Far Cry 3: Blood Dragon
7.1
Far Cry 3: Blood Dragon

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2013PlayStation 3)

Critique publiée sur ArtZone Chronicles.


Far Cry 3 a eu une lourde tâche. Mon premier contact avec la Playstation 3, des années après sa sortie, était empli d’une profonde déception. Ce premier rejet, c’était pourtant un titre acclamé qui en était la cause. Assassin’s Creed. Rien que ça, licence qui depuis a connu une récurrence annuelle de sortie avant que ses ventes, restant très correctes, ne montrent des signes d’essoufflement. Sur les raisons de ce désappointement, je ne peux que vous inviter à lire ma critique sur ce titre, dont je ne parle qu’à titre d’introduction. Qu’allais-je donc faire de cette console ? Certes, c’était visuellement plus agréable que ma vieille PS2 ou ma Wii, mais quel ennui, quel manque de créativité !


Mais je ne suis pas comme ça, à juger la ludographie d’une machine à l’aune d’un titre. Ca tombe bien, j’avais acheté un autre titre réputé, ce fameux Far Cry 3. Qu’importe que ce soit également Ubisoft qui ait porté le projet, pour dire toute la vérité je ne faisais pas très attention à l’éditeur à l’époque. Et puis même, là aussi juger Ubisoft sur le premier Assassin’s Creed eut été bien cruel. Des craintes avant ce Far Cry 3, et un aveu : le FPS et moi, ça fait deux. Je confesse sans peine ma nullité dans le genre, mon incapacité à être assez vif et à viser convenablement.


Quelques heures plus tard, me voilà réconcilié avec la console, avec un premier coup de cœur qui ne sera pas le dernier. Malgré ses faiblesses, jamais je ne me suis ennuyé, et le jeu propose une liberté qui n’a que peu de liens avec le choix du monde ouvert. Mon entrée dans la septième génération de console avait enfin réellement commencé. Le jeu terminé, j’entends parler de Blood Dragon, stand-alone plongé dans les années 80 et le son electro. Rien de plus, je me dis alors qu’il faudra que j’y joue un de ces quatre matins pour retrouver le plaisir pris dans le titre principal. Les années passent, j’écoute des podcasts qui me rappellent l’existence du jeu, je l’achète sur PC puis sur le PSN (ayant oublié entretemps que je l’avais sur Steam), et enfin, en mars 2016, je lance la bête. Je suis depuis passé par Hotline Miami, Carpenter Brut et Perturbator ont rencontré le succès et le revival années 80 bat son plein, tant musicalement que dans le média jeu vidéo. Pas d’attentes particulières, je suis à peu près sûr d’être séduit, de retrouver des sensations maintenant lointaines et je conçois à peu près l’esthétique qui devrait se présenter à moi.


Bingo ! De surprises, il y en a peu. Mais quel plaisir ! Passons rapidement sur le gameplay. Le changement par rapport à Far Cry 3 est mineur. Le tutoriel, furieusement meta et hilarant, montre les bases, et il n'est nul besoin d'avoir joué au grand frère pour jouer au dernier rejeton. On garde le système de monde ouvert (un peu plus petit), le FPS pas trop punitif (ouf !) et la plupart des contrôles. Surtout, la liberté d’approche pour la capture de garnisons est toujours là, celle qui m’avait procuré tant de satisfaction il y a trois ans. Attaque frontale, arc, utilisation des dragons de sang (qui donnent leur titre au jeu), éliminations discrètes, sniper lointain et efficace, tout y est. On retrouve aussi le choix entre suivre le scénario principal (bouclé rapidement), rechercher les objets secondaires (VHS, notes médicales, tv old-school…), prendre les garnisons, s’occuper d’événements aléatoires… ou alterner entre tout ça ! Personnellement, j’ai tendance à ratisser tout ce qui relève du « secondaire » (mais qui en terme de temps de jeu est « principal ») avant de faire le scénario, ce qui me facilite ici considérablement la tâche lors des déplacements, tout en me permettant d’atteindre un niveau respectable avant d’entreprend ma deuxième mission. Ce qui change est souvent cohérent face au changement d’univers, et allège les possibilités du joueur sans non plus le frustrer. Plus de tatouages à compétences, celles-ci sont attribuées automatiquement au fur et à mesure de la progression. Plus non plus de ce craft parfois un peu absurde présent dans Far Cry 3, ici les seules ressources sont les espèces sonnantes et trébuchantes, qui vont nous permettre, outre l’achat de munitions, d’acquérir les améliorations dévastatrices (et jouissives) de chaque arme, débloquées après les missions de chasse ou d’assassinat (bien connues des joueurs du 3). En bon soldat cybernétique, le sergent Rex Colt peut courir à toute vitesse sans s’essouffler ou sauter de plusieurs dizaines de mètres de haut sans se blesser. Des changements mineurs qui n’affectent finalement que peu la façon de jouer, même si les fameux dragons peuvent donner du fil à retordre, surtout en début d’aventure.


Car ce qui change vraiment, et qui vaut la peine qu’on acquiert ce stand-alone et qu’on le saigne en dansant dans son salon tout en y faisant simultanément (!) pompes, abdos et tractions, c’est l’univers développé à travers Blood Dragon. Là aussi, que de l’attendu : les années 80 et leurs films d'action sont à l’honneur ! Le scénario invraisemblable, les personnages aux voix et aux dialogues si stéréotypés, l’ambiance visuelle et sonore, tout est là pour rappeler cette époque et y injecter une bonne dose de second degré. Blood Dragon, c’est, plus qu’une parodie, un hommage à ces films qui déjà jouaient dans la surenchère, dans l’exagération, au point de dépasser le cliché en créant un nouvel archétype qui a fait date. Les références pleuvent, et je serais bien en peine de toutes les identifier, petit jeunot né à la fin de cette décennie. Je veux quand même en noter une inoubliable et à se tordre de rire : une chasse nous fait éliminer quatre tortues mutantes dans les égouts… Cet humour potache nappe l’ensemble du jeu, pendant lequel on joue, mais on rit aussi.


Pour la faire courte, notre sergent américain Rex (aidé en chemin par la séduisante Dr. Darling) va se retrouver sur une île sur laquelle s’est réfugié le colonel Sloan, qui ne projette rien moins que d’envoyer des missiles sur le monde connu et le renvoyer à un âge antérieur et plus pur, que symbolisent ces dragons de sang. Amusant a posteriori de lire les dialogues prédisant un monde prochain « revenu à la préhistoire », quand on voit en 2016 la sortie de Far Cry Primal. Simple punchline ou référence à ce que nous préparait le studio ? Cette base simpliste trouve sa force parce qu’elle est toujours assumée comme telle, jamais elle ne tente de se prendre au sérieux, ce qui, pour une grosse dizaine d’heures, ne permet pas la lassitude, là où le scénario de Far Cry 3 trouvait de nombreuses longueurs et imbécillités, heureusement contrebalancées par la richesse du jeu. Un mot sur la musique, composée par le duo Power Glove. Elle aussi est dans la référence, mêlant nappes de synthé assez ambiantes et passages plus agressifs accompagnés de guitares électriques dans un rythme effréné. J’ai cité Carpenter Brut ou Perturbator plus haut, c’est globalement l’idée, même s’il y a peut-être plus de nuances que chez le premier.


Pour terminer, il faut aussi mettre en avant les cut scenes qui interviennent lorsqu’on choisit d’avancer dans le scénario. Si le jeu est en 3D comme dans Far Cry 3 (dont il utilise le moteur), ces cinématiques sont elles des images fixes en 2D, animées image par image avec peu d’images par seconde. Des mêmes couleurs fluorescentes qui fleurissent dans le jeu, elles sont l’objet d’une certaine fascination de ma part, certains plans étant absolument merveilleux, la fixité autorisant des tableaux moins présents dans les cinématiques mobiles. Il y a là, au-delà de l’hommage potache et de la référence, une esthétique qui se dégage, formée à la fois par le son, l’image et le propos. Cette cohérence, mine de rien, n’est pas quelque chose que l’on retrouve à chaque fois dans les jeux vidéo, qui misent parfois sur l’un ou l’autre des aspects sans former un ensemble, c’est par exemple le cas de Far Cry 3. Le passage précédent l'affrontement final, à base de musique Hard FM accompagnant séances de muscu à deux puis un bras resteront dans les mémoires.


Ajoutez à tout cela mes délires sur cette figure insulaire à la fois sécuritaire et isolationniste, lieu à la fois paradisiaque et éloigné de notre civilisation, sur cette île envahie par la nature qui semble reprendre ses droits sur la machine, tout en s’alliant avec elle (Rex qui peut courir partout dans cet environnement si éloigné de lui) pour, au final, détruire ce qui la menace, et on obtient un stand-alone qui n’est pas loin de détrôner celui qui lui a donné la vie… comme Rex finit par détruire Sloan, ancien mentor.


En dépit de quelques mineures faiblesses (des environnements sombres et peu variés, une forme de répétitivité), Far Cry 3 : Blood Dragon est finalement l’une des œuvres d’Ubisoft les plus cohérentes, mariant tous ses éléments pour créer une esthétique qui va bien plus loin que le simple hommage aux années 80. Mais avouons-le, cette référence est ce qui cimente le tout, mais sans jamais tomber dans le ridicule. Ou bien si, toujours dans le ridicule et le second degré, mais sans jamais oublier que c’est là le propos et qu'il ne faut jamais s'en éloigner.

Flavinours
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Créée

le 11 avr. 2016

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Flavien M

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