Avec ses allures de playmobil, Ico, ce héros corné fait un peu sourire, il n'a rien pour lui : il est frêle, quelconque et, par-dessus tout, maudit jusqu'à l'os. Ses cornes ont fait l'objet d'une hypothétique malédiction, il fut alors évincé de son milieu et « jeté » dans les décombres d'un château glacial et quelque peu sordide.
Les contrôles ludiques s'activent dès lors qu'il entame sa fuite. Dans les sombres profondeurs de ce lieu humide, le protagoniste rencontre Yorda, une jeune fille, dont il ne comprend pas un traître mot mais qu'il se jure de protéger coûte que coûte, de façon tacite, comme si cela s'avérait le plus naturel du monde. Les bases du gameplay d'Ico sont immédiatement posées : ascension, énigme et sauvegarde ultime de cette cible facile que représente Yorda. Sans elle, tout aurait été plus simple mais évidemment la simplicité est lassante et redondante. La fillette est froussarde, lente et un peu capricieuse. Ainsi, le personnage principal doit la tirer de gauche à droite en maintenant le bouton R1 pour la mener à bon port... mais surtout éviter qu'elle se fasse engloutir par des entités maléfiques qui tentent de l'aspirer dans les profondeurs inconnues. Les deux personnages ne se connaissent pas mais se sentent malgré tout proches dans la tourmente de la solitude.
Le level design est plutôt classique : des leviers à actionner, des corniches à agripper, des blocs à pousser ou à tirer... On est dans du conventionnel pur et dur. L'ensemble est volontairement (ou non) flouté, donnant une aura nébuleuse. On ignore s'il s'agit d'un rêve ou d'un cauchemar. La progression est cependant très linéaire, un peu plate. Un souvenir personnel revient rapidement à la surface et me rappelle, avec un certain amusement, que mon public de l'époque s'était quelque peu assoupi (mais agréablement assoupi, attention !) à la vue onirique généré par le jeu. La difficulté réside donc principalement dans la survie de Yorda. Car même si la vôtre est quand même primordiale, la disparition de la fille immaculée mène également à un échec cuisant. Si elle ne peut ou ne veut pas sauter, elle vous le fera savoir en dandinant la tête de gauche à droite comme un enfant de cinq ans. Si loin de vous elle se trouve par inadvertance, Ico peut lâcher un borborygme attendrissant pour la rappeler à l'ordre. Cette interdépendance est la clé de l'originalité du jeu et il faut jongler entre la progression et l'encadrement. Cela pourrait paraître rébarbatif, mais on s'attache réellement à cette fillette qui fait ressortir un besoin de protection et une vie de protéger primitif propre à l'Être humain. En dehors du plan purement technique, le jeu se retrouve malgré tout chahuté par des contrôles pas toujours précis, des sauts un peu hasardeux et des combats un peu « gribouillis ». Reste que la fragilité du héros, se battant majoritairement avec un vulgaire morceau de bois, fait qu'une tension constante se développe de par le risque de ne pas mener sa tâche jusqu'au bout. La lenteur de Yorda fait l'effet d'une gestion physique tout à fait remarquable puisqu'elle se retrouve souvent à court à cause des grandes enjambées du héros. Ne tester que des tracés arrondis sur le sol avec son personnage permet de voir le travail effectué sur l'inertie des corps physique du titre du Japonais Fumito Ueda. Le jeu n'est cependant pas basé là-dessus puisque l'essence même du jeu se révèle réellement dans sa poésie universelle de l'entraide sans contrepartie.
Tout autant que leur raison d'être, le duo s'offre un final qui permet des interprétations diverses et permettant nombre de débats. L'accueil fait au jeu dans les débuts des années 2000 a été aussi surprenant qu'enthousiasment. Il était rare, jusqu'alors de voir autant d'audace dans un jeu à l'apparence et au parti-pris aussi personnels. Son ambiance sonore est parcimonieuse : quelques musicalités mais surtout de bruits naturels. Malgré une durée de vie un peu légère, le jeu se veut fortement contemplatif, surtout à l'époque, où tout allait trop vite et où tout était trop bruyant.
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