Dishonored
7.6
Dishonored

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2012PlayStation 3)

Je m’attendais tout autant au meilleur qu’au pire de ce Dishonored, sachant que, si l’infiltration est l’un de mes genres de prédilection, c’est tout le contraire du FPS, que je n’ai jamais vraiment beaucoup apprécié (et c’est encore plus vrai depuis que c’est devenu le genre dominant). Mais quand un jeu me fait la promesse de me laisser toute liberté dans ma façon de l’aborder, je ne peux décemment pas ne pas lui laisser sa chance…


Précisons, même si cela semble couler de source avec une intro pareille, que j’ai opté pour une approche en full shadow, la plus logique selon moi quand on joue un personnage comme Corvo Attano, avec sa dégaine de ninja-espion-assassin devant infiltrer des QG ennemis remplis de gardes très nettement en surnombre et de pièges sadiques en tous genres. Et comme j’étais accusé d’un meurtre que je n’avais pas commis, et que le jeu m’en laissait la possibilité, j’ai poussé le vice jusqu’à ne tuer absolument personne, me contentant d’assommer les gardes entravant mes objectifs (qui restent après tout "innocents") et de dénoncer les crimes des responsables de ma déchéance… C’est qu’il ne faudrait pas montrer le mauvais exemple à une certaine future impératrice !


Malheureusement, si le gameplay fait à peu près le job pour convenir à cette approche, le scénario lui, a un peu plus de mal : ainsi, je ne compte même plus les pnj ou écrits relatant mes prétendus exploits sanguinaires…imaginaires ! Le jeu a DÉCIDÉ que j’étais un assassin. Cette véritable dissonance ludo-narrative pose également problème par rapport à certaines intéractions, notamment avec des personnages bien précis, comme les chefs de la rébellion : j’ai beau être un pacifiste dans l’âme, avoir préféré parlementer avec Sokolov plutôt que de le torturer (une décision prise envers et contre tous, soit dit en passant), on sent pendant tout le jeu dans leurs propos une certaine crainte, une certaine défiance à l’égard du stoïque carnassier que je (ne) suis (pas)…quand ce n’est pas de l’hautaineté. Et comme d’hab’, les plus véhéments d’entre eux sont ceux qui ont le plus de casseroles au derche…


Côté gameplay, il y a du bon et du moins bon. La force de ce Dishonored est clairement son level design globalement bien foutu, dans la veine d’un Hitman (auquel il reprend le petit coup d’œil à travers le trou de la serrure des portes), nous offrant une multitude de chemins alternatifs pour atteindre notre cible, des hauteurs jusqu’aux sous-sols, en passant par cette mystérieuse petite lucarne ouverte par un hasard troublant, dans la petite ruelle contiguë… Suivant l’itinéraire choisi, on tombe parfois sur un pnj, une note ou une conversation privée, susceptible de modifier -en bien ou en mal- un plan pourtant posément réfléchi, comme la découverte de la combinaison d’un coffre contenant des preuves comprommettantes ou encore l’existence d’un passage adjacent apparemment moins gardé que les autres…


Dishonored introduit également des pouvoirs surnaturels, accessibles en collectant les runes disséminées ça et là à travers tout le jeu. Le plus utile est celui qu’on utilisera le plus souvent, à savoir le clignement, qui est une téléportation furtive d’un point A à un point B sur une courte distance. À dire vrai, je n’ai quasiment usé que de ce seul pouvoir dans ma partie (approche furtive, toussa), associé à mon arbalète à carreaux anesthésiants (dont les munitions sont rares et chères, et donc à utiliser avec parcimonie), celui-ci étant pratique dans de nombreux cas, comme pouvoir se glisser en douce derrière un ennemi ou descendre d’une corniche moyennement élevée sans risquer de dégâts de chute (voire la mort)… Mais il en existe une demi-douzaine d’autres, comme ralentir le temps, posséder un ennemi ou un animal sur une courte durée ou encore faire appel à une nuée de rats féroces…


En revanche, il y a quelques points qui fâchent un peu… Par exemple, le jeu ne semble pas gérer les jeux d’ombre et de lumière pour quantifier notre dissimulation, seuls les obstacles et la distance ont l’air d’être pris en compte pour savoir si les ennemis peuvent ou non nous repérer. Ils ont de plus un peu de mal à nous voir dans les hauteurs… Un autre truc un peu relou, c’est l’utilisation de l’action contextuelle pour assommer un ennemi quand on se faufile dans son dos : pour peu qu’on ne soit pas parfaitement derrière lui, elle ne s’affiche pas, et on se met à dégainer notre lame à la place… ouaip, on n’est pas dans Phantom Pain ! Et pendant que j’y pense, je ne suis pas non plus très fan du mapping des boutons : il m’est en effet arrivé une bonne petite dizaine de fois d’appuyer sur R1 (au lieu de triangle) pour me coller discrètement contre un mur, ce qui bien sûr donne l’inverse de l’effet escompté, puisqu’on donne un gros coup bien sourd dans le-dit mur et se fait repérer en une demie-seconde par les gardes alentours… Dans ces cas-là, on ne peut que bénir la présence d’une sauvegarde manuelle…


Enfin, et même si ce n’est finalement pas aussi contraignant que je le redoutais (comprendre : ça reste jouable), je trouve la vue subjective vraiment peu optimale pour ce type de jeu. Dishonored n’est pas un soft spécialement dur (en tout cas en difficulté standard), mais ce choix de la première personne peut parfois gêner dans l’appréciation des distances, ou même tout simplement dans ce qui requiert un minimum de "précision plateformique", comme par exemple quand on doit se glisser dans un passage étroit en quatrième vitesse avant qu’une lame ne vienne nous occire…(ça sent le vécu). Encore une fois, ça ne reste que mon humble avis propre à moi-même...


Quant au terrain de jeu, on évolue dans une "plaisante" ville à l’inspiration victoriano-steampunk (ou plutôt "oilpunk" dans le cas présent), la majestueuse Dunwall, assez semblable à ce qu’on peut trouver dans des jeux tels que Thief ou The Order : 1886. Et qui dit esthétique victorienne dit forcément une cité de tous les extrêmes, suffocant sous un ciel grisâtre embrumé par les fumées noires des usines, où les quartiers miséreux et insalubres dévastés par la peste et contrôlés d’une main de fer par la milice locale côtoient sans aucun complexe les quartiers les plus favorisés constituée de "l’élite" aristocratique et religieuse, méprisant le peuple tout en étant immuablement craintive de perdre tous ses privilèges… Techniquement parlant, le jeu fait le job, malgré certaines textures parfois un peu simplistes et quelques micros problèmes de hit box. Rien de bien méchant en somme…


En bref, Dishonored est un bon jeu, à défaut d’être un grand jeu. On pourra toujours pester contre son doublage français imposé d’une qualité toute relative (ironique pour un jeu développé en France), contre ses personnages pas vraiment mémorables (excepté mamie!) et son scénario très souvent prévisible, contre sa fin vite expédiée, contre ses ennemis pas assez diversifiés (quand ce ne sont pas tout simplement des clones en puissance) ou encore contre l’Outsider qui n’a que pour réelle fonction de justifier la touche surnaturelle du jeu, il n’empêche que ce Dishonored m’a suffisamment tenu en haleine pour que je laisse également sa chance à sa suite…

Wyzargo
8
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le 19 mars 2017

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Wyzargo

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