A l'heure où Marty McFly ne va guère tarder à débarquer dans notre imminent présent, Life is Strange arrive au terme de ses cinq épisodes, après moults manipulations temporelles. Marchant sur l'empreinte modelée par la patte Telltale, Dontnod a tenté ici d'y inscrire la sienne, en apportant sa propre touche, tant en terme d'ambiance qu'en terme de gameplay.


Commençons directement par le gameplay, ça laisse à ceux qui n'ont guère envie de se faire spoiler ou de lire mes élucubrations sur le scénario de quoi se mettre sous la dent avant de s'en aller vaquer à des occupations bien plus productives. Life is Strange étant un jeu narratif à épisodes, on retrouve exactement le même procédé qu'un Walking Dead, à savoir des cinématiques quasi constantes où l'apport du joueur sera de faire les choix qui lui paraissent les plus justes. Là où se démarque Life is Strange, c'est que les phases de résolution d'énigme sont peut-être légèrement plus importantes, puisque nous avons en notre possession le pouvoir de remonter le temps, un élément crucial pour pouvoir avancer dans le jeu.


Ah le temps... Sûrement un élément qui paraît indissociable des jeux épisodiques. Chez Telltale, il nous presse ; chez Dontnod, on peut le prendre et se saisir des opportunités qu'il nous offre. Celle de déjouer les obstacles qui se dressent sur notre chemin, celle de mieux peser sur la balance la portée de nos choix, même si tout cela reste somme toute relatif. Cela pourrait enlever tout le sel du choix moral que de pouvoir y revenir rien qu'en appuyant sur une touche. Mais comme le montrent les tergiversations de Max après chaque choix réalisé dans le premier épisode, toute décision a ses conséquences positives et négatives, et c'est en connaissant ce que proposent les différents embranchements que commence alors le véritable choix à opérer.


Tous ces micmacs temporels se développent dans un jeu à ambiance, calme, baignant dans de la musique plus ou moins indie, sans QTE, avec des interactions réalistes entre les personnages, et où l'on incarne une jeune fille introvertie passionnée de photographie. C'est à se demander comment on a pu faire cohabiter un scénario aussi mouvementé avec tout ça. En ce point, Life is Strange ne diffère pas des autres jeux du genre. Twists et moments de tension sont les maîtres mots, et en règle générale, il faut bien avouer que c'est maîtrisé. Si le premier épisode sert plus à camper la situation initiale, la suite se concentre bien plus sur les découvertes autour de ce que subissent des jeunes filles de la ville d'Arcadia Bay lors de soirées très select, ainsi que sur le pouvoir de Max et ses limites.


Quant au final...


J'avoue avoir été prise de A à Y, c'est-à-dire jusqu'au choix ultime, le seul dans tout le jeu à proposer de véritables enjeux moraux, et qui m'a rappelé The Last of Us, à la différence que nous, joueurs, ne sommes plus spectateurs et juges, mais bel et bien acteurs et seuls décisionnaires. Bref, à ce moment-là, j'étais encore super impliquée. Et puis j'ai fait mon choix. J'ai sacrifié Arcadia Bay pour être avec ma meilleure amie. J'ai laissé mourir sa mère, mes camarades de classe, ce garçon un peu creepy qui voulait tant aller plus loin avec moi et qui m'a aidé à en arriver jusque-là. Nous restions ensemble, mais le prix à payer a été lourd en vie. Enfin bon, faut pas déconner, il n'était pas aussi élevé que celui du plein d'essence qu'on a eu à faire sur le route vers je ne sais où. Arcadia Bay est détruite et des gens sont morts ? Osef ma gueule, je suis avec ma bestouille qui, la veille encore, pleurait sur son égoïsme et souhaitait à sa famille une vie meilleure ! (D'après ce que j'ai compris, cette fin n'est pas la « bonne » (depuis quand il y a de bonne ou de mauvaise fin dans ce genre de jeu, je me le demande). Elle importait donc bien moins que l'autre, qui est là pour nous faire pleurer à chaudes larmes en position foetale. Il reste à savoir si c'est parce que nous perdions une amie proche ou bien parce que tous les choix faits depuis le premier épisode n'ont servi à strictement que dalle.)


Un autre point me laisse particulièrement dubitative : la relation entre Max et Chloé. Je pense que chez Dontnod, ils ont vraiment voulu en faire une amitié et honnêtement, c'est bien. On a tellement tendance à cracher sur l'amitié au profit de la relation amoureuse (de préférence hétérosexuelle) classique, que ça fait du bien d'en voir dans de la fiction, d'autant plus dans le jeu vidéo. Mais plus on avance, et plus se dessinent des sous-entendus plus ou moins appuyés de kiffe entre elles. Ceci dit, qu'importent les choix opérés, le sous-texte romantique restera tout bêtement du sous-texte. Et c'est là où se situe mon problème. J'ai l'impression qu'en règle générale, quand on aborde une amitié entre deux femmes, on reste toujours le cul entre deux chaises ; qu'on n'est pas capable de représenter un sentiment fort sans que ça ne s'apparente à de l'amour ; ou alors qu'on ne peut pas assumer jusqu'au bout de parler d'amour entre deux filles. Et dans ce jeu, c'est très flagrant. Pourquoi donner la possibilité de romancer Chloé si les développeurs veulent te faire comprendre que de toute façon, c'est une histoire d'amitié, point final ?


En y réfléchissant bien, même si la fin de Life is Strange m'a un peu chiffonnée et n'a pas eu l'impact émotionnel voulu, je dois bien avouer que j'ai aimé suivre Max et Chloé au fil des épisodes. J'ai aimé cette ambiance posée, j'ai aimé ces personnages réalistes qui se cachent derrière des stéréotypes de lycéens américains, j'ai aimé voir aborder des thématiques qui sont en règle générale peu traitées dans le jeu vidéo. Je ne suis pas au bord des larmes, je ne retiens pas mon souffle face à la maestria du scénario, mais j'ai passé un bon moment sur un jeu qui a voulu apporter sa marque dans un genre très codé.

Nolwenn-Allison
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le 21 oct. 2015

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