Final Fantasy VII: Remake
7.5
Final Fantasy VII: Remake

Jeu de Square Enix (2020PlayStation 4)

Final Fantsy VII Remake Partie 1: Le Fardeau de Midgar (Spoilers)

Signalons à toutes fins utiles que cette critique contient pas mal de spoilers. Si vous ne voulez pas vous gâcher le plaisir de la découverte, ne poursuivez la lecture que si vous avez déjà terminé le jeu.


Voilà, on y est. Initié avec la fameuse démo technique PS3 diffusée à l’E3 2005, le remake rêvé de Final Fantasy 7, RPG Japonais culte de toute une génération de joueurs, est enfin une réalité. Il faut dire que ce titre emblématique de l’ère Playstation a su marquer d’autant plus de monde qu’il fut aussi, pour beaucoup, la première découverte d’un genre entier et d’une série de renom, lui donnant par conséquent une saveur bien particulière. De mon côté, même si Final Fantasy 7 n’était pas mon premier RPG Japonais, il s’agissait d’un tel chef d’œuvre d’écriture et de réalisation que j’étais plus qu’enthousiaste à l’idée de redécouvrir nombre de passages aujourd’hui au panthéon du jeu vidéo. Puis arriva ce controversé moment ou Square Enix annonça que cette réinterprétation serait décomposée en plusieurs parties, dont la première se focaliserait sur les seuls évènements de Midgar. Une idée intéressante sur le papier tant elle semblait propice à approfondir un pan scénaristique cantonné à une petite poignée d’heures dans l’épisode original. Cela dit, après en avoir dépensé plus de quarante à arpenter les bidonvilles et à en découdre avec les (trop) nombreuses machines de guerre de la Shinra, je dois bien avouer qu’en dépit d’incontestables réussites, j’ai eu bien du mal à me retrouver dans cette nouvelle proposition qui m’apparait, en l’état, bien moins juste et intéressante que son modèle.



Cloud sur un petit nuage



Si Final Fantasy 7 était déjà une claque technique à sa sortie Playstation en 1997, c’est bel et bien cette démonstration visuelle de 2005 qui a matérialisé en nous cette réelle envie de revivre l’aventure dans une version plus actuelle. C’est d’autant plus vrai pour les joueurs qui n’ont pas eu la chance de connaître le titre originel, et qui pourront désormais être rebutés par son aspect 3D un peu trop rétro et ses mécaniques de tour par tour trop souvent perçues comme obsolètes par les plus jeunes. Et de ce point de vue, l’entame de ce Final Fantasy 7 Remake aura presque tout du rêve éveillé. Voir un Cloud, graphiquement encore plus beau que dans le film Advent Children, jaillir du train sur la magistrale réorchestration de Bombing Mission, touchera forcément en plein cœur le fan de la première heure. Car s’il y a bien une chose sur laquelle ce remake est inattaquable, c’est très certainement sur la transposition de son univers, d’un point de vue visuel comme sonore. Qu’il s’agisse de l’aspect sale mais vivant des bidonvilles, de l’apaisante et chatoyante maison fleurie d’Aerith, ou de l’atmosphère festive de la soirée du Wall Market, tout est fait pour que le joueur soit littéralement happé par le monde qui lui est présenté.


Evidemment, l’effet n’aurait guère été aussi saisissant sans ce majestueux bond graphique, certes attendu mais percutant, au moins dans une certaine mesure. Si les environnements impressionnent de par leur haut niveau de détails, c’est la précision des effets spéciaux et la gestion de la lumière qui feront la majeure partie du travail et qui permettront de profiter aux mieux des parfois magnifiques panoramas de certaines zones.


Autre grande réussite : la modélisation exceptionnelle dont ont bénéficié les personnages principaux. Travaillés à la perfection du plus petit accessoire vestimentaire à l’animation des cheveux toujours cohérente, leur précision technique leur permet de dégager un éventail d’émotions étonnement large. Entre jeux de regards, attitudes, ou expressions de visages subtiles, protagonistes et antagonistes arrivent à exprimer autant de choses par le non verbal que par le simple dialogue. Un vrai tour de force qui contribue à encore plus s’attacher au charisme d’un Barrett un peu bourru, à l’espièglerie de la sympathique Jessie, ou une Aerith plus charmante que jamais. Un niveau d’excellence qui, bizarrement, engendrera quand même un certain déséquilibre dès lors qu’il s’agira de les voir côtoyer des personnages plus secondaires. Sans être laids, leur aspect graphique beaucoup plus sommaire marque un écart suffisamment important pour qu’on ait parfois l’impression qu’ils proviennent d’un jeu différent. Un déséquilibre pas forcément idéal pour l’immersion, notamment lors de certaines cinématiques.


Mais plus que cela, et même si je salue le travail d’ensemble tant la redécouverte visuelle de Midgar fut plaisante, il me paraîtrait en revanche bien excessif de qualifier ce FF7 Remake de plus beau titre PS4. Tout cela à cause de concessions techniques pas toujours très heureuses, sans doute consenties par souci d’optimisation et de fluidité. S’il sera aisé de comprendre la démarche, les sacrifices opérés pourront prêter à discussion, tant ils ont tendance à parfois dénaturer la cohérence artistique de l’ensemble. On parle ici bien évidemment de ces fameuses textures trop régulièrement abominables, détruisant la magie de certains décors dès qu’on s’y attarde de trop près. L’un des exemples les plus parlants reste ce moment, au début du jeu, où Tifa montre à Cloud la chambre où elle réside en lui signalant qu’elle habite au numéro 201. Une scène qui n’a pas manqué de me faire lâcher une moue dubitative en constatant que la texture de la porte en question, à peine digne d’une Nintendo 64, était tout bonnement incapable d’afficher le dit numéro. Difficile également de se satisfaire de ces réguliers arrière-plans en mode photo basse résolution, là où des God of War ou même Kingdom Hearts 3 ont su proposer des alternatives bien plus propres sans trop céder aux contraintes techniques, et ce même sur PS4 normale.



Maestro Uematsu



Quelques regrets dommageables, fort heureusement incapables de nous sortir d’une atmosphère sublimée par son extraordinaire bande son. Nombre de thèmes du jeu originel étaient restés dans les mémoires malgré un rendu audio alors quelque peu limité. Et comme on pouvait s’y attendre à l’écoute des premières réorchestrations présentes dans la démo, le fantasme devient, là aussi, une réalité. Le fan-service opère forcément au moment de découvrir la richesse des différentes déclinaisons de certains thèmes, à l’instar de celui des boss. Mais l’adrénaline monte encore plus dès que les réorchestrations commencent à nous surprendre, telle la refonte musicale de Mako Reactor en mode action. Et que dire du thème principal de Midgar, subtilement habillé par quelques relents d’autres compositions bien connues (One-Winged Angel…), à des fins bien plus profondes que celles de simplement caresser le fin connaisseur dans le sens du poil. Loin de toute esbrouffe gratuite juste destinée à accentuer la dimension épique de l’aventure, cette BO revisitée enrichit la narration et la mise en scène afin de véhiculer plus d’émotions et de tension. A ce titre, parcourir les quartiers sinistrés de la ville après l’explosion du réacteur numéro un, en mesurer les conséquences en observant les nombreuses victimes faisant face à la situation chacune à leur manière, tout cela sous couvert d’une très intense et très triste réorchestration du Promised Land d’Advent Children, restera un des moments les plus forts que j’ai pu vivre sur cette génération de consoles. J’aurai beau trouver l’incontournable thème des combats un peu trop balancé à toutes les sauces jusqu’à l’écœurement, ou quelques rares refontes pas toujours très inspirées (Oppressed People), cette bande originale n’en reste pas moins absolument extraordinaire, et peut-être pour moi une des meilleures que j’ai pu entendre dans le jeu vidéo. Merci donc au trio Uematsu/Hamauzu/Suzuki pour ces grands moments d’extase auditive.


En contrepartie, il m’a hélas été impossible de composer avec le doublage Français, beaucoup trop caricatural pour ne pas dénaturer l’ensemble. Bien sûr, certaines voix comme Tanguy Gouasdoué en Cloud, ou Bruno Choel en Sephiroth, arrivent à plus ou moins limiter la casse. Mais l’ensemble manque tellement de naturel qu’il en édulcore une bonne partie de la tension dramatique. Plus grave, certaines de ces interprétations approximatives couplées à d’évidentes erreurs de casting pourront rendre quelques personnages insupportables aux yeux de certains, à l’image d’une Aerith pourtant si juste et touchante en Anglais ou en Japonais. Cela s’avère d’autant plus incompréhensible que pléthore de productions modernes excellent dans cet exercice. On saluera donc la possibilité de choisir la langue désirée en début de partie, ce qui permettra d’ailleurs aux plus linguistes d’entre nous de pointer du doigt un certain nombre d’erreurs de traduction.



SOS Fantômes



Mais avant de passer à l’épineux sujet du gameplay, parlons scénario, premier critère qui, malgré de nombreuses qualités, ne conviendra clairement pas à tout le monde. Evidemment, l’une des contrariétés principales réside dans cette formule épisodique qui limite ce remake au seul passage de Midgar. On restera en effet quelque peu dubitatif devant la frilosité de Square Enix à communiquer sur le sujet, notamment en s’abstenant d’estampiller son jeu d’un explicite sous-titre afin d’éviter des désillusions aux moins informés d’entre nous. D’autant plus embêtant qu’il nous faudra sans doute attendre encore plusieurs années avant de découvrir la suite. Mais sorti de cet impair, on pourra légitimement se demander si ce morcelage, probablement un peu forcé par l’imminente arrivée de la next-gen, était finalement si pertinent compte-tenu des quelques errements de ce premier jet. Pourtant, bien aidés par la qualité globale de la réalisation et cette OST magistrale, on ne pourra nier qu’écriture et mise en scène parviennent la plupart du temps à remplir leur contrat avec maestria. Redécouvrir le début de l’histoire de Final Fantasy 7 étoffé avec autant de soin, faire plus ample connaissance avec le groupe d’Avalanche, et voir les relations entre les personnages principaux se dessiner avec autant de justesse réservent de grands moments, dignes de la grande réinterprétation dont on rêvait tous. A ce titre, certains ajouts et remaniements fonctionnent à merveille, à l’image de tout le processus d’infiltration chez Don Cornéo, ou la poignante attaque du Secteur 7. Malheureusement, certaines nouveautés plus discutables, dont la portée réelle restera toutefois à définir, viennent à mon sens gâcher un peu la fête.


Lorsque j’ai vu apparaître pour la première fois ces fameuses créatures qui nous seront présentées plus tard comme les Fantômes du Destin, je me suis demandé si ma mémoire me jouait des tours quant à mes souvenirs de l’épisode originel. Il n’en était évidemment rien, mais motivé par un récit sans grande fausse note jusqu’à son dénouement, je n’en ai dans un premier temps pas fait grand cas, d’autant que la plupart des quelques ajustements avaient jusqu’alors plutôt bien fonctionné. On rencontre bien quelques heurts en cours de route, comme le traitement discutable de certains personnages, tel un Cloud bien plus taciturne que dans l’épisode Playstation, ou des membres d’Avalanche un peu laissés de côté dans la seconde moitié du jeu. Mais ces petites anicroches seront bien vite éclipsées par les révélations génériques que cachent les fameux fantômes précités. Prétextes faciles aux moments les plus contestables du récit, ces créatures mystérieuses intriguent autant qu’elles irritent tant elles semblent régulièrement peiner à s’y intégrer correctement.


Puis intervient ce bien étrange et controversé final exclusif à ce Remake. Une conclusion fan-service, à mon sens d’une incroyable bêtise. Si on ne doutera guère de son évidente vocation à pallier l’absence d’un dernier boss qui n’avait aucune raison d’être en 1997, ses très grossières ficelles scénaristiques inquiètent forcément quant à la direction voulue pour la suite. Alors oui, cet enchainement de combats spectaculaires est très plaisant à regarder. Oui, on a l’impression de jouer l’ultime combat contre Sephiroth, un peu comme dans Final Fantasy 7 Advent Children. Mais cet affrontement est aussi grandiloquent et fan-service que vide de sens. D’abord parce qu’il se hasarde à démythifier l’un des méchants les plus charismatiques du RPG Japonais en dévoilant bien trop tôt la plus grande partie de ses pouvoirs sans même avoir pris le temps de dévoiler un minimum son background. D’impressionnantes capacités qui ne lui éviteront de toute façon guère une cuisante défaite, amoindrissant par voie de conséquence une copieuse partie de son impact. Plus grave, cette fin se permet, sous couvert du sempiternel prétexte du destin, de potentiellement remettre en cause un certain nombre d’évènements à venir. Si ces changements auraient peut-être pu trouver leur place dans un vrai reboot assumé, ils deviennent d’assez mauvais goût dans un titre qui prétend respecter le matériau de base en le magnifiant. Quel que soit l’angle abordé, il m’est bien difficile de défendre une conclusion, soit bien inutile si elle n’est présente que pour faire joli, soit franchement suicidaire si les conséquences d’un choix scénaristique aussi simpliste viennent déposséder l’ensemble de toute sa force émotionnelle. Seul le temps nous le dira, mais que cette direction finisse par trouver ou non une quelconque forme de légitimité, elle semble pour l’heure tout de même bien mal introduite.



Du tour par tour en temps réel



Mais au-delà de tout ce que je peux penser de cette discutable prise de risque, il m’aurait peut-être été plus facile d’accorder aux équipes de Tetsuya Nomura le bénéfice du doute si j’avais été convaincu par le gameplay. Cependant, de trop nombreux couacs sont venus gâcher mon expérience de jeu, notamment son système de combat. Soyons tout de suite clair sur le fait qu’il n’est aucunement mon intention d’essayer de vous convaincre qu’il est inintéressant ou peu stratégique, à moins de vouloir faire preuve d’une sacrée dose de mauvaise foi. Cela dit, pour être apprécié à sa juste valeur, il est tout de même nécessaire d’accepter un certain nombre de règles et de contraintes qui ont sans doute pour but de garantir un challenge à peu près équilibré, mais qui sont surtout facteurs de moult frustrations susceptibles de gâcher l’expérience.


Premier dommageable souci, il fallait s’atteler à contenter les nouveaux venus en leur épargnant le « soi-disant » obsolète système de tour par tour, qui ne semble pourtant plus gêner personne au moment de jouer à un Dragon Quest XI ou autres Persona 5. En contrepartie, il ne fallait pas non plus trop froisser les vieux de la vieille en les privant totalement de cette mécanique si chère à leur cœur. Résulte alors de cette réflexion un compromis qui m’a paru un peu bancal. Accordons à l’idée de vraies intentions louables dans le principe, dans la mesure où elle cherche à simuler les sensations du tour par tour dans un système plus actif. A ce titre, la gestion de la barre d’Active Time Battle empêchant le spam de compétences, ou la nécessité de passer régulièrement d’un personnage à l’autre afin d’optimiser ses stratégies de combats, cela face à des adversaires pas trop manchots et aux faiblesses variables semblait tout à fait cohérent. Mais dans la pratique, la cohabitation des deux modes donne lieu à quelques problèmes de voisinage.


Dans un premier temps l’amateur d’action se réjouira de pouvoir taper en temps réel, se mettre en garde dès qu’il le souhaite, ou encore multiplier les roulades. Toutefois, il devra aussi composer avec leur aberrante inefficacité à esquiver efficacement la plupart des attaques ennemies, ou devra constater que ses inoffensifs coups normaux ne sont qu’une illusion presque exclusivement destinée à remplir la jauge d’ATB. Les adeptes de J-RPGs plus traditionnels seront quant à eux ravis de constater qu’ils n’ont pas été totalement délaissés, en retrouvant les menus de compétences si chers à leur cœur, ou l’intégration d’une pause active très souple, leur laissant tout le temps de sélectionner leur prochaine action à leur guise. Mais là aussi, il sera aisé de pester contre cette philosophie plus active à l’origine d’éventuels annulations de sorts un peu trop longs à lancer, ou par cette satanée jauge d’ATB qui charge bien trop lentement en cas d’inaction forcée, provocant de temps à autres quelques morts stupides. Dans la pratique, on se retrouve donc souvent frustré d’avoir l’impression d’être libre de ses mouvements sans jamais vraiment pouvoir en tirer un quelconque avantage, à devoir en permanence attendre la recharge d’une jauge afin de pouvoir réellement agir.


De même, le simili tour par tour ne fonctionne guère non plus, perdu entre ses compétences parfois annulées par des assauts en traître sans qu’on sache toujours pourquoi. Et que dire de la gestion de ce menu mal pensé, en l’état plus esthétique qu’ergonomique ? Très franchement, il devient difficile, en 2020, d’accepter de devoir se coltiner une interface d’une telle lourdeur, qu’elle en vient à carrément nous refuser l’utilisation des objets ou des compétences de soin via son accès principal. Ah oui, c’est vrai. On peut consommer des potions grâce au menu rapide toujours présent à l’écran, aussi bien lors des phases d’exploration que lors des phases de combat. Sauf qu’essentiellement pensé pour ces dernières, celui-ci ne s’adapte pas forcément toujours aux situations plus calmes. Résultat : on se retrouve obligé de soigner nos personnages en sélectionnant les dîtes potions une par une. Un exercice fastidieux qui fait vraiment tâche dans un titre de cet acabit. Enfin, le système d’évolution lui aussi discutable ne m’aura pas non plus convaincu, coupable d’une gestion des matérias moins permissive qu’à l’époque, ou d’un cristarium à la Final Fantasy XIII suffisamment mal pensé pour nécessiter de trop fréquents resets à des fins d’optimisation.



Le non-sens du spectacle



Deux visions qui peinent donc ici à coexister, et qui plus est, obligées de trainer derrière elles toutes sortes de contraintes et de compromis pas toujours à-propos. Nous serons ainsi amenés à combattre avec des équipes pouvant compter jusqu’à trois personnages, mais on ne pourra évidemment n’en contrôler qu’un seul à la fois, les autres agissant à leur gré. Cela dit, on comprendra bien vite qu’on ne pourra en aucun cas se hasarder à leur laisser carte blanche, compte-tenu de leur intelligence artificielle d’une rare incompétence. Un choix délibéré qui combiné à l’absence de tout système d’ordre, nous poussera à switcher en permanence de l’un à l’autre, afin de se rappeler aux bons souvenirs des habitudes du tour par tour. Et dans le but d’éviter tout trépas arbitraire, les ennemis auront tendance à ne focaliser leurs assauts que sur le héros que l’on utilise. Une idée en soi intéressante que la pratique vient malheureusement souvent contrarier. D’une part parce que les dits adversaires souffrent d’une IA tout aussi peu concluante. Il ne sera donc pas rare de les voir se désintéresser de vous pour s’acharner sur un coéquipier, lui-même trop obnubilé par la destruction d’une tourelle éloignée pour penser à se soigner ou contre-attaquer. D’autre part, ce système obligera la plupart du temps à enchainer à grande vitesse switchs de personnages et déclenchement de compétences, par souci d’efficacité. Les affrontements y gagnent certainement en rythme, mais il nous sera en contrepartie peu permis de visuellement profiter des effets de nos actions, la plupart d’entre elles se déclarant bien après nos besoins de changement. C’est d’ailleurs ce qui m’a presque posé le plus de problème dans ce système de combat : ce constant sentiment de toujours être bridé par quelque chose. Vous souhaitez librement utiliser vos invocations ? Désolé, à la manière d’un Final Fantasy XV, elles ne surviendront qu’au bon vouloir du jeu afin de rendre plus spectaculaires les combats de boss, quitte à lancer leur coup ultime au moment le plus inopportun, par exemple lors d’une phase où ils sont intouchables. Vous souhaitez faire de Cloud un expert des attaques physiques ? Désolé, mais le choix est bien peu judicieux vu le nombre de zones exclusivement composées d’ennemis principalement vulnérables à la magie. Je pourrais continuer comme ça longtemps, mais je pense que vous avez saisi l’idée. Alors, oui les rixes ne manquent effectivement pas de stratégie, pour peu qu’on joue au moins en difficulté normale, et elles savent parfois se montrer d’une grande intensité. Mais le plaisir peut rapidement s’étioler au fur et à mesure qu’apparaissent les nombreuses entraves qu’il faut faire l’effort d’accepter. Une concession qui se révèle d’autant plus difficile à faire quand elle s’accompagne de réels défauts de game-design.


Evidemment, Tetsuya Nomura oblige, il fallait impérativement que les joutes soient le plus spectaculaires et dynamiques possible, pour qu’on ait l’impression quasi permanente de jouer les scènes d’action d’un véritable film en images de synthèse. Une promesse largement tenue par une mise en scène plus que dynamique, une surabondance d’effets pyrotechniques, ou les fréquentes cinématiques habillant les affrontements les plus chauds. Une multitude d’excès cosmétiques qui se font bien sûr au détriment du confort de jeu, et notamment de sa lisibilité. On incriminera pour commencer la caméra, peinant régulièrement à suivre une action trop frénétique pour elle, à tel point qu’il n’est pas rare de se retrouver à combattre hors-champ. Seul remède plus ou moins efficace, aller dans les options afin de l’éloigner au maximum. Le ciblage capricieux ne lui facilitera pas le travail, à aléatoirement refuser de sélectionner les ennemis trop proches, ou à parfois zapper de l’un à l’autre en faisant fi de notre bon vouloir. Cumulés à cette surenchère d’effets spéciaux, ces déboires aboutissent à nombre de situations assez confuses auxquelles les quelques problèmes de hitbox n’arrangeront rien, notamment contre les volatiles, cauchemardesques à affronter. Certains me diront qu’un minimum de maîtrise suffira à ne pas trop pâtir de ces soucis, ce qui ne les empêchent pas d’être bien réels et de tirer vers le bas des joutes bien moins plaisantes pour moi qu’en 1997.


Une bien longue tirade négative à l’encontre d’une mécanique de jeu pourtant globalement appréciée, dont il convient tout de même en contrepartie de vanter les quelques incontestables mérites. Ne nions donc pas que leur mise en scène et leur dimension spectaculaire font assez couramment mouche. Bien entendu, les combats de boss en sont la plus parfaite représentation, multipliant les moments épiques, et capables de faire monter l’adrénaline en de maintes occasions. Les vieux de la vieille sauront aussi largement se délecter des ajustements de certaines batailles, remaniées avec beaucoup de soin, sans pour autant perdre quoi que ce soit de leur esprit d’antan. Les amateurs de difficulté seront également heureux de voir ce remake leur opposer un minimum de résistance, à condition d’opter pour les modes de difficulté les plus élevés. En revanche, on comprendra moins pourquoi le mode classique, censé se rapprocher plus encore du système au tour par tour reste cantonné au seul mode Facile, les adversaires y étant tellement faibles qu’ils ne permettent aucunement d’en mesurer l’intérêt. Encore une fois, je tiens à préciser que je n’estime pas que la section combat de ce Final Fantasy 7 Remake soit forcément mauvaise. Mais les choix opérés m’ont plus gêné qu’autre chose, là où la saga Kingdom Hearts, pour ne citer qu’elle, a toujours proposé quelque chose qui m’apparaissait plus cohérent.



Le J-RPG façon Naughty Dog



Ce qui s’avère tout de même assez drôle lorsqu’on regarde l’évolution du jeu vidéo au fil des années, c’est de constater à tel point les défauts rédhibitoires d’un jour peuvent, avec le temps, devenir de plus en plus acceptables. Prenons Final Fantasy XIII, lynché à sa sortie sur la place publique, principalement pour avoir trahi les fondements mêmes du J-RPG traditionnel, avec sa structure couloir maladivement linéaire. Certains avaient même rejeté le jeu en bloc à cause de ce seul grief. Soyons pourtant clairs : Final Fantasy 7 Remake fait encore pire, même si ça ne semble aujourd’hui plus vraiment poser de problèmes à grand monde ! Nous voilà donc désormais prisonniers d’une construction de jeu largement inspirée d’un Uncharted 4 avec quelques zones plus ou moins ouvertes, histoire de justifier la présence de quelques ponctuelles quêtes annexes confinées dans quelques rares chapitres. Si on pouvait parfaitement comprendre que localiser le jeu à Midgar limiterait à coup sûr les aires de déplacements et nous priverait de la carte du monde, difficile de ne pas se sentir un peu à l’étroit dans les quelques quartiers visitables d’une cité pourtant vaste qui, exploitée dans son ensemble, aurait pu bien mieux tenir les ambitieuses promesses d’un tel remake. On est donc quelque peu déçu de devoir se cantonner à quelques niveaux souvent magnifiques mais désespérément fermés, en plus d’être parfois cruellement peu inspirés et répétitifs.


Un théâtre bien trop étriqué, qui non content de multiplier les aberrations de game-design à l’instar de bloquer le joueur à l’aide d’une chaise « clouée » au sol, se rend également responsable des régulières longueurs narratives de ce nouveau FF7. Ainsi, si on se souviendra que nombre de zones à explorer étaient déjà présentes dans l’opus de base, celles-ci ont désormais été largement rallongées, durée de vie oblige. De parfois très longues séquences qui ne rajoutent pas toujours grand-chose, encombrées d’un bestiaire manquant de variété, très axé sur les machines et robots en tous genres, ou qui abusent encore et encore de couloirs et de salles clonés parfois alourdies par d’inintéressantes énigmes ayant tendance à s’éterniser. Les quêtes annexes, localisées au sein de seulement quatre chapitres, puis uniquement accessibles durant le post-game ne viendront que confirmer ce côté restrictif, d’autant que leur intérêt ne sautera sans doute pas aux yeux de tout le monde, entre chats perdus et chasse aux rats d’égouts. Pas de doute, Nomura excelle ici dans l’art de noyer le poisson, ce qui autorise ennui et remplissage à un peu trop s’exprimer. Et on se sent finalement souvent un peu prisonnier de cette structure excessivement linéaire, tant la vacuité de certaines séquences trahit le manque de contenu pourtant nécessaire à cet épisode introductif trop dilué. On pourra toujours se consoler un tantinet avec le panel assez conséquent de mini-jeux mis à notre disposition, qu’on découvre l’art des tractions imaginé pour cette nouvelle version, ou qu’on retrouve la cultissime course en moto. Parfois amusants (les fléchettes…), occasionnellement pénibles (le brise-boîte), ou interminablement ennuyeux (la moto ou tout l’art de ne pas savoir quand s’arrêter), ces petits intermèdes savent pour la plupart se rendre appréciables même s’ils ne changeront bien évidemment pas la face du monde. Un monde de prime abord très attrayant, mais gorgé de zones d’ombres qui à l’heure du bilan, ont malheureusement pris un peu trop le pas sur le plaisir de jeu.


Entre rêve et réalité, il y a parfois un monde. Et ce Remake tant espéré d’un des plus illustres J-RPG de tous les temps en est le parfait exemple. La refonte semblait pourtant prendre une excellente tournure avec son univers si unique transposé de bien belle manière. Artistiquement brillant malgré quelques couacs techniques, on se délecte autant de redécouvrir Midgar sous pareille forme, qu’on prend plaisir à retrouver personnages et scènes cultes parfois transcendées pour de grands moments d’émotions. Mais circonscrire ce premier jet aux quelques premières heures du titre originel s’accompagne de réels impairs susceptibles de quelque peu briser le fantasme. Qu’on soit prisonnier d’un terrain de jeu plus confiné encore que celui d’un FF XIII, ou fatigué d’arpenter de trop longs couloirs prétexte à étirer artificiellement la durée de vie, on reste souvent sceptique devant certains rajouts qui finissent même par potentiellement inquiéter pour la suite, notamment d’un point de vue récit. Si on ajoute à cela des combats qui se prennent un peu les pieds dans le tapis, à trop vouloir concilier spectaculaire et esprit tour par tour sans vraiment trouver le juste équilibre entre lisibilité et plaisir de jeu, on en vient en fin de compte à se demander si cette réinterprétation était vraiment pertinente. Pour ma part, j’attendrai un minimum d’informations avant de me jeter à corps perdu dans sa suite, tant ce FF7 moderne m’aura finalement fait regretter de ne pas tout simplement être reparti sur le titre original.

Arnaud_Lalanne
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le 22 juil. 2020

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Arnaud Lalanne

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