dunwall demeure un festin artistique et visuel de chaque instant, où les intérieurs rococos des quartiers huppés côtoient les ruelles poisseuses et délabrées par la peste. Du grand art.
Ambiance : ★★★★☆
En cohérence avec son contexte d’épidémie, Dishonored dépeint l’atmosphère d’une cité plongée dans la maladie et le désespoir : ses nappes sonores éthérées, ses effets de brume et de lumière, le couinement de ses rats dans les conduits, tout confère à Dunwall son aura crépusculaire. Une ambiance immersive et soignée.
Musiques : ★★★☆☆
Les musiques du regretté Daniel Licht collent très bien à l’ambiance, mais seules quelques-unes restent malheureusement à l’esprit (le thème principal, Wrenhaven River…). A noter toutefois l’excellent Honor for All, la superbe chanson de crédits de fin.
Vainqueur du prix du meilleur jeu d’action/aventure des Game Awards 2012, Dishonored est devenu avec le temps un incontournable du paysage vidéoludique français. Véritable renouveau de l’immersive sim (dont les tentatives suivantes d’Arkane n’auront malheureusement pas connu les mêmes ventes), il excelle dans ses mécaniques de jeu et son level design, laissant toujours le joueur libre dans ses choix. Bénéficiant d’un univers et d’une direction artistique à tomber par terre, le premier opus de cette brillante série aura aussi marqué les joueurs grâce à son excellente rejouabilité, offrant à chaque new game de nouvelles perspectives sur sa passionnante aventure. Bref, un super jeu.