Final Fantasy XV
6.5
Final Fantasy XV

Jeu de Square Enix et Hexa Drive (2016PlayStation 4)

C'était une bonne idée sur le papier. Mais dans la pratique...

"L'important, c'est le voyage, et non pas la destination."


On entend souvent cette maxime, et elle sonne parfois juste et parfois prête à rire ; en général, on en savoure la justesse en se penchant sur notre passé, et on en rit quand on nous la vend durant le dit voyage. Dans tous les cas ce proverbe m'a sauté à l'esprit au moment de la fin du jeu et a tapé juste.


Car oui je vais sans doute démolir le jeu dans cette critique. Car oui, j'ai pesté tant et encore durant tout le jeu sur à peu près tous les sujets touchant à cette œuvre... et pourtant, une fois la destination atteinte, j'ai posé un regard attendri sur le voyage.
Un voyage sous forme de road-trip de vedettes de J-Pop.


Et il faut bien cette introduction pour vous convaincre que ce jeu est sauvable. Il débute, à chaque lancement, sur un écran noir annonçant la couleur. "Un Final Fantasy pour les nouveaux venus et pour les fans". Ce message m'horripile ; mais plus objectivement, qui a besoin de dire cela à son joueur ayant déboursé 70 € pour obtenir le jeu, nouveau venu comme fan ? Quand on est obligé d'écrire sur la jaquette que "C'est sympa", c'est bien parce que les producteurs eux-même ont comme un doute. C'est de la méthode Coué ? Du coup, ne serait-il que pour les nouveaux venus qui ne hurleront pas au sacrilège ? Où que pour les fans ayant abandonné tout esprit critique ? Ou va-t-il déplaire aux deux ?


Il est à noter qu'une grosse partie des problèmes scénaristiques vient du fait que Squaresoft (oui, je suis vieux, c'est Squaresoft pour moi) a assisté à la sortie d'Overwatch et son univers multimédia, et s'est dit que c'était génial : tout un univers mis à la disposition du public dans divers formats qui s'enrichissent les uns les autres ! C'était oublier deux choses : Overwatch n'a pas besoin de son histoire pour être jouable d'une part, et tous les produits accompagnant le jeu sont accessibles gratuitement.


Ici, si vous ne regardez pas le film (payant) Kingsglaive, que vous ne lisez pas le prologue sur le site web, que vous ne vous intéressez pas à Brotherhood sur Youtube et que vous n'avez pas posé au moins un oeil sur le manga (payant), il va vous manquer des bouts de scénario et de contexte qui resteront flous même en terminant le jeu. C'était une bonne idée sur le papier. Mais dans la pratique...


Laissons de côté les incohérences (dès la première minute de jeu, le Roi envoie son fils retrouver sa promise pour son mariage en dehors du royaume. En voiture individuelle. Sans garde rapprochée. Sans invité. Dans quel monde ?), oublions qu'un prince (recherché par les autorités) ne devrait pas jouer aux chasseurs de prime et ne devrait pas être reconnu par tant de monde quand il voyage incognito, oublions la platitude des motifs du méchant, et parlons directement des trucs qui fâchent.
C'est le premier FF (on en est à 15 numérotés, donc) qui ne présente aucune femme forte en dehors de la mercenaire — Je me fiche qu'il n'y en ait pas de jouables, mais que diable, entre la Cyndie à demi dénudée, la Iris nunuche, et Luna, pâle copie sans la colonne vertébrale de Yuna de Final Fantasy X (ils ont poussé le parallèle jusque dans les caractéristiques les plus élémentaires : Luna/Yuna, Dame Lunafreya/Dame Yunalesca, Oracle/Invocatrice, etc., n'en jetez plus), une copie de Yuna, donc, mâtinée de quelques morceaux de [spoiler incoming]


Aerith dont Luna partage le destin tragique dans une scène complètement parallèle à celle culte de FF7,


réellement, il fallait à ce point puiser dans les personnages les plus emblématiques de la saga pour en faire ça ?


Reste que si cette histoire vacillante, peu engageante avec des personnages peu travaillés et caricaturaux était le seul problème, on excuserait bien volontiers les développeurs. Mais le plus gros problème du jeu... c'est que tout dans le jeu est un problème.


Commençons par la division en chapitre : une bonne idée sur le papier pour marquer la progression de l'aventure. Dans la pratique, quand un chapitre couvre une seule quête principale et que celle-ci peut se résumer à "prend la voiture sur la route de la côte et arrête toi dans cette ville", cela rend l'ensemble du découpage artificiel et ridicule.


Continuons sur le monde, qui n'est pas en reste côté nullité.
- Le monde ouvert : Vide et plat, sans intérêt Il y avait au final plus de choses sur une carte de FF7, de zone magnifiques, de villes fouillées. Sur le papier, un FF dans un monde ouvert était intéressant ; dans la pratique, il ne sert à rien d'autre qu'à prouver que définitivement, les Japonais ne maitrisaient pas le concept.
- L'alternance jour / nuit. Sur le papier, une bonne idée pour rendre le monde vivant ; malheureusement, l'impossibilité de faire s'écouler du temps pour arriver à l'heure voulue (nécessaire pour la pêche, l'ouverture de certains donjons ou la chasse aux monstres), et l'obligation que cela crée pendant la plus grosse partie du jeu de passer une nuit au camp entre chaque quête de manière totalement artificielle rend la chose extrêmement pénible en pratique. Pourtant, Majora's Mask a quelques années déjà.
- La voiture. L'idée du Road Trip marche définitivement ; cependant, si sur le papier cela rendait la Régalia (la voiture, donc) fun et importante, dans les faits, cela rend toute quête (en particulier annexe) insupportable. Vous ne conduisez jamais la voiture, vous appuyez sur le bouton d'accélération jusqu'à être arrivé à bon port : vous ne pouvez pas vous prendre de mur, vous ne pouvez pas rentrer dans le cul d'une autre voiture sur ces routes désertées, vous n'avez à gérer ni vitesse ni direction, rien, aucun gameplay. Du coup, vous laissez réellement la conduite en automatique, ou vous choisissez la téléportation au parking connu le plus proche. Téléportation impliquant un temps de chargement tellement démesuré que jouer à Final Fantasy pour moi n'a été possible qu'avec un livre ou Facebook à proximité, pour s'occuper pendant le trajet de voiture ou l'écran de chargement.


Enfin, l'essentiel d'un jeu immersif, si ce n'est le monde ou l'histoire, se retrouve dans les quêtes : ce sont elles qui font avancer les protagonistes et structurent l'aventure. Ca ne peut pas être loupé, si ?
- Les quêtes secondaires : bien trop nombreuses, elles poussent à un farming d'expérience sur lequel se jettera tout fan de Final Fantasy (rappelez vous, c'est un FF pour les nouveaux venus ET les fans) qui y verra un moyen plus aisé et plus étalé dans le temps de pratiquer cette fameuse chasse à l'expérience pour des lendemains qui chantent. Résultat, on finit le jeu 20 niveaux minimum au dessus de ce qui est prévu par l'équilibrage du jeu. C'est juste brillant.
- Les chasses au monstre : Sur le papier, un petit côté Monster Hunter. Dans la pratique, ne pouvoir avoir qu'une seule prime à la fois fait que le jeu ressemble à [2 minutes de LOADING —> 15 secondes de marche —> 1 minute de combat —> 15 secondes de marche —> 2 minutes de LOADING —> Rendu de la quête —> Prise de la suivante]. Mention spéciale au fait qu'après avoir débloqué tous les parkings, chercher les chasses au monstre non effectuées (nouvellement apparues à ce moment) pousse le joueur à vérifier physiquement un à un tous les restaurants qui sont les hubs de quête. On s'amuse, dans ce jeu.
- Les quêtes principales consistent souvent en "prends ta voiture pour aller là voir la prochaine cinématique"
- Les quêtes secondaires sont du style "j'ai besoin d'œufs pour faire une crêpe, tu peux aller m'en chercher ?", puis "merci pour les œufs, maintenant, pour la suite, il me faut de la farine."


D'ailleurs, surtout, ne cherchez aucune implication dans le monde. Ca fait 20 ans que le MMO a compris ce qu'il ne fallait surtout pas faire comme quêtes, ce qu'il ne fallait pas faire comme hub, ce qu'il ne fallait pas faire comme monde (vide) — L'équipe derrière ce FF a pris ce manuel des choses à éviter pour l'implémenter en plein, c'en est navrant.


Réconcilions nous avec le jeu grâce à son système de combat, alors. Le combat totalement dynamique dans un Final Fantasy, c'est un peu supprimer les voitures et circuits d'un jeu de course automobile pour les remplacer par des ballons de basket et des terrains avec paniers, mais sur le papier cela pouvait être une bonne idée. Mais sur le papier, hein.
- La pause tactique est TOTALEMENT inutile.
- Il n'y a AUCUNE réflexion tactique — c'est un jeu pour les nouveaux venus et les fans, n'oubliez pas.
- Avoir assez de potions, élixirs et queues de phoenix permet d'être immortel. Il est donc dommage que grace aux 17 000 quêtes secondaires décrites au dessus, vous êtes tellement riche que vous AVEZ assez de potions, élixirs et queues de phoenix. En effet, un personnage ne meurt que si son maximum de PV tombe à zéro, et ce maximum diminue uniquement quand le nombre de PV actuel du monsieur est à zéro. Dans le pire des cas, si une potion est trop chère, un clic sur le personnage souffrant lui rendra des couleurs.
- Vous ne contrôlez qu'une seul personnage. Le XII et le XIII n'avaient pas d'action directe des autres membres de l'équipe, mais au moins ils étaient programmés. Ici, non, ils font ce qu'ils veulent — c'est à dire souvent n'importe quoi. Comme foncer au corps à corps quand on s'apprête à utiliser la magie.
- Magie qui donc devient totalement inutile comparée aux dégâts physiques, impossible à viser précisément, et surtout touche alliés comme ennemis dans la zone d'effet. La création des sorts promet des trucs sympas, mais au final, même pas.
- Les invocations, un des cœurs de FF, sont impressionnantes mais totalement aléatoires et quand le jeu décide que le moment est venu, difficiles à lancer (JE MARTÈLE TA PUTAIN DE TOUCHE L2, TU VEUX QUOI DE PLUS ?). J'ai dû en voir trois, dont 2 fois la même.
- La caméra est la pire vue sur des jeux AAA depuis au moins 15 ans. S'il y a UN angle dans lequel vous ne verrez rien, c'est SYSTÉMATIQUEMENT celui qu'elle adoptera.


Et je ne parle pas des professions secondaires ennuyeuses (les gens se font bannir leur compte à utiliser des logiciels tiers pour pêcher dans World of Warcraft tellement c'est chiant, alors en faire une grosse partie de votre jeu, voyons, que Diable !) ou stupide (dans un jeu qui a tellement mis l'accent sur la sacro-sainte voiture et les chocobos, augmenter une profession en fonction de la marche à pied des personnages, c'était malin, vous êtes surs ?), ni des compétences ressemblant au sphérier de FF10 dans une version accessible aux enfants trisomiques ayant des troubles de l'attention, ni les 34 millards de bonus fournis par les recettes de cuisine, ni des fonctions totalement anecdotiques comme la ferme de légume, l'arène des monstres, la chasse aux pièces.


Pas d'équipement, pas d'optimisation, que du cosmétique.


Bref, après FF13, je ne peux pas dire que ce jeu est mauvais. Il est un conglomérat monstrueux de concepts et de jeux qui ne fonctionnent pas ensemble, il est bourré de bonnes idées théoriques n'ayant pas été travaillées, il n'a pas été testé, il ne respecte aucune règle élémentaire de game design, ses personnages ne sont pas tous dignes du quatuor de tête auquel on finit par s'attacher à son corps défendant, son scénario n'est pas original, il est à la fois trop court (sans quêtes annexe) et trop long (avec toutes)... mais il n'est pas mauvais.


Et une fois la destination atteinte, je me retourne vers ce voyage. Ce voyage qui m'a fait hurler. Ce voyage que j'ai regardé d'un air dédaigneux. Ce voyage que j'ai critiqué encore et encore, et encore. Et les larmes aux yeux, je me rends compte qu'il a été important pour moi. Qu'il a créé sa petite place dans ma vie, et que le trou qu'il laisse ne sera pas facilement rebouché.


Je déteste ce Final Fantasy, car il aurait pu être l'un des plus grands de la saga. Je le déteste pour tout ce qu'il aurait pu faire. Je le déteste parce que je ne voulais pas m'attacher à ces 4 personnages, mais que mon doigt à frôlé dangereusement le bouton "new game +".

Lomig
6
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le 3 janv. 2017

Critique lue 461 fois

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