Winnie l'Ourson et la clef des champs
Quand on prend la peine d'y réfléchir longtemps après coup, Kingdom Hearts est un jeu très mélancolique. Pas dans la manière dont il se joue, c'est une histoire bourrin qui n'a rien trouvé de mieux que de gommer toutes les trouvailles de game design de son grand frère et de les troquer contre des lignes droites. Une histoire confuse, une révélation pour le personnage principal dont nous, joueurs, connaissions la teneur depuis des dizaines d'heures, un final en grand nawak avec un plan zoophile entre Donald et Sora, une intrigue partiellement incompréhensible si on est pas passé par le Chain of Memories sur GBA dont le portage PS2 est resté inédit en Europe, des personnages et une organisation de poseurs et de gamins en pleine crise d'adolescence complètement abscons ... Et je parle même pas des fusions jubilatoires qui sont impossibles à utiliser pendant les seules moments où elles seraient pratiques, moments qui se règlent d'ailleurs à grands coups de QTE incontrôlables d'une facilité frustrante. Cela dit, les passage en vaisseau ont été grandement améliorées et se sont transformées en rail shooter plaisant et rythmé pour le néophyte en la matière que je suis.
Bref. Même si ce n'est pas par là que Kingdom Hearts II brille, il se laisse jouer avidement, pour peu qu'on accroche à l'univers ; il est empli de bons moments, certains sont excellents, son histoire prend réellement de l'ampleur et se détache au fur et à mesure du fan service Disney + Square.
Mais avec le temps, en y repensant par petites couches, KH2 est un jeu sur les amis d'enfance à demi oubliés. Lorsqu'on se détache des niveaux de lecture imposés (Square oblige), c'est ce que j'ai retiré de ce jeu. En particulier du prologue, et du traitement qui est fait de Winnie l'Ourson. C'est un jeu qui nous parle de notre enfance, aux gens de ma génération qui avons connu tous ces Disney quand on était gamins.
Je ne dis pas ça parce que les univers renvoient à notre enfance, mais parce qu'à travers quelques custscenes précises (notamment les « souvenirs » brouillés de Roxas, et la scénette où Kairi essaie de se souvenir de Sora sans vraiment y parvenir), c'est le discours qu'il tient, si noyé qu'il soit dans l'histoire. Longtemps après avoir terminé ce jeu, ce sont ces scènes qui restent gravées dans ma mémoire. Au jeune adulte que je suis, elles parlent d'enfance évanouie, de souvenirs condamnés à disparaître peu à peu dans le néant.
A moi, sans qu'il n'y aie aucun rapport formel avec ce jeu (y compris d'époque, j'ai joué à KH2 près de 15 ans après avoir quitté ce décors), ça me rappelle une piste cyclable près d'un aéroport, des bains chauds le dimanche soir et un peignoir sur la moquette d'une chambre d'enfant. Un jardin de quartier résidentiel les dimanches après midi gorgés de soleil où je préférai jouer avec mes legos et me gorger de livres. KH2 me rappelle tout ça avec une netteté surnaturelle que rien jusqu'ici n'avait pu susciter. Donc je crois qu'il parle avant tout non pas à l'enfant qui sommeille en nous, mais à notre enfance révolue.