Quand SquarEnix enfonce le cloud

A peine sorti de mon stage chez les alcooliques anonymes après Kingdom Hearts 3, j'appréhendais un peu de lancer une nouvelle galette où le nom de Tetsuya Nomura apparaissait dessus.
Sans spoiler le reste de la critique, l'aventure FF7 Remake s'est déroulé sans une seule gorgée mais j'avais la bouteille dans la main du début à la fin.

Final Fantasy 7 est un pari audacieux, celui de ressortir de la boite de pandore l'épisode le plus apprécié de la saga sans se mettre les fans à dos. Et bien je dois dire que, contrairement à d'habitude, SquarEnix a eu des couilles.
FF7R n'est pas une simple update graphique, ni non plus une réécriture complète de l'aventure. C'est une subtile balance entre les deux, toutes les scènes "clés" sont là, avec quand même l'ajout de nouveautés afin de surprendre le joueur. La volonté par la Nomura-team est là : Oui c'est un remake mais attendez vous à des surprises dans le scénario, même si le "tronc" principal reste (et vraisemblablement restera) similaire.
Dans ce principe, FF7R est une réussite. Il n'est jamais simple de toucher une oeuvre aussi lunaire que FF7, mais je dois reconnaître que très peu de faute ont été commise. On pourra éventuellement reprocher quelques ajouts ponctuels qui n'ont aucun intérêt, comme l'histoire de Leslie.

La deuxième grande réussite, encore plus étonnante que la première, c'est le gameplay.
FF7R est enfin le subtile mélange entre action et tactique que Nomura essaie de chercher depuis toutes ces années. Les combats sont certainement la partie la plus réussie, et les affrontements contre certains boss sont incroyablement jouissifs. Facile à contrôler et à la fois exigeant, le coté tactique de FF7R donne beaucoup plus sens aux matérias que dans le jeu original, et régissant à la règle du "la prise de risque paye", si peu présente dans les derniers jeux du studio.

Ce gameplay réussi, couplé aux moments nostalgiques contre des boss emblématiques valent à elles seule 60€, et font d'office de FF7R un jeu à jouer. Mais ce dernier n'est pas sans reproche, loin de là.

Tout d'abord vient les parties qui s'étalent sur le spectre du bon gout, comme l'OST. Si la plupart des reprises des thèmes originaux n'ont pas perdu de leur saveurs, certaines ont reçu l'honneur d'avoir un ré-arrangement incroyable, en particulier les musiques de combat.
D'autres hélas, n'ont pas eu cette chance. Entre le remix reggae de Wall Market et la musique "Hurry Up" très mal utilisée (on utilise pas une musique qui boucle toutes les 10 secondes pendant 30mn, sinon ça devient très chiant). Heureusement, les réarrangements foireux sont minoritaires.

Non le problème vient des nouvelles musiques. Si quelques unes passent encore (comme celle de Wall Market, toute aussi énervante que celle qu'elle remplace, mais on va dire que ça va avec le "délire"), d'autres sont de vulgaires soupes génériques et redondantes qu'on pouvait parfois entendre dans FF XIII, ou alors des trucs totalement grotesque (on en parle de la musique Raï FM de la route effondrée ?).

Dans ce genre de spectre on retrouve aussi les graphismes. Si la magie de la direction artistique d'époque opère toujours, ce n'est hélas pas le cas pour la terrible non-maîtrise de l'Unreal Engine, ou un temps trop court pour pondre suffisamment d'asset graphique, que sais-je. Final Fantasy 7 est extrêmement inégal d'un point de vue esthétique.
Tantôt sublime, tantôt laid comme un poux, le jeu oscille constamment entre l'émerveillement et la scène test trouvé à 10$ sur un store chinois. Heureusement la fin du jeu est assez soigné et nous fait partir sur un bon sentiment.
Je ne parle même pas des PNJ dégueulasses, et des textures PSOne qui nous sautent à la gueule, ce serait tirer sur l'ambulance.

Enfin, on attaque les parties vraiment mauvaises de ce remake :

Le menu est une plaie. Les matérias sont moins facile à organiser qu'avant, ce qui est quand même dur à entendre pour un jeu qui a 20 ans d'expérience UX supplémentaire, et le menu d'amélioration des armes est une abomination d'interface. On s'habitue, par force, mais de la première à la dernière heure, entrer dans ce menu reste une expérience désagréable.
Pourtant, cette idée de personnalisation d'arme est un excellent rajout qui agrémente le coté stratégique du jeu.

Mais le pire de FF7 vient dans son rythme de jeu. A trop vouloir contrer la polémique d'arrêter le jeu à Midgar et vouloir absolument fournir un "jeu complet" aux joueurs, SquarEnix s'est acquitté de cette tache de la pire des façons.
Si certains ajouts (comme la backstory de Jessie, ou le Laboratoire d'Hojo) rallongent le jeu de façon assez fluide et assez rythmé, certaines parties sont purement laborieuses, quand elles ne sont pas résumées à du vide absolu.
Vous vous demandez comment le chapitre Midgar passe de 5 à 30h ? C'est très simple, prenez 3 écrans de jeux de l'original, et étirez un couloir d'une heure de long à la place, parsemé d'énigmes inintéressantes, de dialogues inintéressants, et de combats inintéressants.

Qui a pris plaisir à se taper 1h de route effondrée, 1h d'égout, 1h de taudis entre le secteur 5 et 6, 1h de montée de garage de réacteur 5 pour trouver des putains de cartes, et n'oubliez pas les quêtes annexes : Si certaines débouchent sur un combat intéressant, la grande majorité ne font guère office que de remplissage fainéant pour gonfler artificiellement la durée de vie du jeu.

Parlons ensuite du sujet qui fâche le plus : Oui, FF7R n'est qu'un tunnel géant du début à la fin. Même les parties "libres" ne restent qu'un quadrillage (moche) avec des couloirs rikiki. La seule petite graine de "liberté" que vous aurez sera Wall Market, j'ai été presque surpris par l'intention.
Je n'ai pas forcément de problème avec les jeux dit "couloir", d'ailleurs le jeu original en était un, mais FF7R ne fait absolument aucun effort pour cacher les siens, ce sont des couloirs au sens propre du terme.
Quand je parle de 2m vous avez littéralement les 2 bords du couloir sur l'écran en se baladant au milieu, et des petites arènes aux endroits ou vous rencontrez les ennemis.
Je sais bien que la productivité n'est pas le point le plus fort de SquarEnix, mais je trouve quand même cela critique d'utiliser un moteur comme Unreal Engine, et ne proposer que des couloirs d'une qualité artistique parfois vraiment dégueulasse à ses joueurs, en particulier dans les "donjons", ou ça aurait pas été compliqué de proposer quelque chose de plus aéré.
Ah ça, c'était facile de faire 100m² d'herbe cartoon dégueulasse sur Kingdom Hearts, c'est tout de suite moins drôle avec une direction artistique réaliste, pas vrai les gars ?

Final Fantasy 7 Remake aurait été un jeu parfait s'il eût duré 15h-20h, pas 25h-30, un bon quart du jeu est directement à foutre à la poubelle.
C'est dommage car c'est un gout amer qui reste en bouche une fois le titre fini, et sans ça, le jeu aurait tapé dans l'excellence. Mais par pur peur de se voir prendre un coup dans la nuque en annonçant une durée de vie somme toute "normal" pour un jeu très linéaire et scénarisé, ils ont préféré l'augmenter quitte à rendre l'aventure simplement plus pénible.
Sauf que FF7R n'est pas The Witcher 3, ni Mass Effect, c'est à peine un RPG (la montée de niveau est purement artificielle, pas de farming, seul votre stuff/matérias défini votre facilité à gagner les combats). C'est au mieux un Uncharted avec un gameplay ARPG tactique plutôt que panpan-boumboum. Il aurait peut-être fallu l'accepter comme tel ?

En globalité, et à cause de ces passages beaucoup trop long, le rythme du jeu est un désastre et oscille entre les moments super sympa et d'autres super ennuyeux. Très dommage.

Autrement, passer à coté de FF7R et le résumer aux parties les plus mauvaises ne serait pas rendre honneur au travail fourni par l'équipe pour faire revivre une histoire qu'on pensait déjà connaître en long en large et en travers, d'autant que le gameplay est vraiment excellent.
Même si les heures perdues dans les couloirs de la pénibilité absolue restent en tête, on a jamais envie de lâcher la manette.

Et ça, avec Nomura en chef de file, c'était clairement pas gagné.

Ouf.